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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 120, juin-juillet-août 2018 > SNCF

Les cheminots tiennent tête à Macron

Après plus de deux mois de lutte, 26 jours de grève sur le calendrier perlé en 2 jours sur 5, bien davantage pour la minorité en reconductible, le rejet du pacte ferroviaire par les cheminots est plus que confirmé. Déjouant tous les pronostics de ses adversaires, la grève se maintient. À tel point que le gouvernement a dû rapidement abandonner sa tentative avortée de monter la population contre les cheminots et même renoncer à sa posture « à la Thatcher » en mettant en scène des négociations bidon au sommet de l’État. Pas de quoi contenter les grévistes qui se battent pour le retrait du pacte ferroviaire, mais la preuve que cette grève reste une sacrée épine dans le pied du gouvernement.

Ce n’est décidément pas dans les salons qu’on obtient satisfaction

Avec l’annonce en grande pompe de la reprise partielle de la dette, « le gouvernement transforme une contrainte comptable en cadeau » [1]. Et c’est le Figaro qui le dit ! Le reste se résume en une vague promesse de « table ronde tripartite » qui devrait se tenir à la mi-juin pour discuter de la future convention collective, convention qui serait « de qualité », promettent évidemment les menteurs professionnels du patronat, – une façon d’entériner la fin du statut [2].

Il faut un sacré esprit de conciliation pour estimer, comme le fait le secrétaire fédéral de la CGT Laurent Brun, qu’on a « un gouvernement qui semble plus ouvert mais qui a toujours du mal à s’engager ». La CFDT et l’UNSA, elles, balbutient depuis dix jours en annonçant candidement qu’elles cherchent « une porte de sortie » à la grève tout en y restant. Enfin, l’interfédérale en entier, Sud-Rail compris, a résumé ses exigences dans une lettre ouverte au Premier ministre, publiée le 1er juin, qui ne demande plus rien sauf un « cadrage » des négociations à venir.

Les directions syndicales soufflent le chaud et le froid. Elles sont, d’un côté, baladées par le gouvernement dont les concessions sont assez maigres (et bien entendu répondent exclusivement aux préocccupations bureaucratiques des appareils) et, de l’autre côté, toujours sous la pression d’une grève qui se maintient et dépasse déjà, en termes de participation et de durée, tous les mouvements cheminots depuis 1995.

Déterminés, mais pas en AG

La « Vot’action », initiée par l’intersyndicale pour occuper les grévistes et continuer à singer les recettes d’un nouveau « dialogue social » à base de référendums d’entreprises et de grèves perlées [3], s’est traduite par une victoire sans appel pour ses organisateurs. Ils ont paru presque embarrassés par ce résultat confortant bien plus les grévistes favorables au retrait sans amendement ni négociation que les dirigeants syndicaux qui se pressent dans les salons !

Si les cheminots restent nombreux dans la grève – exerçant ainsi une pression sur les directions syndicales qui ne peuvent pas sortir du mouvement sans y perdre des plumes – les grévistes sont moins nombreux dans les AG, conséquence prévisible et prévue du calendrier de grève perlée bouclé à l’avance [4]. Cercle vicieux : plus les AG rétrécissent, moins elles ont de pouvoir de décision et plus elles apparaissent vaines. Il faut, pour les maintenir, toute l’énergie des militants les plus convaincus que la grève doit appartenir aux grévistes.

Car c’est le lieu où les grévistes peuvent discuter collectivement et surtout décider des suites. En région parisienne, ces AG rassemblent encore 50 à 100 participants par gare, ceux des grévistes qui sont le plus mobilisés, dont au moins la moitié de partisans d’une vraie grève, reconductible. Les discussions y sont riches même si les positions sont clivées et les débats parfois tendus, car c’est là que s’exprime la méfiance croissante envers la direction interfédérale.

La volonté de ne pas rester isolés

Cette méfiance se manifeste notamment par un certain nombre de votes en AG pour « bouger » le calendrier. Un objectif assez limité s’il s’agit seulement de passer d’une « perlée » à une autre, mais qui traduit cependant le sentiment montant d’un besoin de changement après deux mois d’une grève devenue presque routinière.

Malgré les limites inhérentes à la faible participation, les AG restent le lieu où sont organisées une multitude d’initiatives : tournées auprès des collègues, diffusions aux usagers et de nombreuses autres actions qui rythment la grève. À défaut de parvenir à convaincre massivement leurs collègues d’opter pour la reconductible, les grévistes les plus actifs, syndiqués ou non syndiqués, bénéficient de la sympathie de la grande majorité des cheminots et parviennent parfois à les entraîner dans des incursions hors calendrier, surtout quand elles sont motivées par le lien avec d’autres secteurs, comme le 22 mai, jour de grève des fonctionnaires.

Car le mouvement n’est pas corporatiste et la nécessité du tous ensemble apparaît comme une évidence – l’attaque contre les cheminots est vue comme le prélude à une nouvelle accélération de l’offensive patronale. Mais c’est une chose de souhaiter l’extension de la grève et une autre de savoir par où commencer pour aller dans ce sens, si ce n’est de rester en grève, dans un contexte rendu plus difficile du fait qu’en ce début de juin les cheminots restent relativement isolés. Même leurs alliés étudiants ne sont plus vraiment là !

Il n’en reste pas moins que la grève des cheminots a donné une tonalité contestataire aux deux mois écoulés, en inspirant la jeunesse mais aussi d’autres secteurs du monde du travail qui ont participé plus nombreux aux différentes manifestations du mois de mai. Tant que la grève continue, elle est susceptible de cristalliser une opposition de classe à ce gouvernement de casse sociale. Tant mieux, car le mouvement n’est pas près de s’arrêter ! 

1er juin 2018, correspondants cheminotes et cheminots


[1Lefigaro.fr, 30 mai. Pour plus de détails sur la dette, voir les deux derniers numéros de Convergences Révolutionnaires.

[2Voir Convergences Révolutionnaires, n° 119.

[4Voir « La drôle de grève », no 119.

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