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La prise du Capitole : l’extrême droite américaine en pleine lumière

Ci-dessous la traduction d’un article de nos camarades américains de Speak Out Now.

(Crédit photo : Image credit : Tyler Merbler, CC-BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/...)

Introduction

La prise d’assaut du Capitole américain le mois dernier par des foules de manifestants a été une démonstration étonnante de défi et de colère. Alimentés par la fausse croyance que l’élection présidentielle leur avait été volée, et exhortés par l’appel de Trump à marcher sur le Capitole, ils ont pris les choses en main, envahissant les couloirs du bâtiment du Capitole et essayant de défendre la soi-disant démocratie par la force. Les affrontements entre les manifestants et la police du Capitole, qui dans certains cas était complice et a laissé entrer les manifestants, ont fait plusieurs morts. Mais pour la plupart, les manifestants ont réussi à faire tomber les barrières de sécurité et à retarder la certification par le Congrès des votes du collège électoral pour l’élection du président. Ce fut un spectacle qui a pris le monde par surprise.

Mais qui étaient ces manifestants ? D’où venaient-ils et pourquoi étaient-ils là ? Il n’est pas difficile de remarquer que certains de ceux qui ont participé à la prise de contrôle du Capitole, voire l’ont dirigée, appartiennent à l’extrême droite. Ils peuvent être facilement identifiés comme membres ou partisans de groupes nationalistes, suprémacistes, miliciens, fascistes et conspirationnistes. Les adeptes de QAnon ­ une théorie conspirationniste qui prétend que des pédophiles satanistes, appartenant à l’élite, font du trafic d’enfants et les mangent – pouvaient y être vus arborant divers signes et symboles soutenant cette théorie. Des néo-nazis ainsi que des milices de droite – comme les Proud Boys, les Three Percenters et les Oath Keepers – étaient également présents. Mais la présence globale de l’extrême-droite semble avoir été faible car seules environ 10 % des plus de 200 personnes arrêtées jusqu’à présent pour avoir participé à l’émeute ont des liens connus avec ces groupes et ces idéologies.

Nombre de ces groupes d’extrême droite existent depuis des années. Cependant, ils sont restés largement en dehors des projecteurs, opérant et transmettant leurs opinions principalement par le biais de conférences locales, de forums en ligne et de médias sociaux. Jusqu’alors les rassemblements publics d’extrême droite étaient peu fréquents, de petite taille, et faisaient rarement la une des journaux nationaux. Ils étaient souvent accueillis par des contre-manifestations plus importantes. Dans la plupart des cas, leurs opinions réactionnaires n’ont trouvé que peu d’écho auprès d’un public large et ils sont restés largement en dehors de la vie politique.

Malgré cela, leur audience s’est sans aucun doute accrue ces dernières années, les incitant à organiser des manifestations publiques plus audacieuses, depuis la marche aux flambeaux « Unite the Right » à Charlottesville, en Virginie, il y a plusieurs années, jusqu’à la prise du Capitole de l’État du Michigan (à Lansing, le 30 avril 2020 – NDT) par des manifestants armés protestant contre les mesures anti-Covid-19. On peut désormais difficilement ignorer leur présence croissante dans les rues et dans les grands médias.

Croissance de l’extrême droite

L’apparition accrue de l’extrême droite peut être attribuée à de nombreux facteurs. L’émergence du mouvement Black Lives Matter (BLM) en 2013, ainsi que la résurgence des manifestations pour la justice raciale qui ont attiré environ 26 millions de personnes après l’assassinat de George Floyd l’année dernière, ont suscité une nouvelle réaction de l’extrême-droite. Pour elle, ces grandes manifestations constituaient non seulement une menace pour le statu quo et l’ordre social, mais étaient également en opposition directe avec leurs opinions politiques. En réponse, des rassemblements d’extrême droite ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays, certains ayant conduit à des affrontements violents, voire mortels, lorsque des manifestants antifascistes se sont mobilisés pour empêcher l’extrême droite d’organiser des manifestations publiques.

