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Israël-Palestine : le « deux poids deux mesures » des grandes puissances

2 février 2023 Article Monde

Toute la fin de la semaine dernière, suite à l’attentat devant une synagogue de la colonie juive de Neve Yaakov, située à Jérusalem-Est, et une seconde attaque dans la vieille ville qui a fait deux blessés, les déclarations de condoléances adressées au gouvernement israélien et les condamnations du « terrorisme » se sont multipliées. Elles émanaient de l’ensemble des grandes puissances, des États-Unis à la Grande-Bretagne en passant par la France et la Russie. Sans oublier l’Ukraine, qui s’est jointe à ce chœur éploré et parfaitement hypocrite, voire des pays arabes comme l’Égypte, la Jordanie ou les Émirats arabes unis.

Quelques jours avant cette attaque – qui avait fait sept morts parmi la population juive – l’armée israélienne s’était livrée à une incursion meurtrière contre le camp de réfugiés de Jénine avec un bilan provisoire d’au moins dix Palestiniens tués. Ce qui porte à 34 le nombre de Palestiniens abattus depuis début janvier.

Mais là, aucune condoléance de la part des grandes puissances, aucune condamnation contre le terrorisme israélien qui a à son actif 230 morts au cours de l’année écoulée. Différentes capitales ont simplement fait savoir leur « préoccupation » et ont appelé tous les camps à la « retenue ». Une façon de traiter sur le même plan agresseurs et agressés et de renvoyer dos à dos colonisateurs et colonisés. En ce début de semaine, Anthony Blinken, l’envoyé spécial de Joe Biden au Moyen-Orient, reprendra à coup sûr les mêmes litanies. Sans oublier le sempiternel « attachement » à la solution de deux États – un palestinien et un israélien vivant pacifiquement côte à côte – une solution rendue caduque depuis longtemps par la colonisation forcenée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par l’État sioniste, colonisation qui se poursuit chaque jour, malgré toutes les condamnations internationales d’organismes comme l’ONU ou l’Union européenne, dont Anthony Blinken ne tient aucun compte. Et il aurait tort de se gêner. Car lesdites condamnations, extrêmement modérées dans la forme et platoniques, n’ont jamais été accompagnées d’aucune sanction et ne servent qu’à donner bonne conscience à ceux qui les adoptent. Pas question de mettre en difficulté Israël qui reste le principal atout et allié de l’impérialisme occidental dans la région.

Un regain de mobilisation en Palestine occupée

L’année 2022 a été marquée par un fort regain de mobilisation de la jeunesse palestinienne, non seulement à Jénine et Naplouse, fiefs de nouveaux groupes armés (comme les « Brigades de Jénine » et « la Tanière des lions »), mais également dans d’autres villes comme Ramallah et Hébron et aussi dans nombre de villages où ont lieu chaque semaine des manifestations contre la destruction de maisons et de puits, la coupure des routes, la saisie des terres et des outils de travail par l’armée, les raids des colons contre les bergers, voire les incendies criminels de voitures et d’engins de travaux. Pour ne prendre qu’un exemple, dans la seule journée du dimanche 29 janvier, à Naplouse, 120 voitures ont été la cible de pierres lancées par des colons et 22 magasins ont été attaqués.

Cette mobilisation se fait complètement à l’écart de l’Autorité palestinienne, voire contre elle. Il faut dire que cette dernière est gangrenée par la corruption, l’affairisme, le népotisme et complètement subordonnée à Israël dans le domaine sécuritaire. Ce pseudo-gouvernement palestinien est dirigé par un vieillard de 87 ans, Mahmoud Abbas, qui a supprimé toute élection depuis 2005 et qui cumule à la fois les présidences de l’Autorité palestinienne, de l’Organisation de libération de la Palestine et du Fatah. Il a mené – et continue de mener – une répression, parfois sanglante, contre ses opposants, mais il a été incapable de s’opposer à la poursuite de la colonisation israélienne, sauf par des gestes symboliques. Et si nombre de Palestiniens considèrent Israël comme leur ennemi juré, beaucoup d’entre eux voient en Abbas un adversaire, complice du colonialisme, dont ils devront, tôt ou tard, se débarrasser.

C’est de ce discrédit dont bénéficient des groupes comme le Djihad islamique – et dans une moindre mesure le Hamas ou le Front populaire de libération de la Palestine – qui surfent sur ce regain de mobilisation sans offrir de véritables perspectives à la lutte.

