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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 91, janvier-février 2014 > DOSSIER : Centrafrique, Françafrique : la spirale guerrière

Le président tchadien, Idriss Déby, promu gendarme régional

14 janvier 2014 Convergences Monde

Au cours de l’intervention militaire au Mali, le Tchad était déjà apparu comme l’allié africain essentiel de la France, en tout cas le seul capable de lui fournir des troupes efficaces. Voici à nouveau l’armée tchadienne à pied d’œuvre aux côtés des troupes françaises, et qui les a même devancées pour faire la police en Centrafrique.

Pourtant, au cours des années passées, le régime tchadien ne s’est pas montré beaucoup plus stable que celui des pays qu’il est invité à stabiliser, et surtout pas moins dictatorial que les régimes qu’il est appelé à policer aux côtés de la France prétendue grande et démocratique. Depuis les années 1960, le Tchad n’a connu qu’une succession de coups d’État remplaçant un dictateur par un autre, avec la bénédiction ou la participation directe de la France. En 2008, Idriss Déby qui avait pris le pouvoir par la force en 1990, n’a sauvé son régime que par une intervention militaire française contre des « rebelles » tchadiens qui menaçaient de conquérir Ndjaména.

La manne du pétrole, dont l’exploitation a commencé en 2003, a changé en partie le Tchad, tout au moins sa capitale Ndjaména où ont poussé quartiers neufs et grands immeubles, ainsi que son réseau routier principal. Mais, si l’attribution opaque des marchés de travaux publics a accru le clientélisme et la corruption [1], la situation de la population tchadienne n’a guère changé. Le gonflement du budget de l’État n’a pas favorisé la santé, l’éducation ou l’accès à l’électricité et à l’eau potable. Nombreuses sont les associations tchadiennes qui ont dénoncé cette situation.

Le régime n’a cessé de faire la chasse à tous ses opposants, journalistes ou syndicalistes. On en a eu, en 2013, de nouveaux exemples : alors que Déby cherchait à tirer crédit de sa glorieuse intervention militaire avec la France au Mali, il s’évertuait à faire taire toute voix discordante, toute critique de son régime. Début mai 2013, des journalistes ont été arrêtés, à commencer par le secrétaire général de l’Union des Journalistes du Tchad (UJT). Arrestation aussi de plusieurs hommes politiques de l’opposition accusés de « subversion ». Mais les arrestations les plus marquantes de ces dernières années ont été celles de 2011-2012 : deux leaders étudiants arrêtés en mai 2011 pour avoir organisé des manifestations pacifiques inspirées des printemps arabes ; arrestation en décembre 2011 du président de Droits de l’homme sans frontières (DHSD) pour avoir dénoncé la mort de 10 personnes arrêtées par la police ; arrestation de trois dirigeants de l’Union des syndicats du Tchad (UST), en septembre 2012, à cause d’un appel à la grève et d’une pétition dénonçant la cherté de la vie ; et en décembre, d’un autre membre de l’UST et employé du ministère de l’Agriculture, arrêté alors qu’il était malade et qui est mort sous les verrous.

En plus d’engraisser les tenants du régime, les ressources pétrolières (ou plutôt la part qu’en laissent au pays les sociétés chargées de l’exploitation, Exxon Mobil, Chevron Texaco, Petronas, Griffiths Energy) ont aussi permis de gonfler le budget de l’armée tchadienne. Et la participation du Tchad à de nombreuses guerres régionales a permis à Déby de constituer une armée aguerrie et bien équipée, du moins comparée à celles d’autres États de la région. Cette armée dont Hollande n’hésite pas à se servir. Quitte à laisser au dictateur tchadien une marge de manœuvre dont il se sert pour ses propres intérêts.

Le Tchad, avec l’assentiment de la France, était déjà intervenu en Centrafrique en 2003 pour renverser Ange-Félix Patassé et mettre en place ce président Bozizé qui vient d’être renversé à son tour. En 2008, c’est pour la propre sécurité de son régime, que les troupes de Déby passaient à nouveau la frontière centrafricaine avec l’accord tacite de Bozizé, et y perpétraient des atrocités, tirant sur les habitants, détruisant ou brûlant des villages, selon l’ONG Human Right Watch. Cela au nom de la chasse aux éventuels rebelles tchadiens réfugiés en Centrafrique et à des rebelles centrafricains au régime de Bangui. Dès lors, des soldats tchadiens étaient intégrés à la garde prétorienne de Bozizé, pour la sécurité commune des deux dictateurs.

Cinq ans plus tard, Déby, après avoir soutenu Bozizé, semble avoir eu ses propres raisons de s’en débarrasser, puisqu’il a soutenu la rébellion de la Séléka, dont le principal chef de file aurait été un proche d’Idriss Déby [2], selon le journaliste tchadien Makaila Nguebla (journaliste qui a d’ailleurs été expulsé en mai dernier du Sénégal où il était réfugié depuis 2005, à la demande de Déby : petit service entre gouvernants africains amis de la France).

Voilà l’homme que Hollande a choisi pour en faire son gendarme supplétif en Afrique. Tout au moins tant que Déby ne se retournera pas contre lui ou que son régime ne s’effondrera pas à son tour.

G.R.


[1Rapport de International Crisis group http://www.crisisgroup.org/fr/regio....

[2« Des conseillers tchadiens entourent Michel Djotodia », http://makaila.over-blog.com/article-centrafrique-michel-djotodia-un-nouveau-president-sous-l-influence-d-idriss-Déby-116564200.html

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