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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 30, novembre-décembre 2003 > DOSSIER : Gouvernement et patrons à l’assaut de la Sécurité sociale

Mattei soigne les trusts

8 novembre 2003 Convergences Politique

« A force de tout vouloir, on finit par ne plus pouvoir avoir le nécessaire ». C’est par de tels propos moralisateurs que Mattei pointe inlassablement du doigt une prétendue sur-consommation de médicaments qui affecterait la population française, et ruinerait les caisses de la Sécurité sociale.

C’est ainsi qu’il justifie son plan d’économies, inscrit dans la loi de financement 2003, et dont on a déjà subi les premiers effets. La baisse de 65 à 35 % du taux de remboursement de 617 médicaments, annoncée en avril dernier, a pris effet en mai. Une nouvelle liste de 82 médicaments a subi un déremboursement total. Le « Tarif forfaitaire de responsabilité » (TFR), mis en place depuis le 8 septembre dernier, impose désormais le remboursement des médicaments sur la base du prix du médicament générique correspondant - inférieur de 30% en moyenne aux médicaments de marque. Et déjà, des idéologues gouvernementaux, qui se proclament spécialistes de thérapeutique, s’empressent de vanter les vertus de l’ « automédication », une formule d’avenir si on les laissait faire.

Impitoyables pour les médicaments

Car les récentes mesures de déremboursement en préparent d’autres, déjà ouvertement programmées. C’est d’ailleurs le gouvernement de gauche de Jospin qui a mâché la besogne actuelle de Mattei, lorsque la ministre Aubry a réuni en 1999 une commission de « transparence », l’AFSSAPS pour procéder au classement des 4490 médicaments remboursés. Trois catégories ont alors été établies, en fonction d’un prétendu « service médical rendu » (SMR), respectivement « majeur ou important » (2815 médicaments), « modéré ou faible » (840 médicaments) et enfin « insuffisant » (835 médicaments). En septembre 2001, le gouvernement socialiste a décidé l’abaissement du taux de remboursement de 148 médicaments de la troisième catégorie. Mattei poursuit l’oeuvre engagée, par la suppression du remboursement des 835 médicaments de cette catégorie en 3 vagues successives (les prochaines à l’été 2004 et l’été 2005) et en abaissant le taux de remboursement de centaines d’autres.

Le caractère injustifié de ces déremboursements partiels ou totaux a été dénoncé par de nombreux médecins. Qu’on en juge : la part des médicaments à SMR décrétés « insuffisant » représentait en 2002 20,3% des unités prescrites ! Dans la liste noire des 617 médicaments, on trouve nombre de remèdes efficaces et fréquemment prescrits, comme des anti-allergiques (Zyrtec, Telfast), des anti-nauséeux (Primperan), des anti-inflammatoires (Voltarène). Jusqu’aux vaccins obligatoires et certifiés au carnet de vaccination, comme le DT Coq, jugé inefficace par le ministre de la Santé ! Signalons d’ailleurs que le Conseil d’Etat, saisi par un laboratoire pharmaceutique, a annulé en juin la baisse du taux de remboursement de deux médicaments, datant de septembre 2001, en jugeant comme insuffisamment motivés les avis de la commission de « transparence ».

Généreux pour les industriels

Le gouvernement se vante que les économies ainsi réalisées sur le dos des assurés sociaux s’élèveraient à 300 millions d’euros pour l’année 2003. Une goutte d’eau par rapport au « trou » de la Sécurité sociale estimé par le même gouvernement, et surtout par rapport aux dépenses considérables que ce prétendu plan « d’économies » va engendrer, pour le plus grand profit des trusts pharmaceutiques. Car le déremboursement n’est pas étalé sur 3 ans par hasard. « Nous allons le faire lentement pour que les industriels s’adaptent » déclarait ainsi Mattei en octobre 2002 (cité par Le Monde).

Et c’est là que se situe le noeud de l’affaire. En effet, la loi de financement 2003 de la Sécurité sociale se trouve accompagnée d’une mesure de « compensation » en faveur des trusts pharmaceutiques, mesure passée presque inaperçue dans l’opinion, alors qu’elle met les trusts en position de remporter un véritable pactole ! Les laboratoires ont ainsi été invités à élaborer des médicaments « innovants » destinés à remplacer les médicaments déclassés, qui ont le défaut d’être... trop bon marché. Maintenant, les laboratoires ont le droit de fixer librement le prix de ces « innovations » avec un contrôle étatique réduit au strict minimum, sous prétexte d’accélérer leur mise sur le marché ! A charge pour la Sécurité sociale de payer la différence entre le médicament « innovant », cher et remboursé, et le médicament bon marché et déclassé ! Car, sans attendre les médicaments innovants, il existe déjà de nombreux exemples où les médicaments de substitution sont considérablement plus chers que les médicaments de référence qui ont subi le déclassement.

On nous fait donc le coup des « génériques », mais à l’envers ! Exemple, cet antibiotique utilisé dans le traitement de la mucoviscidose, la Colimycine, menacé de déremboursement, alors que le traitement de substitution vaut 16 fois plus cher. Quant aux prix que nous réserve l’innovation, on peut en avoir un avant-goût avec l’exemple du nouveau neuroleptique mis sur le marché américain par le groupe Bristol-Myers Squibb : 380 dollars le traitement mensuel, soit 100 fois plus cher que le médicament de référence ! Qui peut d’ailleurs juger du caractère innovant des nouveaux produits, puisque la réglementation n’oblige à aucune étude comparative ?

Pas étonnant dans ces conditions que le plan Mattei ait suscité les applaudissements des laboratoires d’envergure internationale, qui sont persuadés de gagner en retour des prix de remboursements élevés pour leurs « innovations ». Quant aux petits laboratoires frappés par les mesures de déremboursement, ils sont invités à se replier dans le domaine de « l’auto-médication », quand ils ne sont pas condamnés à disparaître. Et comme toujours dans les processus de concentration capitaliste, les gros laboratoires, eux, voient des perspectives de profits colossaux s’ouvrir devant eux.

Au regard de ces enjeux financiers, la campagne moralisatrice de Mattei qui prône la modération en matière de soins et les économies de bouts de chandelle au moyen des génériques apparaît comme une sinistre farce.

Simone CANETTI

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