PSA- Aulnay-sous-Bois : Après des mois de préparation… La grève !
28 janvier 2013 Convergences Entreprises
À Aulnay, la direction a mis en place depuis le mois de novembre un cycle de « négociations » : départ des anciens, mobilité interne au groupe PSA, ou « externe » vers d’autres entreprises ou Pôle emploi... Toute cette mécanique bien huilée, visant bien sûr à vider l’usine, mais aussi à faire croire qu’on peut obtenir quelque chose de ces discussions, n’a pas suffi à étouffer la colère de bon nombre d’ouvriers.
Le 22 novembre, une centaine de travailleurs a envahi le Congrès des maires de France, aux cris de « salariés licenciés, communes asphyxiées ». Ils dénonçaient les promesses non tenues de Hollande et ont obtenu d’être reçus la semaine suivante au ministère du Travail. Ce même jour à l’usine, 80 salariés participaient à un débrayage et parcouraient les ateliers pour rallier leurs camarades.
Des représentants élus par la base
Pour la rencontre au Ministère du travail, le 27 novembre, les salariés ont imposé, en plus des délégués syndicaux, sept ouvriers et ouvrières élus en Assemblée générale. Cet élargissement des délégations à des représentants directement élus par la base était discuté depuis quelques mois, manifestant la volonté des salariés les plus mobilisés de garder le contrôle de leur mouvement et de participer aux décisions les concernant.
L’attitude de la direction, qui ne cède rien dans les prétendues négociations qu’elle organise et se montre très provocante sur l’usine, avait déclenché une grève le soir même du rendez-vous au ministère. Alors qu’elle veut fermer l’usine, elle faisait convoquer des ouvriers de l’atelier du Ferrage, dont deux femmes, pour manque de production, ce qui a révolté nombre de leurs collègues ! La grève s’est poursuivie pendant deux jours et s’est étendue aux ateliers du Montage et en Peinture jusqu’au retrait des sanctions. Cette victoire avait redonné le moral, et des idées pour la suite.
La semaine suivante, qui s’annonçait calme, une soixantaine de salariés ont encore débrayé deux jours de suite au Montage après la plainte d’un chef à l’encontre d’un ouvrier. Nombre d’entre eux l’ont aussi accompagné au commissariat où il était convoqué.
Cette même colère se manifestait le 12 décembre à Poissy, où 300 salariés d’Aulnay rejoints par certains de l’usine de Poissy, se sont rassemblés devant le Pôle tertiaire à l’occasion d’une nouvelle séance de négociations avec PSA. Pendant que certains continuaient à bloquer le rond-point devant, d’autres s’engouffraient dans les couloirs et renversaient quelques pots de fleurs... La direction, quelques syndicats à ses ordres et des chaînes de télé en ont fait tout un foin, pour mieux faire oublier que PSA venait d’annoncer 3 000 licenciements supplémentaires à l’échelle du groupe, en plus des 8 000 déjà programmés. Une ultime provocation, qui était susceptible de susciter la colère ailleurs qu’à Aulnay car tous les sites PSA sont concernés.
Le dernier jour avant les vacances de Noël, autour du même petit noyau dur du Ferrage, 160 personnes ont fait grève et organisé un barbecue, histoire de mettre l’ambiance.
16 janvier : la grève démarre
Dès la rentrée de janvier, les militants organisaient des AG qui ont réuni 230 personnes et ont voté le fait de rentrer en grève illimitée la semaine suivante. Ils veulent agir avant que la totalité de la production de la C3 soit transférée à Poissy, et avant que la direction commence à vider l’usine avec la mise en application de son PSE, vers mi-février ou début mars. Sous l’impulsion des travailleurs du Ferrage, la grève a démarré le 16 janvier, avec 250 grévistes dans l’équipe du matin et peut-être un peu moins l’après-midi, soit au total 450 à 500 travailleurs.
C’est encore une minorité, mais déjà nettement plus importante que lors des débrayages et des tentatives de grève précédentes. Le lendemain 17, jour des négociations, à peine quelques grévistes en moins. Dernière provocation de la direction : l’ordre aux sous-traitants du nettoyage d’arrêter le travail. Dérisoire mais perceptible. Un comité de grève a été mis sur pied, avec ses différentes commissions chargées de l’organisation de la grève, dont la commission « relations avec l’extérieur » chargée d’établir le contact avec toutes les entreprises qui le souhaitent.
Nous avons d’ailleurs commencé dès le lendemain, vendredi 18, par rendre visite à nos collègues de PSA Saint-Ouen, où nous avons eu très bon accueil. Dès l’après-midi, la direction a riposté en nous mettant en chômage partiel, ce qui pourrait continuer les jours suivants pour désamorcer la grève. En bon français cela s’appelle un lock-out.
À l’heure où nous écrivons, les grévistes qui s’étaient donné rendez-vous devant l’usine y ont trouvé en abondance non seulement la neige mais des dizaines de cadres et de vigiles pour en interdire l’entrée. Obligés de se réfugier dans les locaux de l’Union locale, ils n’en ont pas moins continué à envisager la suite de la grève et à mettre sur pied les actions prévues pour les jours suivants. Chômage ou grève, nous sommes quelques centaines, déterminés à faire basculer le rapport de force sans attendre d’être réduits à une seule équipe le 1er mars. Il faut aussi miser sur des réactions des autres sites. Dès la première semaine de janvier, des réunions de CHSCT ont eu lieu partout pour annoncer les suppressions de postes prévues, rappelant ainsi aux salariés de PSA que tous sont concernés.
19 janvier 2013, Pierre BECKER
Les grévistes s’adressent à leurs camarades de Saint-Ouen
Vendredi 18 janvier au matin, la direction de Saint-Ouen était sur les dents. Elle faisait surveiller les portes de l’usine, dans l’attente de l’arrivée des grévistes d’Aulnay. Partis à 170 à bord de trois cars, ils ont pénétré sur le site de Saint-Ouen là où personne ne les attendait : par un trou situé dans un mur extérieur de l’usine, avant d’aller à la rencontre de leurs collègues au cri de « Aulnay, Saint-Ouen, même combat ! »
Les chefs ont aussitôt fait arrêter les machines et réuni leurs équipes dans les aires de repos. Du coup, les manifestants d’Aulnay sont passés dans toutes les aires où les ouvriers étaient regroupés pour y faire des prises de parole ! Ils ont expliqué que tous les sites étaient concernés par les suppressions de postes (65 viennent d’être annoncées à Saint-Ouen sur un peu plus de 600 salariés), comme par les accords de compétitivité qui viennent d’être signés avec le patronat. Ils ont reçu très bon accueil. Certains retrouvaient d’anciens collègues récemment mutés à Saint-Ouen, retrouvailles chaleureuses, et nettement moins sympathiques quand ils ont reconnu d’anciens chefs d’Aulnay, dénoncés car particulièrement détestés ! Après ces réjouissances qui ont duré deux heures, ils ont été raccompagnés en manifestation jusqu’à leurs cars.
Solidarité entre les usines PSA
Dès le deuxième jour de la grève, la direction faisait appel dans d’autres usines du groupe, en particulier à Sochaux, à des candidatures pour venir travailler à la place des grévistes de Citroën. Elle était prête à mettre le prix, puisqu’elle proposait la double paie plus une prime de 10 %.
Résultat : aucun volontaire. Il faut croire que la grève d’Aulnay est plutôt populaire dans le groupe.