Ces rassemblements d’extrême droite étaient également motivés en partie par l’idée fausse selon laquelle les manifestations du BLM étaient organisées par des antifascistes et des marxistes qui, selon eux, représentaient une menace autoritaire pour le pays. En outre, les efforts des militants du BLM et d’autres personnes pour mettre fin à la rhétorique haineuse de ces groupes, ainsi que les appels à « ne plus financer les forces de police », et à demander le retrait des drapeaux confédérés, ainsi que celui d’autres symboles et statues des lieux publics, ont poussé l’extrême droite à endosser le rôle de victime. Ses militants ont essayé d’utiliser cette situation pour dire que leur liberté d’expression, leur histoire et leur identité culturelle leur étaient retirées, ce qui leur a valu une attention accrue et un certain soutien. Le début de la pandémie de Covid-19 l’année dernière a également permis à l’extrême-droite d’occuper un nouveau terrain. Les mesures visant à contrôler la propagation du virus, notamment la mise en place de mesures de confinement à l’échelle nationale et l’obligation de porter des masques dans les lieux publics, sont devenues un cri de ralliement pour eux. Leur message selon lequel le virus était un canular et que ces actions autoritaires portaient atteinte à leurs libertés personnelles a trouvé un écho auprès de certaines personnes qui se sont jointes aux protestations pour « rouvrir » l’Amérique dans les différents états fédérés de tout le pays.

Trump

Il y a aussi une chose qui a non seulement eu une grande influence sur leur croissance mais qui est aussi devenue une icône unificatrice de leur mouvement : Trump. L’ascension de Trump, qui a utilisé, pendant sa présidence, la même rhétorique clivante qui est la leur, a transformé le paysage politique pour eux. La plateforme nationaliste de droite de Trump leur a donné l’occasion de propulser leurs groupes et leurs points de vue sur le devant de la scène politique et d’attirer une nouvelle couche d’adhérents, y compris parmi ceux qui constituent la base de Trump, ce qui a entraîné une augmentation de leurs mobilisations et de leurs activités. En conséquence, beaucoup d’entre eux, qui étaient restés longtemps en marge de la société, en sont venus à considérer Trump comme « leur » président, un leader qui peut s’identifier à leurs convictions et qui défend leurs intérêts.

Et Trump ne les a pas laissés en reste. Avant même de prendre ses fonctions, il est devenu un des principaux points de ralliement pour nombre de ces groupes et de leurs idées tordues. Il a poussé la théorie du complot « birther » (lié à la naissance - NDT) qui prétendait à tort qu’Obama était né en dehors des États-Unis et n’était donc pas qualifié pour être président. Il a montré son soutien à QAnon, qui le considère comme un sauveur de la nation. Mais également aux groupes d’extrême droite par des remarques qu’il a faites comme de qualifier de « très bonnes personnes » les suprématistes blancs qui ont organisé le rassemblement « Unite the Right » (Unir la droite), où une personne a été tuée, ou d’ordonner aux Proud Boys de « stand back and stand by » [de rester en retrait mais de se tenir prêts] pendant le débat présidentiel de 2020. Lors de ses rassemblements, il n’a cessé d’encourager ses partisans à commettre des violences contre les manifestants et, après avoir perdu l’élection, il est devenu le principal propagateur de l’affirmation erronée selon laquelle l’élection était une fraude, en chauffant ses partisans et en les exhortant à défendre la démocratie à tout prix, ce qui a culminé avec l’occupation du bâtiment du Capitole.

Qu’est-ce que l’extrême droite et quelles sont ses idéologies ?

L’extrême droite est difficile à cerner car ses composantes se présentent de nombreuses façons différentes. En font partie les groupes mis en avant lors de l’occupation du Capitole. Il s’agit de groupes qui soutiennent souvent ouvertement des points de vue de suprématistes blancs, anti-juifs, nazis ou autres fascistes, et qui sont organisés sur cette base.

Les groupes et les idées politiques d’extrême droite font depuis longtemps partie du paysage politique américain. Des groupes comme le Ku Klux Klan ont contribué à maintenir la terreur raciale et la suprématie blanche dans le Sud depuis la fin de la guerre de Sécession. Plus récemment, l’attentat contre le bâtiment fédéral à Oklahoma City en 1995 a été perpétré par d’anciens membres de l’armée, radicalisés par des idéologies d’extrême droite.

