Allemagne
Négociations collectives dans les services publics, grève à la CFM (Charité Facility Management) : c’est de nous toutes et tous qu’il s’agit !
(Éditorial des bulletins d’entreprise de nos camarades du RSO d’Allemagne, 2 octobre 2020)
Pendant la crise de la Covid, des « aides financières » de centaines de milliards d’euros ont été mises à disposition en un claquement de doigt, qui se sont retrouvées dans les poches du grand patronat, comme si ses bénéfices des dernières années avaient subitement disparu. Et qui paiera la note à la fin ? Pas de doute que pour les chefs d’entreprises et le gouvernement, ce sera nous, les travailleurs. Les négociations collectives de branche en cours pour les services publics (fédéraux et municipaux), qui concernent 2,3 millions de salariés, en sont un exemple parfait. Les « donneurs d’emploi » [comme se nomment généreusement les patrons en Allemagne] revendiquent un gel des salaires. La réponse a été une « grève d’avertissement » [1] de deux jours.
Les « héros » ne peuvent pas payer leur loyer !
Ce sont surtout les salariés des services publics, comme ceux des transports et des hôpitaux, qui ont quotidiennement fait leur boulot de « travailleurs essentiels » pendant la pandémie, et ont été érigés en « héros ». Dans des conditions de travail qui sont loin d’être celles de privilégiés, comme certains voudraient le faire croire : dans les services publics, plus de 60 % des nouveaux emplois sont des CDD, les plus bas salaires doivent compléter leur revenu avec des allocations Hartz IV [2], et le recours à la sous-traitance augmente fortement.
Ces salariés ont été applaudis et acclamés par les politiciens ces derniers mois. Aujourd’hui, ils sont « remerciés » par un gel de salaire. À l’ordre du jour des négociations, aucune proposition favorable du gouvernement, qui calculait visiblement qu’il n’y aurait pas de grève en pleine pandémie.
L’état normal est déjà un danger
Il y a eu deux jours de grève dans les services publics cette semaine. À Berlin, elle a paralysé les transports en commun (métro, bus, trams…), et des employés des hôpitaux, de la Charité et de Vivantes, appartenant à la ville de Berlin, sont descendus dans la rue.
Une grève pendant la pandémie, voilà qui n’arrange pas tout le monde et les collègues des services publics le savent [3]. Mais déjà pendant la pandémie, les conditions dans les hôpitaux étaient atroces et ont constitué un réel danger pour la population. Pas de raison que la Covid soit maintenant utilisée comme prétexte pour ne rien changer, et autant avertir qu’on reste vigilants face à la note qu’on nous présentera de leurs prétendues « aides à l’économie ».
La CFM [4] – Le « parfait exemple » de la filialisation
Cela fait des années que les services publics essaient de faire des économies sur tout. L’un des exemples en est la filialisation et la sous-traitance massives de services, comme c’est le cas à la CFM dont les salariés ne sont toujours pas payés selon la convention des services publics. Pour des collègues, ça signifie jusqu’à 800 euros de salaire en moins ! Depuis des années, des grèves et autres luttes à la CFM ont été menées pour obtenir un alignement sur les salaires conventionnels. Même la coalition qui gouverne au Sénat berlinois a dû s’engager à pousser pour une réintégration des filiales des services municipaux à la convention collective et à ses barèmes salariaux.
Lors d’une dernière grève, les salariés de la CFM ont fait l’expérience de tentatives de cadres pour les empêcher d’exercer leur droit de grève. Des intimidations massives, menaces de perte d’emploi : recours à une entreprise privée de logistique pour briser la grève et à des « entreprises de conseils » pour « acheter » des collègues et leur proposer de travailler en dehors de la boîte.
Pour le moment, la grève est en pause, en phase de négociations, mais une veillée – permanence – se tient devant le siège dans le quartier de Wedding et rappelle à la direction que la détermination gréviste est toujours là.
La caricature des négociations collectives : à gauche la centrale syndicale Ver.di avance 4,8 % d’augmentation, à droite les patrons 0,5 % et un CD des applaudissements aux balcons.
Des raisons de faire grève tous ensemble !
Ces deux jours de grèves ont montré que la colère existe, comme la conscience qu’aucune amélioration ne sera obtenue sans pression. Mais chaque secteur a fait grève dans son coin. À Berlin, les collègues du BSR (de la gestion de l’eau), de la BVG (des transports en commun) et les hospitaliers ont fait grève et organisé leurs mobilisations séparément, sur leurs sites respectifs. Pourquoi cette séparation, alors que le personnel soignant fait grève pour une réduction de la charge de travail, les collègues des transports pour une réduction du temps de travail à 36 heures 30, avec maintien du salaire : des revendications valables pour toutes et tous, non ?
L’actuel conflit autour de la convention de branche concerne plus de deux millions de salariés. S’ils décidaient de descendre tous ensemble dans la rue, cela créerait un rapport de force à même d’obliger les riches, et pas les travailleurs, à payer la note de la crise de la Covid.
[1] Les « grèves d’avertissement », les Warnstreiks, sont des grèves courtes, de quelques heures à quelques jours, appelées par les directions syndicales pour appuyer les négociations de branche. Contrairement à d’autres grèves, elles ne nécessitent pas de vote consultatif de la base pour être considérées comme légales.
[2] Peu ou prou l’équivalent du RSA en France.
[3] L’annonce des « grèves d’avertissement » a été accompagnée d’une offensive médiatique dénonçant l’irresponsabilité d’une grève dans le secteur de la santé pendant la pandémie, de la « prise d’otages » dans les transports, et autres classiques…
[4] Charité Facility Management, filiale de l’hôpital de la Charité, à laquelle sont sous-traitées toutes les tâches « non-médicales », non en rapport direct avec les soins.
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