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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 29, septembre-octobre 2003 > DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

L’internationalisme révolutionnaire et l’altermondialisme

26 septembre 2003 Convergences Politique

Un « autre » monde, plus humain, au sein du vieux monde, ou le renversement du vieux monde ? Aménagement ou subversion de l’ordre établi ? Dépassement ou renversement du capitalisme ? Contre-pouvoir citoyen ou lutte des classes ? Démocratie participative ou contrôle ouvrier ? Economie solidaire, ou solidarité des exploités ? Commerce équitable ou convergence des luttes et des rébellions ? Apolitisme ou politique révolutionnaire ? Altermondialisme ou internationalisme prolétarien ? En un mot, réforme ou révolution ?

Il serait illusoire de s’imaginer que le mouvement altermon dialiste oscille entre ces deux pôles. En vérité, très peu de débats explicites à ce sujet en son sein. Pour être et se vouloir hétérogène et recueillir nombre de militants de tous horizons, y compris d’extrême gauche, ses représentants affichent systémati quement une volonté consensuelle autour d’une même démarche réformiste.

L’attitude des révolutionnaires

A la décharge de ce mouvement qui depuis quelques années semble incarner le renouveau de la contestation internationale du capitalisme, cela fait des décennies qu’il n’existe plus de mouvement prolétarien internationaliste susceptible d’insuffler des idées subversives à tous ceux qui aujourd’hui veulent lutter contre l’injustice sociale. A défaut d’être révolutionnaire, très loin s’en faut, ce mouvement a eu le mérite de populariser depuis quelques années une forme de dénonciation du capitalisme et l’idée qu’un autre monde est possible.

En tant que révolutionnaires, nous avons bien des raisons de nous montrer solidaires de la contestation altermondialiste, à condition bien sûr d’afficher nos objectifs propres, et, dans la mesure où nous pouvons et parfois devons participer à ses mobilisations, de ne pas rechercher avant tout à s’y fondre… et s’y perdre. Se solidariser et participer, oui, à condition d’exprimer nos divergences fondamentales et de chercher sinon à influencer un tel mouvement, du moins à y populariser nos idées, afin de s’adresser à des milliers de jeunes et moins jeunes qui peuvent faire l’expérience à un moment ou à un autre de l’écart qui existe manifestement entre la vigueur des dénonciations et la pusillanimité des solutions proposées.

Aux révolutionnaires donc de proposer et de défendre leur politique auprès du public du mouvement altermondialiste. Il n’est pas dit qu’ils n’y trouvent pas d’échos, malgré l’hostilité affichée de ses dirigeants aux idées d’extrême gauche.

Contre le rafistolage réformiste

Les experts qui président aux orientations du mouvement altermondialiste disposent de tout un arsenal de propositions « réalistes » censées permettre d’enrayer la spirale des injustices croissantes du système capitaliste mondialisé. Tout un ensemble de mesures visant à réglementer le capitalisme et à le rendre moins inhumain.

Mais jamais de références de classe. On n’y discute pas de la nécessité de renforcer le camp des travailleurs, ni d’un programme de mobilisation et de combat, encore moins de disputer le pouvoir aux possédants ou d’attenter au droit de propriété.

Un tel programme, tant dans ses objectifs que dans ses moyens, devrait faire le pont entre les revendications les plus urgentes des exploités de la planète et la nécessité de la révolution sociale, de la conquête du pouvoir par le prolétariat. En un mot, un programme « de transition » au sens où l’entendait Trotsky en rédigeant en 1938 celui de la IVe internationale.

C’est ainsi que le programme de Trotsky incluait non seulement les revendications essentielles permettant la survie morale et physique du prolétariat (type de revendications qui ne semblent d’ailleurs guère préoccuper les représentants de l’altermondialisation), mais les différentes formes d’organisation adaptées au développement révolutionnaire de la lutte de classe : comités de grève, comités d’usines, soviets, auxquels il ajoutait détachements de combat, milice ouvrière, armement du prolétariat… autant d’objectifs qui, à plusieurs reprises dans le monde, ont précisément manqué ces dernières décennies à la classe ouvrière à chaque fois que son degré de mobilisation a inquiété la bourgeoisie au point que celle-ci a réagi préventivement par la dictature, voire la terreur à grande échelle, comme en Indonésie, au Chili, en Argentine, en Algérie et ailleurs. Les altermondialistes sont solidaires des victimes de ces coups d’Etat et dictatures. Dans cette mesure nous sommes du même côté de la barricade. Mais se contenter de compatir ou de célébrer l’anniversaire de la chute d’Allende non seulement ne suffit pas, mais devient carrément néfaste si on ne se pose pas le problème du comment le martyr du peuple chilien aurait pu être évité, afin que la tragédie ne se reproduise pas, là ou ailleurs, demain.

Des objectifs et des moyens d’y parvenir

Bien sûr, nous sommes loin d’être dans une telle situation aujourd’hui en France. Mais à examiner les choses de près, qu’est-ce qu’il est réaliste de proposer ici qui permette de répondre réellement aux attentes, au dégoût et à la révolte du monde du travail et de la jeunesse ?