Il existe aujourd’hui diverses idéologies au sein de l’extrême-droite. De nombreux groupes ont des sentiments antigouvernementaux et croient en la nécessité de contester toute violation que le gouvernement fédéral commet, selon eux, contre leurs droits personnels. Ces sentiments sont souvent mêlés à l’anticommunisme, au racisme, à l’antisémitisme et aux idées de suprématie blanche. Ils englobent aussi souvent la croyance en des théories de conspiration selon lesquelles les élites gouvernementales collaborent avec des pans de la société pour détruire la vie et de la culture américaines traditionnelles, dont ils ont une notion des plus vagues. Mais malgré leurs critiques d’un système qui est censé saper et attaquer leur existence, les groupes d’extrême droite en sont de fervents défenseurs.

De nombreuses idées d’extrême droite aux États-Unis sont également fortement influencées par les chrétiens évangélistes, qui ont toujours influencé la droite politique. Cela contribue à l’idée que l’Amérique devrait être une société chrétienne blanche ; aux dépens des autres groupes sociaux.

Plus récemment, les groupes d’extrême droite, qui sont devenus populaires à l’époque de Trump, ont été influencés par le mouvement « alt-right » [droite alternative] et par certains aspects du « militia movement » [mouvement des milices].

Le mouvement « Alt-Right » [Droite Alternative]

Le mouvement « alt-right » est un réseau informel d’extrême-droite et de nationalisme blanc qui s’est développé en ligne et qui, d’une certaine manière, a tenté de « relooker » son image pour la nouvelle génération en la faisant paraître plus moderne et plus professionnelle par rapport aux anciens stéréotypes de la suprématie blanche et du néonazisme véhiculés par le Ku Klux Klan ou les « skinheads ». Des groupes comme les « Proud Boys » et des groupes néo-nazis comme les « Groypers » font partie de l’alt-right.

Les milices d’extrême droite

Le mouvement des milices a des origines plus profondes dans la vie américaine, qui remontent à plusieurs décennies. Il est aujourd’hui représenté par des groupes tels que les « Oath Keepers » et les « Three Percenters ». Les mouvements de milice ont leurs origines dans des groupements politiques armés et libertarians (qui refusent toute autorité de l’État fédéral – NDT), en particulier dans les zones plus rurales des États-Unis. Leur politique est historiquement un mixte, allant de la volonté de défendre leur mode de vie et leurs libertés civiles, comme le droit de posséder des armes et l’utilisation des terres, sans l’interférence du gouvernement central, à des opinions plus violentes, conspiratrices et racistes.

La politique des milices a été façonnée par la marginalisation de l’Amérique rurale. Les zones rurales ont été appauvries économiquement par de grands groupes financiers, comme ceux de l’industrie agroalimentaire, tandis que d’autres régions ont souffert du désinvestissement des industries d’extraction des ressources (minières) qui offraient autrefois des emplois bien rémunérés. Cela a conduit à une grande pauvreté et à des sentiments antigouvernementaux que les groupes de droite organisés ont su exploiter pour s’organiser.

Financement et soutien politique

L’extrême droite s’appuie principalement sur l’autofinancement, avec un certain soutien de riches donateurs. L’un de leurs plus importants donateurs ces derniers temps est la famille Mercer, qui a contribué à la création du journal de droite Breitbart News et a beaucoup investi dans la campagne 2016 de Trump. Le financement des Mercer a aidé Trump, lors de sa campagne, à mettre en œuvre une stratégie sophistiquée pour cibler les électeurs, avec des publicités sur les réseaux sociaux dans des zones où les votes susceptibles faire basculer le collège électoral étaient très disputés. Cette stratégie a permis à Trump de remporter la victoire en 2016 malgré un retard de près de 3 millions de voix (sur Hillary Clinton, la candidate démocrate – NDT). Plus récemment, ils ont financé la création de la plateforme de médias sociaux d’extrême droite Parler, qui a été commercialisée comme une alternative à Twitter et Facebook et a servi de tribune aux influenceurs des médias sociaux d’extrême droite et à la diffusion de théories du complot.

