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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 126, mai 2019 > Leur monde merveilleux : licencier pour faire travailler plus

Contre les licenciements, la précarisation, la surexploitation, que proposer, que revendiquer ?

En France, il y avait 9 voitures produites par ouvrier en 1980, 16 en 2005 et 19 en 2018. Faire plus avec moins, dégager du personnel pour surcharger ceux qui restent, c’est le mot d’ordre des capitalistes et de leurs États, justifiant et accompagnant tous les chantages. Cela passe dans les usines et les centres techniques par une explosion de la précarité : sur les chaînes de montage de Renault, il y a plus de 80 % d’intérimaires. Précariser pour faire taire, pour dégrader les conditions de travail, pour créer un turn-over démentiel qui permet de ne plus augmenter les salaires, voire de les baisser. Voilà leur politique.

De notre côté, pas question de donner des « leçons » aux ouvriers en butte aux suppressions d’emplois ou aux licenciements. Aucun mot d’ordre ou « bonne revendication » ne peut à elle seule déclencher les luttes qui feraient reculer patronat et gouvernement. Car tout le problème des mots d’ordre que se proposent les ouvriers menacés par des fermetures et suppressions de poste est fonction du rapport de force qu’ils sont capables d’imposer.

Contrairement à certains… nous n’avons pas de « solution industrielle » à proposer au capitalisme français. Essayer de démontrer que le Diesel est une filière d’excellence en France, que les nouveaux véhicules polluent moins que des véhicules Essence, c’est en pure perte si les dirigeants des constructeurs ont décidé qu’ils profiteront de la situation pour mener de nouvelles attaques politiques contre les travailleurs. Ils savent trouver toutes les structures de l’appareil d’État (juridiques, financières, répressives) pour imposer un rapport de force aux salariés.

Contre eux, nous avons bien sûr des mesures de sauvegarde du monde du travail, un plan d’urgence sociale à proposer aux salariés. Mais le fait qu’il soit adopté et brandi par les travailleurs sera surtout une question de rapport de force dans cette lutte de classe.

Ces mesures de sauvegarde, de plan d’urgence, s’adressent à l’ensemble de la classe ouvrière, en butte partout aux mêmes attaques, aux mêmes plans de restructurations, de destruction d’emplois, dans les secteurs privé comme public, avec partout désormais les mêmes techniques patronales de management agressif. Ce plan de sauvegarde se décline, entre autres, en quelques grandes exigences : interdiction des licenciements et des suppressions de postes ; partage du travail entre tous, notamment par la baisse du temps de travail ; hausse des salaires ; embauches définitives des précaires (intérimaires, CDD, prestataires, etc...) ; contrôle des comptes des entreprises.

Ce sont des objectifs précis et à portée des luttes, pour autant qu’elles soient capables de converger et de se coordonner. Qu’on ne nous dise pas qu’il n’est pas réalisable dans l’un des pays les plus riches du monde, où les entreprises accumulent des bénéfices monstres, mais où les inégalités comme la pauvreté explosent.

Ce programme (à commencer par l’interdiction des licenciements), ne sont crédibles et atteignables que dans un contexte de généralisation des luttes. Ce que peut une lutte dépend du rapport de force qu’elle crée : on n’obtient pas la même chose quand seuls les travailleurs d’une entreprise ou d’une région y sont engagés, ou quand leur lutte réussit à devenir contagieuse à une échelle bien plus large.

Sortir de l’isolement

Ce que le patronat redoute plus que tout, c’est l’explosion de colère qui regroupe tous les travailleurs menacés, voire qui entraîne avec eux les travailleurs des autres secteurs. Et ce qui le rassure, c’est l’éparpillement des mêmes luttes. Une note de conjoncture de l’association Entreprise & Personnel (E&P), qui regroupe les DRH des grandes entreprises, écrivait, après la vague de fermetures de 2009 : « Les conflits sont restés épars et n’ont jamais été voués à se rejoindre. Au-delà d’exemples radicaux et très médiatisés, le climat social reste relativement calme dans les entreprises, avec des salariés attentistes, dont le moral évoluera entre fatalisme et pointe d’espérance sur fond d’inquiétude diffuse. » On y lit encore : « on est quasiment dans la cogestion de la crise et les syndicats ont démontré l’importance de leur rôle dans la régulation sociale ».

Ce qu’ils redoutent, nous devons le rechercher : faire se rejoindre les conflits, ne pas les laisser « épars ». Faire converger nos luttes, voilà l’autre volet de notre programme de sauvegarde et de mobilisation.

Loin d’en rester à la défense entreprise par entreprise, d’en rester à la recherche de solutions locales toutes plus illusoires les unes que les autres, c’est à l’ensemble des travailleurs que peuvent s’adresser ceux qui sont au pied du mur pour défendre leurs emplois. Certaines luttes ont d’emblée une audience nationale : c’est le cas de l’usine de Blanquefort, également par la présence de Philippe Poutou. Lors de la manifestation organisée par les syndicats de Bosch Rodez dans l’Aveyron avec deux autres entreprises menacées, sa présence a été soulignée par les médias et il a réussi par ses interviews à faire passer un message très différent de celui des élus locaux et de certains syndicats. La perspective qu’il a amenée, ce n’est pas celle de la défense du Diesel mais celle de la convergence des luttes. 

L.M.

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