Que proposer, par exemple, contre l’Europe des licenciements, de la précarité, de la flexibilité du travail, de la mise en cause des retraites ? Une Europe « démocratique et sociale », à la discrétion de ses chefs d’Etat et leurs services fiscaux, juridiques et policiers ? Non : Interdiction des licenciements, dans le secteur public comme privé. Embauches massives dans les services publics (hôpitaux, transports, poste, maisons de retraites, Education nationale). Où trouver l’argent ? Assez des jérémiades sur les patrons voyous : expropriation des entreprises qui font des bénéfices et licencient ! Confiscation des bénéfices pour les embauches utiles.

Les moyens d’avoir gain de cause ? Les mouvements de l’année montrent la voie : grèves qui se généralisent dans l’Education nationale unifiant enseignants, ouvriers, techniciens et administratifs. Assemblées de grévistes avec coordinations démocratiques. Esquisses de coordinations inter-professionnelles unifiant sur les mêmes objectifs travailleurs de la poste ou de la SNCF. Tout cela est resté à l’état plus ou moins embryonnaire, pas suffisant pour établir un rapport de force permettant de vaincre. Mais l’objectif est à populariser, à réaliser pour les prochaines luttes.

Car il est évident que les luttes locales et régionales contre les licenciements doivent se coordonner et se généraliser, autrement dit devenir offensives, pour faire reculer le patronat. Et c’est en se généralisant qu’elles se transformeront en une confrontation politique majeure, ouvrant de nouvelles perspectives et de nouvelles tâches.

Au prochain Forum social européen de novembre, nous ne cautionnerons pas les marchands d’illusions sur une Europe sociale, citoyenne et néanmoins capitaliste. Nous discuterons, si nous en avons la possibilité, des objectifs susceptibles de mettre réellement en cause la dictature des possédants, et des moyens pour avancer vers une Europe des travailleurs qui se coordonnent pour mener la lutte de classe. Et bien sûr des objectifs et des moyens de changer le monde.

De la dette, des méfaits du capitalisme, et de l’expropriation de certains trusts

Pour ne prendre que cet exemple, faut-il revendiquer l’annulation de la dette des pays du tiers monde ? Là dessus, nous sommes naturellement d’accord avec la revendication des altermondialistes. Ce serait le minimum. Mais on peut aussi désigner des cibles précises et évidentes, communes aux exploités des pays pauvres et des pays riches : les dirigeants et les actionnaires de TotalFinaElf, pour qui l’on fait s’entretuer les peuples en Afrique, sont aussi ceux qui profitent du travail servile en Birmanie, qui sont responsables des marées noires et de l’explosion d’AZF… et dont les pratiques clientélistes et mafieuses n’ont rien à envier à celles des oligarques russes. Contrôle des comptes du groupe, expropriation des actionnaires du groupe Total. Confiscation de leurs biens. Revendication révolutionnaire ? Pas plus utopique et en tout cas moins éloignée des problèmes réels, qu’une modeste taxe Tobin sur les spéculations monétaires du service boursier du même groupe.

Et c’est aussi vrai sur bien d’autres questions. On peut pleurer sur l’extension du Sida en Afrique et en Asie, déplorer les pratiques des trusts pharmaceutiques et vouloir les convaincre de faire quelques concessions sur la cession de leurs brevets ou la rémunération de leurs frais de recherche. Mais les trusts responsables sont connus. Leurs dirigeants ne sont pas anonymes. Leurs actionnaires pas des abstractions. Ne sont-ils pas, à leur façon, coupables de crimes contre l’humanité ? Ne pourrait-on pas les empêcher de nuire ? En les expropriant, en confisquant leurs bénéfices, et en réinvestissant ceux-ci dans la recherche médicale publique, ne serait-ce pas la seule solution pour permettre d’investir dans la recherche sur un vaccin contre le paludisme ou fournir gratuitement des trithérapies et autres médicaments indispensables à tous les peuples du tiers monde ? La même démarche pourrait s’appliquer à bien d’autres domaines, les OGM et le trust Monsanto par exemple.

Soyons radical ? Chiche !

Face aux méfaits du capitalisme, Trotsky ne se contentait pas de proposer le doux rêve d’une « économie solidaire ». Les objectifs étaient l’abolition du secret commercial, le contrôle ouvrier de l’industrie, et des expropriations, bien ciblées. « Aux prêches geignards de messieurs les démocrates sur la dictature des 60 familles aux Etats-Unis ou des 200 familles en France, nous opposons la revendication de l’expropriation de ces 60 ou 200 féodaux capitalistes » disait-il.

Aux prêches geignards sur la dictature « des marchés », nous pourrions de la même façon opposer aujourd’hui la revendication de l’expropriation des quelques dizaines de féodaux bien connus de la finance et de l’industrie. Ce ne serait pas un objectif moins réaliste que de prétendre les convertir à une économie plus solidaire ou plus humaine, bien au contraire.

Huguette CHEVIREAU

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