En plus de la famille Mercer, il existe un réseau de comités d’action politique (PAC) « fantômes » [structures de collecte de fonds aux Etats-Unis – NDT] qui ont donné de l’argent à des sociétés de médias d’extrême droite, des groupes de réflexion et d’autres groupes de façade qui ont collecté des fonds pour des événements tels que le rassemblement « Save America » à Washington D.C. le jour où le Capitole a été pris d’assaut. Ces réseaux de donateurs dépensent également beaucoup d’argent pour les candidats républicains pro-Trump afin de pousser le parti républicain encore plus à droite et de faire avancer les programmes économiques des conservateurs.

Cela a pour effet de créer un écosystème politique qui recouvre tout le spectre de la droite et qui sert de toile de fond aux groupes et aux idées d’extrême droite pour qu’ils s’intègrent davantage au courant dominant. Un exemple de ces réseaux de donateurs est celui des frères Koch. Bien qu’ils ne soient pas directement liés à l’extrême droite, ils ont fortement financé le mouvement du « Tea Party » qui a promu un programme réactionnaire et anti-gouvernement central (anti-big government) pour renforcer l’idée de la compétence locale contre l’intervention fédérale dans des domaines tels que les soins de santé. De nombreux militants du « Tea Party » ont évolué pour constituer la base de Trump et d’autres ont rejoint les cercles politiques d’extrême droite.

Les candidats politiques liés à l’extrême droite et au Tea Party ont réussi à remporter des élections dans tout le pays à différents niveaux de l’administration. Ces candidats ont été parmi les plus fervents partisans de Trump et ont approfondi les divisions idéologiques actuelles au sein du parti républicain entre les conservateurs plus traditionnels et la nouvelle génération de candidats pro-Trump. Un exemple : la nouvelle députée Marjorie Taylor Greene, qui a attiré l’attention des médias pour son soutien aux allégations de fraude électorale de Trump et aux théories de conspiration des QAnon. Avant son élection, Greene était une petite femme d’affaires avec peu d’expérience politique, connue pour être associée aux membres de la milice Three Percenter en Géorgie.

Outre ces riches sources de financement, les militants d’extrême droite se sont principalement autofinancés en utilisant avec succès l’internet et le crowdfunding pour accroître leur popularité et leur influence. Les pages de type « GoFundMe », les forums de discussion sur Internet comme 4Chan et la diffusion en direct sont des exemples d’endroits où l’extrême-droite a fait passer ses idées avec un certain succès.

Qui sont certains de ces groupes qui ont pris d’assaut le Capitole ?

I. Les Fiers Garçons (Proud Boys)

Les Proud Boys ont été fondés en 2016 à New York en tant qu’organisation des « Chauvinistes de l’Occident ». Depuis, ils se sont répandus dans les 50 États et ont gagné en popularité sous l’administration Trump grâce à leur implication dans les combats de rue contre les manifestants antifascistes. On estime qu’ils comptent entre 1 000 et 3 000 membres dans leurs rangs à l’échelle nationale. Ils se sont habilement insérés dans la base de Trump et ont essayé de cultiver une image publique plus acceptable de défenseurs des valeurs traditionnelles conservatrices/libertariennes et non d’organisation suprémaciste blanche. Ils ont tenté de le réaffirmer publiquement en mettant en avant leur figure de proue nationale, Enrique Tarrio, fils d’immigrants afro-cubains aux États-Unis. Cependant, en regardant les comptes des membres de Proud Boys sur les réseaux sociaux, il est clair que beaucoup d’entre eux sont des suprémacistes blancs, qui soutiennent des idées racistes et anti-juives. Des photos prises le 6 janvier à l’extérieur de la capitale montrent un grand groupe de Proud Boys brandissant le signe du « pouvoir blanc » sur les médias sociaux. Ils ont aidé à organiser diverses manifestations d’extrême droite sous l’administration Trump, comme le rassemblement « Unite the Right » de Charlottesville (en Virginie, les 11 et 12 août 2017, au cours duquel une contre-manifestante fut tuée. NDT) et ont fait partie des groupes qui ont participé à la prise d’assaut du Capitole. Suite aux événements du 6 janvier, Tarrio a été accusé d’être un informateur du FBI. Il y a des divisions au sein de l’organisation à propos de leur composition raciale et de leur engagement vis à vis de la suprématie blanche. Et il semble que la vie interne de leur organisation soit en désordre sur cette question.

