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La rafle du Vél d’Hiv, Paris, juillet 1942, de Laurent Joly

Grasset, 2022, 395 p., 24 €

19 juin 2022 Article Culture

Les 16 et 17 juillet 1942 plus de 8 000 hommes et femmes, pour la plupart des Juifs originaires d’Europe centrale, notamment de Pologne, et 4 000 enfants, qui le plus souvent avaient eux la nationalité française, étaient arrêtés en région parisienne par la police de Vichy sur ordre de l’occupant. Conduits au stade couvert du Vélodrome d’Hiver, complexe sportif qui se trouvait dans le 15e arrondissement de Paris et était dédié aux compétitions cyclistes, ils furent parqués dans des conditions effroyables, puis dirigés vers des camps en France, notamment celui de Drancy, avant d’être envoyés par convois entiers à Auschwitz pour y être gazés. Sur les 12 884 personnes arrêtées, à peine une centaine survécut. Ce fut la plus grande rafle organisée en Europe occidentale et elle n’aurait pu avoir lieu sans l’aide active et la collaboration pleine et entière du régime Pétain, contrairement aux âneries débitées jadis par Jean-Marie Le Pen et reprises aujourd’hui par Éric Zemmour et ses supporters.

Mais qu’apporte de nouveau l’ouvrage de Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de Vichy, sur un évènement déjà très connu, très documenté et désormais entré dans l’histoire ? Un éclairage à hauteur humaine. Il ne se contente pas d’évoquer le contexte historique et politique de l’époque. Il va plus loin. Il essaie de comprendre quelles étaient, à ce moment-là, la mentalité des victimes mais aussi celle des bourreaux, actifs ou passifs, des voisins des personnes que l’on arrêtait, des concierges qui les dénonçaient ou aidaient à les soustraire à la police, etc. Pour cela, Joly a épluché des centaines de témoignages de victimes, a scruté les archives de la police, de l’administration, de la justice et des Renseignements généraux, a dépouillé 4 000 dossiers d’épuration des agents de la préfecture de police de Paris et a eu accès aux registres des hôpitaux et aux enquêtes médico-légales. Il a passé au crible des rapports d’arrestation et des lettres de dénonciation, etc. Cela donne un tableau très réaliste, mais étonnamment nuancé, de la vie quotidienne à cette époque dans la capitale et une description très précise des conditions dans lesquelles se déroula cette tragédie.

Pour conclure, il faut souligner, mais cela était déjà connu, que l’immense majorité des policiers et des fonctionnaires qui prirent part, directement ou indirectement, à la rafle ne furent pas inquiétés après guerre. Seule une infime minorité fut sanctionnée, et la plupart du temps de façon bénigne. Beaucoup de ces policiers, devenus soudain « résistants » vers la fin de la guerre, eurent la bonne idée de participer à la libération de Paris en août 1944 ce qui leur permis de se voir décerner un brevet de patriotisme et d’échapper aux poursuites. Et, dix ans plus tard, certains d’entre eux furent en première ligne dans la répression contre les Algériens.

Preuve que les régimes passent, mais que la police reste égale à elle-même.

Jean Liévin

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