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L’après-élections en Allemagne : théâtre politicien tragi-comique et faux suspens…

14 octobre 2021 Article Monde

(Éditorial des bulletins d’entreprise du RSO – Allemagne)

Enfin, c’est du passé ! Les élections législatives sont derrière nous et les grands partis qui comptent bien sur leurs chances de gouverner se barricadent en conclave pour sonder les coalitions possibles. Les résultats se feront probablement attendre encore un peu.

Après seize ans de Merkel, dont douze en « grande coalition » entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, les deux partis soi-disant « populaires » ont vu leur pourcentage de voix se diviser par deux… et n’en parlent pas moins de leur « mission gouvernementale ». Pourtant chacun n’a obtenu qu’à peine un quart des votes. Ce qui serait une « victoire fulgurante » pour Olaf Scholz du SPD (un Merkel en peau de loup aux dents longues et grand ami des banquiers), en revanche une défaite cinglante pour Armin Laschet de la CDU (lié à RWE, gros conglomérat de l’énergie qui n’est pas l’ami des citoyens, tout particulièrement quand ces derniers manifestent contre ses privilèges).

Qui a voté quoi ?

La participation a légèrement augmenté, comparée à celle des législatives de 2017, mais il existe néanmoins 14,3 millions de personnes, un quart de l’électorat, qui ne sont pas allées aux urnes. Ces abstentionnistes se recrutent souvent (même si pas toujours) parmi les précaires, qui en ont marre du théâtre électoral. Il faut ajouter toutes celles et ceux qui vivent en Allemagne mais ne peuvent pas voter, parce qu’ils n’ont pas la nationalité. Ce qui représente 9,7 millions de personnes. Qui n’ont même pas le maigre droit d’exprimer par leur vote leur volonté de vivre mieux. Et tout et n’importe-quoi est interprété à partir des résultats. Celles et ceux qui ont voté pour le SPD seraient partisans d’une coalition avec le parti libéral des « entrepreneurs », le FDP, dit-on. Les partis qui négocient à huis clos, bien entre eux, pour constituer le prochain gouvernement, représenteraient donc la « volonté électorale », une vaste blague…

Le parti d’extrême droite populiste, l’AfD, a récolté moins de votes que précédemment. Affirmer que la cause de tous nos maux seraient les immigrés fait moins recette. Tant mieux. Autour de nous, des « étrangers » travaillent comme tous les autres. La pression pour « réduire le coût du travail », comme disent possédants et gouvernants, ne vient pas des migrants, mais bien des patrons et d’actionnaires richissimes : ne nous laissons détourner !

…et pourquoi (presque plus) personne ne vote pour le « parti de gauche » ?

Est-ce que les classes populaires veulent davantage de « sécurité sociale » ? Certainement. C’était le grand slogan de campagne du « parti de gauche », Die Linke. Il n’a pourtant pas rapporté. Le parti de gauche a perdu la moitié de ses voix de 2017, et a failli ne pas entrer au parlement. La raison est certainement qu’il n’est pas apparu comme une alternative combative. Sa participation à plusieurs gouvernements régionaux n’aide pas à rendre crédible ses promesses sociales. Force est de reconnaître qu’il a perdu des voix au profit du SPD ou des écolos, en faveur de partis en situation de gouverner, les illusions persistent. Le vote utile, ou le vote pour le « moindre mal », on y revient. Malgré le sentiment de malaise de bien des électeurs du milieu populaire.

Et pourtant, ça bouge

Car même si – soyons honnêtes, qui en est surpris ? – cette élection ne changera rien, à part les blagues qu’on va entendre dans les prochaines semaines sur les marchandages politiciens (ou qu’on fera nous-mêmes), les résultats électoraux en barres multicolores ou camemberts ne sont pas la vraie vie. Dans cette dernière, des choses bougent. À Berlin, un million d’électeurs a participé au referendum « Exproprier Deutsche Wohnen et Cie  [1]. Un million de voix, ce dont le SPD n’oserait même pas rêver. Et même si Franziska Giffey du SPD, la probable nouvelle maire de Berlin, a déjà catégoriquement exclu d’appliquer le référendum, on a déjà revu les chasubles jaune-violet de l’initiative dans les manifestations.

Ailleurs aussi, du mécontentement s’est exprimé avant comme après les élections, qui devrait nous motiver. Les hôpitaux de la Charité et Vivantes ont été secoués par des mouvements de grève, et les enseignants, les travailleurs du commerce ainsi que les livreurs du supermarché en ligne Gorillas ont refusé de travailler dans les conditions qui leur étaient imposées. Les revendications vont bien sûr au-delà des salaires. Fatiguées de dix-neuf mois de pandémie payée et gérée sur leur dos, les classes populaires cherchent à lier entre elles des colères. Les inégalités sociales augmentent. Quelle que soit la couleur de la coalition qui sortira du chapeau à la fin de l’automne, c’est contre la poursuite de la facture qu’on voudrait leur faire payer qu’elles vont devoir se défendre !


[1Campagne menée depuis plusieurs mois, faite de manifestations de rue imposantes, contre la hausse des loyers et pour l’expropriation des sociétés qui les gèrent – forme de reprise de leur gestion par la ville.

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