II. Les trois pour cent (Three Percenters)

Les Trois pour cent est une organisation fondée en 2008 issue du mouvement des milices. Son nom est basé sur la fausse idée que seuls trois pour cent des colons américains ont pris les armes contre la puissance coloniale britannique pendant la guerre révolutionnaire américaine (à la fin du XVIIIe siècle. NDT). Leur création était en partie une réponse à l’élection d’Obama, et à la croyance que son administration mènerait des politiques « socialistes » tyranniques telles que l’ouverture des frontières et l’abolition du deuxième amendement (qui reconnait aux citoyens le droit de se constituer en milices armées. NDT). Ils revendiquent plusieurs milliers de membres à l’échelle des États-Unis et ont une organisation affiliée au Canada. Les personnes liées aux « Three Percenters » ont également acquis une certaine notoriété au cours de la dernière décennie pour avoir pris part à des affrontements armés avec officiers fédéraux sur des questions de conflits de territoire au Nevada et en Oregon.

III. Les Gardiens du serment (Oath Keepers)  

Les « Oath Keepers » est une autre organisation de type milice qui a été fondée en 2009 et qui est composée de membres actuels et anciens des forces armées, de la police et des premiers intervenants (personne habilitée à intervenir en premier lors d’une catastrophe, d’un accident ou d’ un attentat ; NDT). Leur nom est dérivé du « serment d’office » qu’ils ont prêté et dans lequel ils s’engagent à défendre la Constitution contre tous les ennemis – étrangers et nationaux. Ils recrutent principalement dans les milieux des forces de l’ordre et de l’armée. Tout comme les « Three Percenters », ils pensent que des évènements tels qu’une tentative du gouvernement de déclarer la loi martiale, de désarmer la population et d’établir des camps de détention peuvent être imminents, et qu’ils doivent se préparer à lancer une rébellion armée contre l’establishment gouvernemental. Plusieurs membres des Gardiens du Serment qui ont participé à l’assaut du Capitole ont travaillé comme agents de sécurité privés pour Roger Stone, l’un des principaux conseillers politiques de Trump. Dans le passé (en 2014 et 2015 – NDT), des membres des Oath Keepers se sont rendus à Ferguson, dans le Missouri, lors des manifestations de Black Lives Matter pour aider à « maintenir l’ordre » et intimider les manifestants. L’année dernière, Stewart Rhodes, le fondateur des Oath Keepers, a qualifié les protestations suite à la mort de George Floyd d’insurrection communiste et de début de guerre civile à laquelle les Oath Keepers répondraient si Trump ne mettait pas fin au mouvement. On estime qu’ils comptent plusieurs milliers de membres au niveau national.

IV. Néo-nazis

Depuis la croissance du fascisme en Europe avant la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des mouvements politiques aux États-Unis qui voulaient imiter les puissants partis fascistes comme les nazis. Il existe actuellement plusieurs tendances néo-nazies dominantes aux États-Unis, qui sont cependant toutes relativement peu importantes. La plus extrême est sans doute une organisation appelée « Atomwaffen Division », qui consiste en de petites cellules terroristes ayant pour objectif la destruction de la civilisation américaine afin qu’un ethno-état blanc puisse renaître de ses cendres. Il y a aussi le mouvement « Groyper » qui cherche à opérer au sein de la base de Trump et à y défendre les perspectives nationalistes blanches. Enfin, des organisations néo-nazies appelées « Identity Evropa » (Identité Europe) – qui a ensuite été rebaptisée « American Identity Movement » (Mouvement de l’Identité Américaine) – et le Traditionalist Worker’s Party (Parti traditionaliste des ouvriers) ont été actives au cours de la dernière période. En 2019 cependant, ces organisations semblent s’être dissoutes, certains militants en leur sein ayant rejoint le mouvement « Groyper » ou d’autres organisations. Plusieurs « Groypers » connus ont pris part à la prise d’assaut du Capitole et d’autres courant néo-nazis étaient représentés, comme une personne photographiée portant une chemise du « Camp Auschwitz ». On ne sait pas exactement combien d’individus constituent actuellement le mouvement politique néo-nazi américain.