La fuite en avant d’un gouvernement d’extrême droite

Le gouvernement formé fin décembre en Israël, comme l’ont souligné tous les observateurs, est le plus à droite de l’histoire du pays, réunissant, autour de Benyamin Netanyahou, une kyrielle de partis et de groupes d’extrême droite, suprémacistes juifs, homophobes, racistes et religieux ultra-orthodoxes. Sur le plan intérieur il compte s’en prendre pêle-mêle à la laïcité, aux droits des femmes et des LGBTQI, à l’indépendance de la magistrature, à la liberté de la presse et aux droits des Arabes israéliens. Pour ce qui est de la Cisjordanie, il veut multiplier les colonies juives de peuplement et légaliser celles qui avaient été déclarées illégales par la justice israélienne. Dans le même temps, il compte procéder à la « judaïsation » des quartiers arabes de Jérusalem en expulsant au coup par coup la population palestinienne. Il faut noter que, sur ce plan, il ne fait que poursuivre, en l’aggravant, la politique des gouvernements qui l’ont précédé et qui, même lorsqu’ils comptaient quelques ministres « de gauche » dans leurs rangs, ont justifié la colonisation au nom de « la sécurité d’Israël ». Aujourd’hui, ils récoltent ce qu’ils ont semé.

Quant au « sionisme de gauche », il a quasiment disparu de la scène politique et de la Knesset après avoir fait le lit de la droite et de l’extrême droite.

Après les deux attentats de Jérusalem, le cabinet a annoncé une réponse « forte » et « solide ». Les « familles des terroristes » arabes israéliennes seront privées à l’avenir de Sécurité sociale, voire de la nationalité israélienne. Les Palestiniens de Jérusalem-Est se verront confisquer leur carte de résident permanent et pourront être expulsés vers la Cisjordanie, et partout, de nouvelles maisons seront détruites en signe de représailles et de punition collective. Des mesures déjà largement appliquées de facto au mépris de la législation israélienne et internationale. De ce point de vue, pas grand-chose ne va changer, mais Netanyahou et sa clique veulent satisfaire les plus anti-arabes de leurs partisans. De plus, à l’avenir, le port d’arme sera facilité pour les civils juifs, dont un grand nombre sont déjà armés. Cela aura d’ailleurs peut-être un effet pervers. En effet, une grande partie des armes que possèdent les Palestiniens sont obtenues par le biais de trafics de toutes sortes qui fonctionnent entre Israël et les territoires occupés. Quant à l’application de la peine de mort – que Netanyahou veut réactiver – son effet dissuasif sera limité : des centaines de Palestiniens risquent chaque jour leur vie dans la lutte contre l’occupant. Des protestations non dénuées de contradictions

Plusieurs semaines de suite, de 100 000 à 150 000 Israéliens se sont regroupés massivement les samedis soir à Tel Aviv – et dans une moindre mesure à Jérusalem et à Haïfa – pour protester contre la politique du nouveau gouvernement. Elles ont regroupé, au coude à coude, militants laïcs, ONG de défense des droits humains, mouvements LGBTQI, associations féministes, Arabes israéliens, etc. Ces manifestations « pour défendre la démocratie » n’étaient cependant pas dénuées de contradictions. Arborant une marée de drapeaux israéliens, elles ont permis à des politiciens de droite de l’ancien gouvernement, comme Yaïr Lapid ou Benny Gantz, de redorer leur blason à peu de frais sans aucunement désavouer leur politique passée, qui a pourtant mené à la situation actuelle. De plus, dans la foule, des personnes qui brandissaient des drapeaux palestiniens ont été prises à partie par des manifestants qui considèrent peu ou prou les Palestiniens comme des ennemis et ceux qui les défendent comme des « traitres ».

Face à une telle opposition, à la Knesset ou dans la rue, Netanyahou n’a pas trop de mauvais sang à se faire pour l’avenir de sa coalition. Pour lui, le principal danger vient plutôt de ses propres partenaires qui l’accusent déjà de mollesse et sont prêts à rompre le pacte majoritaire à la moindre occasion. La situation risque donc d’être explosive dans les mois qui viennent. Cela n’a rien d’étonnant. Tant que durera le régime d’occupation et d’apartheid imposé depuis trois quarts de siècle au peuple palestinien par l’État sioniste, la violence continuera, tant il est vrai qu’un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre. Et « le pays où coulent le lait et le miel » promis dans l’Ancien Testament, risque d’être encore pour longtemps celui où coulent surtout le sang et les larmes.

30 janvier 2023, Jean Liévin

(Article paru sur le site du NPA, https://nouveaupartianticapitaliste.fr)

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