Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 86, mars-avril 2013

PSA Aulnay : Retour sur huit semaines de grève

En ce 8 mars 2013, suite à l’occupation toute la matinée du luxueux siège de l’UIMM (avenue de Wagram, Paris 17e), la grève se poursuit à Aulnay.

Le 16 janvier, la grève démarre : après des mois de préparation, nous sommes quelques centaines de travailleurs, entre 300 et 400 selon les semaines, à avoir décidé de nous lancer coûte que coûte dans la bagarre. Après deux jours de grève, la direction a riposté par ce qu’on a appelé à juste titre un lock-out en décidant de fermer l’usine une semaine sous couvert de chômage partiel de longue durée (APLD).

Elle a peut-être pu regretter ce choix : la semaine durant, nous nous sommes réunis tous les jours à l’Union locale CGT, avons pris le temps de nous organiser en comité de grève avec ses différentes commissions (finances, contacts avec l’extérieur, propagande, etc.) et de nous faire voir un peu partout. Ce fut le cas le 22 janvier lors de notre visite aux ouvriers de Renault Flins en grève contre les accords dits de « compétitivité » que l’entreprise veut imposer à ses salariés. Cette initiative a été très médiatisée, les journalistes soulignant ce qui était pour eux incroyable, la fraternité de la rencontre entre salariés des deux « concurrents » automobiles. Le 24 au soir, un meeting réunissait à Sciences Po des délégations de plusieurs entreprises en lutte – Sanofi, PSA, Virgin, Goodyear, Air France – et des étudiants solidaires, pour amorcer les prises de contact et envisager des initiatives communes.

Le lundi suivant, 28 janvier : PSA prend le risque de rouvrir le site d’Aulnay. La direction fait certainement le pari de recentrer le conflit sur l’usine tout en préparant les provocations qui pourraient le faire déraper. Elle embauche 100 vigiles et achemine 200 cadres de tous ses autres sites, bardés de gilets jaune fluo, pour ériger un obstacle permanent entre grévistes et non grévistes et suivre les moindres faits et gestes de ceux qui sont en lutte. Les premières semaines, cela a évidemment tendu l’atmosphère, mais à la longue nous avons prêté moins d’attention à ces nervis, les baptisant avec mépris « les pots de fleurs ». Puis elle nous a fait le coup des huissiers et monté des dossiers contre des grévistes, avec entretiens préalables à licenciement et convocations… à la Sûreté territoriale !

Ces mesures de rétorsion n’ont pas atteint trop durement notre moral, même si deux de nos camarades, ne disposant d’aucun mandat syndical, sont aujourd’hui licenciés et le contestent aux Prud’hommes. Nous avons riposté collectivement, accompagnant nos camarades à toutes les convocations, et tourné en dérision les accusations portées par la direction, scandant tous en cœur « Madame, il m’a touché ! »…

Bloquer l’usine sans que l’usine nous bloque

Cette confrontation permanente à l’intérieur de l’usine a tout de même suscité bien des discussions. Des grévistes rechignaient à « abandonner » le terrain pour continuer les actions extérieures, de crainte que la direction n’en profite pour relancer la production. Mais peu à peu, voyant que la production ne repartait pas, que ces actions extérieures étaient l’occasion de récolter la solidarité financière nécessaire aux grévistes et de mesurer la sympathie manifestée par tous ceux que nous sollicitions par la distribution de dizaines de milliers de tracts à la population, les réticences se sont amoindries. Nous avons multiplié les opérations péage gratuit (entre autres exemples : 10 000 € récoltés au péage de Saint-Arnoult le 22 février), les collectes à la porte des entreprises et dans les gares. Ces actions nous ont permis de verser à tous les grévistes une « paye » proportionnelle à leur participation, jusqu’à 800 € pour tous ceux qui avaient fait un mois complet de grève.

Cette politique d’actions vers l’extérieur redonnait le moral et renforçait la détermination, plutôt que de passer la journée à se confronter aux « pots de fleurs ».

29 janvier : nous rejoignons les Virgin sur les Champs-Élysées, accompagnés des Sanofi et des Candia. Puis nous nous rendons à la manifestation en direction du ministère du Travail organisée par les Licenci’elles et les Goodyear.

Le lendemain, trois cars de grévistes se rendaient sur le piquet de grève de Renault Cléon, pendant que d’autres choisissaient de rester à l’usine pour continuer à discuter avec les non-grévistes. Retrouvailles et embrassades avec les camarades de Renault, l’ambiance nous a rappelé celle du meeting commun Flins-Aulnay organisé précédemment.

12 février : nous partons au rassemblement organisé par les Goodyear devant leur siège à Rueil-Malmaison. Puis nous nous offrons une petite balade pour aller redécorer le siège de PSA avenue de la Grande Armée et quelques luxueux concessionnaires plus bas sur les Champs à coups d’affiches contre la fermeture et de caricatures de Varin.

20 février : visite surprise à Lear, sous-traitant de PSA, en grève contre un PSE. Puis petit détour par Poissy où des milliers de voitures s’entassent sans siège, du fait de la grève de Lear et où 50 travailleurs du montage se sont mis en grève à l’annonce des 0 % d’augmentation cette année. Des visites qui inquiètent fortement la direction, puisque le lendemain de notre passage, très certainement sous la pression de PSA, la direction de Lear propose aux grévistes le paiement des heures de grève, la levée des sanctions et l’ouverture de négociations sur les primes de départ, en échange de la reprise du travail !

Depuis l’arrêt de discussions tripartites, avec l’intervention d’un « facilitateur » nommé par l’État (le directeur départemental du Travail), qui n’ont strictement rien donné, du point de vue des grévistes comme de celui des non-grévistes, il est encore plus évident qu’il faut continuer à aller vers l’extérieur. S’obstiner à tenir une usine où la production ne repart pas, et qui pourrait très bien fermer avant l’heure (janvier 2014) ne sert à rien. En revanche, nous avons tout à gagner à aller à la rencontre des autres, comme lors de la manifestation du 5 mars où de nombreux manifestants nous ont témoigné leur soutien, ou lors de rencontres avec d’autres boîtes en grève qui, à l’heure où nous écrivons, sont d’ores et déjà prévues.

9 mars 2013, Pierre BECKER


Grévistes et non-grévistes

La direction a fait toute une propagande pour expliquer que nous terrorisions les non grévistes. Mais ses mensonges sont devenus contre-productifs : le jour où nous étions à Lear, une contremaîtresse a voulu mettre la pression sur les ouvriers en HC5 (habillage caisse). Elle s’est vue répondre ses quatre vérités, « c’est vous qui créez le climat d’insécurité, pas les grévistes », « vous voulez nous empêcher de discuter avec eux »... Nous avons toujours veillé à maintenir le lien avec les salariés non-grévistes, et maintenant certains, très mécontents des propositions de la direction, viennent à nos AG pour s’informer !

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article