V. Mouvement Boogaloo

Le mouvement « Boogaloo » est un réseau informel de personnes d’extrême droite en ligne, dont certaines essaient d’inciter à la guerre raciale aux États-Unis – connu au sein de la communauté sous le nom de « boogaloo » (il s’agit à l’origine d’un courant musical afro-américano-cubain. NDT). Les « Boogaloo Bois » (« bois » étant supposé être – pour des blancs racistes – la prononciation afro-américaine de « boys » – NDT) s’identifient souvent en se présentant aux manifestations avec un équipement militaire et des chemises hawaïennes. Il est difficile de caractériser la taille ou l’idéologie dominante du mouvement Boogaloo à ce stade, étant donné sa nature lâche et décentralisée. De l’extérieur, il semble que les frontières soient floues entre les opinions anti-gouvernementales et l’appel à une guerre civile, susceptible de créer une nouvelle société blanche suprémaciste.

Au cours de l’année dernière, des personnes s’identifiant ouvertement au mouvement Boogaloo ont commencé à mettre en pratique leurs idées via des actes de violence politique. Un exemple en est Steven Carrillo, un soldat en service actif, qui a tiré sur deux agents fédéraux devant le bâtiment fédéral à Oakland, au plus fort des manifestations en faveur de George Floyd pendant l’été 2020, et qui a ensuite abattu un officier de la California Highway Patrol (CHP – police des autoroutes de Californie) dans un affrontement armé dans les montagnes de Santa Cruz.

VI. Le Ku Klux Klan

Le Ku Klux Klan a été créé au lendemain de la guerre de Sécession pour se livrer à une terreur raciste dans le Sud et s’opposer à la Reconstruction. Le KKK a été une force majeure dans la politique américaine pour maintenir la ségrégation raciale. Bien que de nouvelles organisations suprémacistes blanches « alt-right » soient apparues sur le devant de la scène récemment, des groupements plus petits du Klan existent dans tout le pays et jouent toujours un rôle. On estime qu’ils comptent quelques milliers de personnes dans leurs rangs et leur influence s’est manifestée le 6 janvier par la présence de drapeaux confédérés.

VII. QAnon

Plusieurs de ceux qui ont pris d’assaut le Capitole sont des adeptes de la conspiration QAnon, qui soutient que des figures clés du gouvernement américain et des élites mondiales sont partie prenante dans une entreprise secrète de trafic sexuel d’enfants, tout en se livrant au cannibalisme et en adorant Satan. Ils estiment que le rôle de Trump en tant que président est de lutter contre ces élites et de dénoncer ces injustices. Ils affirment également recevoir des messages anonymes d’un fonctionnaire du gouvernement sous couverture, surnommé « Q », qui diffuse des messages à ses partisans via des groupes de discussion anonymes sur Internet. Cette entreprise conspirative s’est étendue à d’autres pays tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. On ne sait pas exactement combien sont, à ce stade, les adeptes de QAnon, car il s’agit d’une mouvance informelle et non d’une organisation. Le « chaman Qanon » [Jake Angeli], un de ses adhérents très en vue, est entré dans la salle du Sénat lors des événements du 6 janvier.

