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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 120, juin-juillet-août 2018 > Manifestations du 26 mai

Le risque de jouer la mouche du « râteau dégagiste »

Cette « grande unité » du 26 mai a mêlé cette fois tout un panel d’organisations (ou parfois seulement d’étiquettes) syndicales et politiques. Or certains camarades du NPA tiennent à s’en attribuer aussi le mérite : « C’est l’aboutissement d’un long, très long combat pour l’unité. Un combat dont on peut dire, sans chauvinisme de courant politique, qu’il doit beaucoup aux interventions d’Olivier Besancenot et à la politique unitaire du NPA qui, depuis des mois, appelle à cette convergence », lisait-on dans un article de L’Anticapitaliste du 23 mai [1].

Certes, on ne peut que se réjouir que ces derniers mois, avec le coup de colère dans les universités et la grève des cheminots, la presse et la télé aient donné un peu plus souvent la parole à nos camarades Olivier Besancenot et Philippe Poutou, et on ne peut que se féliciter de l’écho très favorable que rencontrent leurs dénonciations virulentes de la politique du gouvernement.

Mais quand un Mélenchon fait lui aussi mine de s’en réjouir, c’est en langue de vipère, pour saluer « le retour dans le combat d’un homme comme Besancenot » (comme si Olivier s’était un jour arrêté de militer) qui « élargit le râteau dégagiste et oblige au combat les secteurs politiques qu’il concurrence » [2]. Une ironie perfide, mais facile, car là est tout le problème.

La politique unitaire qui consiste à multiplier déclarations, rassemblements, collectifs ou meetings unitaires avec tout ce que les débris des appareils de gauche comptent de politiciens en mal de devenir les chefs de file de l’opposition à Macron, de Benoît Hamon à Pierre Laurent, sert-elle vraiment la grève des cheminots et sa nécessaire extension aux autres secteurs ? N’aboutit-elle pas plutôt à se mettre à la traîne du clan du « dégagisme »  ? Ce clan pour qui « dégager Macron » (sans dégager la classe capitaliste !), est le premier objectif, et les urnes le seul « débouché politique » raisonnable d’une grève.

La lecture même d’appels unitaires, que le NPA a signés et dont il a été pour certains à l’initiative, en montre toute l’ambiguïté. La première tribune unitaire du 30 mars signée par le NPA avec des députés de la France Insoumise, le secrétaire général du PCF, l’ancien ministre et candidat socialiste Benoit Hamon et bien d’autres, écrivait : « Notre pays a donc besoin d’une relance des investissements dans le réseau ferré. L’État doit prendre en charge la dette qu’il a fait porter à l’entreprise publique indûment, et accorder des recettes pérennes pour le développement du service public ferroviaire » [3]. Le problème est-il vraiment celui de la dette que l’État, donc le contribuable, devrait « prendre en charge »  ? Victoire : Édouard Philippe vient de l’accorder en promettant, pour ce faire, « un effort supplémentaire des contribuables ». Ça ne changera rien pour les cheminots mais permettra d’éponger les dettes pour hâter la privatisation en attirant les repreneurs. Nous le savons tous, mais c’est la tarte à la crème de ces « alliés »-là.

Une « relance des investissements » ? Plutôt que défenseurs des cheminots, de leurs conditions de travail et de leur droits, les hommes politiques de la gauche, même les petits, mis au chômage par l’arrivée de Macron au pouvoir, aiment à se présenter en meilleurs futurs gestionnaires du capital et en meilleurs défenseurs des services dits « publics » – mais pas des travailleurs. Que diable allons-nous faire dans cette galère ?

Mélenchon quant à lui, le plus grand des « dégagistes », se contente de regarder de haut l’alliance des petits qui veulent lui faire un peu contrepoids, en déclarant lors de l’ouverture de la première « assemblée représentative » de la FI le samedi 7 avril, que « certains confondent l’unité dans l’action et la carabistouille électorale ». Il maugrée contre la « soupe de logos », et justifie son absence à leurs réunions unitaires par un : « Je ne suis pas forcément disponible matin, midi et soir pour toutes les lubies de la gauche selfie, pour aller faire des photos ici ou là. C’est sympathique, mais ça ne mobilise pas trois pingouins » [4]. Le meeting de cette « gauche de la gauche » unitaire du 30 avril, place de la République à Paris, boudé par la FI, l’a confirmé : quelques centaines de personnes à peine dont la moyenne d’âge dépassait la cinquantaine.

Néanmoins, ces sympathiques « pingouins », Mélenchon n’a pas été mécontent de les avoir à sa traîne le 26 mai. Comme il n’allait surtout pas dédaigner de s’associer aux troupes syndicales, bien plus importantes pour lui.

Peut-on vraiment considérer cela comme la victoire « d’un long combat pour l’unité »  ? Et surtout peut-on croire que cette unité-là, celle de ceux dont le seul but est de tenter de reconstruire une gauche de gouvernement, dont certains (Hamon, Mélenchon) ont déjà été ministres, va renforcer en quoi que ce soit la lutte des travailleurs ?

Sous prétexte que nous serions trop petits, en serions-nous réduits à lancer des incantations impuissantes à l’unité des appareils syndicaux, et à l’unité de ces derniers avec les appareils politiciens de gauche ? Ils n’ont guère besoin de nos conseils pour savoir quand cela leur est utile ou pas. Et ce n’est pas la pression du petit NPA qui va les contraindre à mener une autre politique que la leur.

Par contre, si nous sommes certes encore trop faibles, implantés dans un nombre trop restreint de lieux de travail pour jouer dans les luttes d’aujourd’hui un rôle à la hauteur de ce qui serait nécessaire, nous sommes loin d’être démunis dans la jeunesse comme dans quelques secteurs de la SNCF, des hôpitaux et de l’industrie.

Et dans la situation actuelle, la politique que nous avons à défendre, et que les militants révolutionnaires sont seuls à pouvoir proposer, c’est l’unité des travailleurs, s’organisant et se coordonnant eux-mêmes dans leurs luttes ; c’est la défiance vis-à-vis ceux qui leur proposent une quelconque issue électoraliste.

L. B.


[1« Marée populaire et vague de grèves contre Macron : le 26 mai dans la rue et après on continue », L’Anticapitaliste, 23 mai 2018.

[2« Rail : la gauche de la gauche espère se requinquer grâce au mouvement social », Libération, 3 avril 2018.

[3Tribune unitaire du 30 mars : « Non à la casse du service public ferroviaire ! Pour la défense et le développement de tous les services publics ! », L’Humanité, 3 avril 2018.

[4Propos cités dans l’article « France insoumise. Mélenchon rêve d’un nouveau Mai 68 », L’Humanité, 9 avril 2018.

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