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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 7, janvier-février 2000

L’extrême droite en perdition

1er février 2000 Convergences Politique

Un an déjà…La crise du FN, qui jusqu’alors était restée à l’état larvé, éclatait au grand jour et débouchait rapidement sur la scission.

Dans une bonne partie de la mouvance antifasciste, cette crise fut interprétée comme une crise de croissance qui devait marquer l’avènement d’un fascisme moderne, incarné par Bruno Mégret, apte, de par son programme et sa tactique, à mener l’extrême droite vers de nouvelles victoires et à prétendre sérieusement au pouvoir. A l’inverse, l’heure de la retraite semblait avoir sonné pour Jean-Marie Le Pen, figure, désormais obsolète, d’un fascisme frappé d’archaïsme et incapable de se donner les moyens permettant de lutter réellement pour le pouvoir.

Une telle analyse pouvait sembler d’autant plus pertinente que, 8 mois plus tôt, les élections régionales avaient paru conforter la stratégie prônée par Mégret. Le FN réalisait des scores sans précédent au point de provoquer un véritable vent de panique au sein des états majors du RPR et de l’UDF, et d’amener plusieurs candidats UDF à la présidence de conseil régionaux à accepter le concours des représentants du FN pour conquérir leur siège.

Une phase de recul profond

Depuis, les faits ont amplement démenti ce qui était, nous y reviendrons, plus qu’une erreur de pronostic.

Les élections européennes ont marqué un premier recul électoral de l’extrême droite. Comparé aux précédentes élections du même type, ce recul peut sembler limité. L’addition des voix du FN et du MN représente près de 9% des suffrages exprimés, contre 11 % en 93.

Mais les comparaisons en matière électorale sont toujours délicates. On ne peut se contenter de se référer à la dernière élection du même type. Les élections les plus récentes doivent également être prises en compte, même si elles sont de nature différente, car ce sont elles qui donnent la meilleure indication sur le dernier état connu de l’opinion. Dans ce cas, le recul de juin 1999 apparaît plus nettement, notamment si on compare les scores réalisés à ceux des élections régionales de mars 1998 où le FN réalisait près de 15% des voix.

De plus, faire l’addition des voix du FN et du MN, c’est, quelque part, éluder le fait même de la crise et de la scission. Or, dans ce cas, 1 + 1 n’est pas égal à 2 mais plutôt inférieur à 2 et même à 1. Autrement dit, deux FN ne sont pas plus dangereux qu’un. La dynamique de l’extrême droite a été brisée dans la scission. Là est le fait le plus important.

A deux ou trois exceptions près, toutes les élections partielles qui se sont déroulées depuis juin 1999 (près d’une trentaine d’élections cantonales et une législative dans le XX° arrondissement de Paris) ont confirmé, voire accentué le recul des européennes.

Mais le recul ne se traduit pas seulement au plan électoral. Il se manifeste également par la poursuite de la crise, tant au FN qu’au MNR, sous la forme de dissensions et de défections multiples qui, contrairement à ce qui fut le cas durant les années 80 et au début des années 90, rend ces forces impuissantes et incapables d’intervenir comme un acteur décisif dans la situation politique, malgré une audience électorale qui reste malgré tout non négligeable.

L’autre élément marquant, dans ce panorama de l’extrême droite, c’est bien sûr l’échec de Mégret. Celui ci, malgré toutes les qualités « logicielles » qui lui sont prêtées, s’est avéré incapable de capter la majorité de l’électorat du FN, loin s’en faut, et une partie des cadres qui s’étaient ralliés à lui, songent, si ce n’est déjà fait, à jouer leur propre jeu, éventuellement en se recyclant et en monnayant leur influence auprès de forces telles que le RPF.

Ni grossir la menace fasciste...

Reste à comprendre, d’une part, pourquoi une bonne partie des antifascistes a eu, et a encore, tendance à sous-estimer l’ampleur de la crise de l’extrême droite, et, d’autre part, pourquoi on assiste aujourd’hui à la déconfiture de celle-ci.

En fait, au delà des réflexes légitimes de tout militant engagé dans la lutte contre l’extrême droite, la tendance à sous-estimer les conséquences de la crise du FN prolonge une attitude qui, avant l’éclatement du FN, exagérait démesurément la menace fasciste en considérant que le FN était aux portes du pouvoir. N’oublions pas aujourd’hui que nombre de militants expliquaient qu’à travers la banalisation accélérée de l’extrême droite, sa place au centre de la vie publique, et le contrôle par le FN de la « donne politique à droite », c’était le problème d’une éventuelle accession d’un parti fasciste aux affaires dans les prochaines années qui se trouvait posé.

En fait, il s’agit là plus d’une incompréhension de la signification du fascisme que d’une simple exagération.

L’avènement du fascisme implique la mise hors la loi de l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, social-démocratie comprise, ainsi que la destruction des institutions de la démocratie parlementaire et des partis bourgeois traditionnels, or le contexte politique, social et économique de ces dernières années ne se prêtait pas à la mise en place d’un régime fasciste.

A l’heure où Bill Clinton s’affiche à Florence, en compagnie de Schröder, Blair, Jospin et D’Alema, c’est-à-dire des représentants des 4 premières puissances impérialistes (en dehors du Japon et derrière les Etats-Unis), il semble difficile de parler d’une nécessité, pour la bourgeoisie, de liquider la social-démocratie.

D’autre part, le mouvement ouvrier n’a jamais constitué ces vingt dernières années une menace telle que la bourgeoise soit amenée à envisager de se jeter à corps perdu dans une aventure fasciste.

... Ni l’oublier

Le contexte qui, au début des années 80, avait permis l’émergence du FN, a sensiblement évolué. La situation économique est marquée par une certaine reprise et le chômage ne connaît plus de progression spectaculaire. Une nouvelle force politique, à même de rallier une partie de l’électorat FN, est apparue à droite, autour de Pasqua. Enfin, le gouvernement Jospin ne suscite pas la même désillusion que celle provoquée par le gouvernement Mauroy.

C’est justement parce que les conditions de sa venue au pouvoir n’étaient pas réunies que le FN s’est trouvé dans l’incapacité de franchir un certain seuil et a dû faire face à un dilemme stratégique : envisager une alliance avec tout ou partie de la droite au risque d’y perdre son identité et tôt ou tard de devoir renoncer à une partie de son programme, ou bien, persister dans l’isolement et dans l’incapacité à mordre sur de nouvelles couches de la société.

Il en est finalement de l’extrême droite comme de la grenouille de la fable. Elle a fini par éclater. Et quand on parle de Le Pen, plutôt que de grenouille, il faudrait parler de vilain crapaud.

Les militants et organisations antifascistes se trouvent donc confrontés à la nécessité de prendre acte des modifications affectant le contexte dans lequel ils mènent leur combat. La myopie, le refus de prendre en compte les réalités serait la pire des réponses, car ils ne feraient que désorienter les militants. Or nous savons qu’à défaut d’un triomphe décisif de la classe ouvrière, le danger fasciste ne sera jamais définitivement écarté.

Le 8 janvier 2000

M. VERRIER

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