Tous les partisans de la droite ne suivent pas l’extrême droite

Si ces groupes ont joué un rôle majeur dans l’invasion du Capitole, nous devons également reconnaître que parmi ceux qui y ont pris part à l’invasion ou au rassemblement « Save America » juste avant, tous ne suivent pas ces groupes et ces idéologies. Certains n’étaient là que pour répondre à l’appel de Trump visant à empêcher le vol de son élection tandis que d’autres étaient présents davantage pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie. Comme la plupart des travailleurs du pays, ils se retrouvent eux aussi plongés dans un désespoir économique et social plus profond, résultat de décennies de salaires insuffisants, de l’augmentation des coûts des soins de santé et du logement, du manque d’emplois, du déclin des services sociaux, et de bien d’autres choses encore. La crise dans laquelle ils se trouvent, qui est alimentée par un système qui enrichit les riches à leurs dépens, et l’incapacité du gouvernement à répondre à leurs besoins, les ont poussés au bord du gouffre. Comme beaucoup des 74 millions de personnes qui ont récemment voté pour Trump, ils sont devenus méfiants à l’égard d’un système qui a apporté une misère et une incertitude constantes dans leurs vies, et des politiciens qui continuent à faire comme si de rien n’était en défendant les intérêts des entreprises par-dessus tout. Pour eux, Trump est devenu leur voix, quelqu’un qui les défend et qui lutte contre l’establishment pour leurs intérêts.

Et l’extrême droite profite de ces conditions. Elle utilise la colère des gens pour les attirer vers ses idées et alimenter ses propres programmes. Des médias comme One America, Clear Channel, Sinclair Broadcast Group et d’autres, ainsi que des personnalités de droite comme feu Rush Limbaugh, Michael Savage et Ben Shapiro, contribuent à polariser davantage ces catégories de la population en les attirant vers ces opinions réactionnaires, en jouant souvent sur leurs croyances chrétiennes évangéliques.

Combattre la croissance de la droite

Bien que l’activité croissante de l’extrême droite puisse être inquiétante, nous devons garder à l’esprit que le principal objectif des rassemblements et des affrontements que nous avons vus jusqu’à présent était plus une question de publicité qu’autre chose. De nombreux groupes d’extrême droite se sont fait un nom rien qu’en descendant dans la rue pour crier, intimider et se battre avec des opposants dans l’espoir de passer aux informations. Ce faisant, ils ont pu atteindre un public plus large qu’auparavant, mais leur nombre reste encore faible.

Néanmoins, nous devons être prêts à nous opposer à toute menace potentielle émanant de ces groupes. La réaction générale des forces de l’ordre nous a montré qu’ils ne sont pas considérées comme une menace pour le système, mais comme une force qu’il faut garder sous contrôle et lâcher quand cela est utile pour ceux qui sont au pouvoir. La classe dirigeante a intérêt à entretenir des idées d’extrême droite dans le climat politique car cela l’aide à diviser la population, et si nécessaire à se servir de ces groupes pour utiliser la violence contre ceux qui commencent à se rebeller ou à contester leur contrôle. Nous l’avons vu dans le passé avec des groupes comme le Ku Klux Klan et plus récemment avec les violences commises par des militants d’extrême droite contre les manifestants du BLM. Et nous pouvons certainement nous attendre à plus à l’avenir. Malgré leur rhétorique anti-système et anti-élite, leur objectif est de maintenir le statu quo et de défendre le système dans lequel nous vivons, et nous devrons continuer à les affronter lors des mouvements pour nos droits, y compris les luttes contre le racisme, la brutalité policière, et pour améliorer les conditions de vie des travailleurs. Nos forces sont supérieures aux leurs – même lorsqu’elles sont soutenues par ceux qui sont au pouvoir – et nous devons être prêts à nous défendre en mobilisant nos forces collectives contre la haine et la violence de la droite.

Mais il ne suffira pas de reconnaître et d’affronter la menace que ces groupes représentent. Nous devons également identifier et éliminer la source qui donne naissance à ces problèmes – le Capitalisme. Nous devons nous battre et proposer un système alternatif aux millions de personnes qui deviennent de plus en plus désespérées, pour qu’elles ne considèrent pas comme leurs ennemis les réfugiés en quête d’une vie meilleure ou ceux qui sont confrontés au racisme brutal de cette société, mais plutôt mobiliser toutes nos forces contre un système d’exploitation, responsable des conditions auxquelles nous sommes tous confrontés. Ce faisant, nous pouvons non seulement montrer les groupes d’extrême droite pour ce qu’ils sont réellement, mais aussi gagner à la lutte pour améliorer nos vies ceux qui pourraient être attirés par leur rhétorique radicale.

24 février 2021

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