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Accueil > Les articles du site > Meeting vidéo du 26 avril 2020 : ce virus qui ébranle le monde (...)

Afrique du Nord

Mis en ligne le 29 avril 2020 Article Monde

Il sera question ici de trois pays d’Afrique du Nord où le coronavirus compte le plus de cas… et de décès :

  • L’Égypte, avec 300 décès
  • Le Maroc, avec 160 décès
  • L’Algérie, avec plus de 400 décès

Leurs situations présentent beaucoup de similitudes, bien que certains traits soient plus affirmés ou caractéristiques, selon les pays.

Commençons par l’Égypte où Corona et dictature font particulièrement bon ménage !

Il y a quelques jours, le maréchal Sissi – le dictateur égyptien – envoyait une aide médicale aux États-Unis. Le monde à l’envers ? Pas tant que ça en réalité. L’Égypte est le plus grand bénéficiaire de l’aide étrangère américaine, après Israël. Le geste diplomatique du dictateur égyptien visait à assurer à Trump – si besoin était ! – que la bourgeoisie et l’armée égyptienne restaient bien serviles vis-à-vis de l’impérialisme américain.

L’accession au pouvoir d’Al-Sissi en 2014 avait permis à l’armée de retrouver pleinement le pouvoir politique, après qu’en 2011 la révolution égyptienne ait renversé Hosni Moubarak. Depuis, Sissi a rétabli une dictature féroce en réprimant les militants, en interdisant les manifestations (depuis 2013). Les puissances impérialistes ont trouvé leur bon élève.

Début mars, l’Égypte enregistrait déjà (officiellement) 50 cas de Corona au sein d’un bateau de croisière sur le Nil. Et le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer sa ministre de la santé en Chine, et d’éclairer aux couleurs du drapeau chinois la citadelle de Salaheddine au Caire.

Le pays enregistre aujourd’hui le plus grand nombre de cas dans la région : plus de 4000 cas déclarés, mais combien de cas réels ? Et combien dans un avenir proche… quand on sait que le pays compte 100 millions d’habitants, dont 95 % vivent sur environ 5 % des terres ?

Al-Sissi a d’abord commencé par nier les risques liés au virus. Mais la mort de deux généraux de l’armée a secoué ! Le gouvernement a donc établi un couvre-feu au Caire, fermé les établissements scolaires et lieux de culte… et fermé aussi plusieurs hôpitaux du pays après plusieurs cas de contamination du personnel soignant par des patients !

Et la farce a continué : 11 millions consacrés à la santé, seulement. Quelques millions, mais le gros paquet, en milliards, pour le patronat : 1,2 milliard d’euros pour la bourse, et près de 3 milliards pour le tourisme.

En parlant de tourisme : le milliardaire Hamed Al-Chiti, magnat de l’industrie hôtelière égyptienne, a licencié des dizaines de travailleurs et a annoncé une baisse des salaires de 25 à 50 % pour les autres. Et c’est à coup sûr sans commune mesure avec le sort qui attend les millions de travailleurs sans contrat de travail ni paie mensuelle.

Passons maintenant au Maroc, pays qui à l’image de l’Égypte et de tous les pays d’Afrique, impose une double peine aux habitants des quartiers populaires

D’un côté, le confinement augmente le risque de contagion à cause de la promiscuité. De l’autre, cette population qui vit majoritairement de petits boulots, au jour le jour, se retrouve privée de son gagne-pain quotidien. Avec près de 75 % de la population qui vit de ce qui est pudiquement appelé le secteur informel, le Maroc tient le record en Afrique du Nord. Le régime se souvient des soulèvements contre sa politique en 2016, dans le nord du pays, à la suite de l’horrible mort d’un vendeur de poisson, broyé dans une benne à ordure où sa marchandise avait été jetée par les flics. Semblable à ce qui a déclenché la révolution tunisienne en 2011.

Quelle a été la réponse du roi à la crise sanitaire ? Sortir les chars de l’armée pour confiner toute la population de force. En réalité, dans le pays le plus inégalitaire de l’Afrique du Nord, les autorités redoutent surtout la colère populaire face à l’état catastrophique du système de santé (7 médecins pour 10 000 habitants, contre 31 en France ; une salle d’opération pour tous les hôpitaux publics de Tanger, deuxième pôle économique du Maroc). Le régime fait donc ce qu’il sait faire de mieux : bloquer, enfermer, réprimer. Les barrages de flics, le pistage électronique des déplacements ont conduit à 28 000 interpellations, 15 000 déférés en justice. En guise de remerciements, les flics touchent une prime journalière ; les médecins internes, eux, n’ont pas été payés depuis janvier.

Tandis que la population est confinée à la maison, la classe ouvrière, elle, est condamnée au confinement dans les usines, locales et étrangères. Décathlon, Boeing, Airbus, etc. ont maintenu leurs activités durant le confinement. PSA et Renault reprennent leurs activités sous peu. Plusieurs usines étrangères de câblage automobile menacent les ouvriers de licenciement s’ils restent chez eux. Les grands patrons n’ont que faire de la santé des travailleurs, et si ça peut compenser l’arrêt de l’activité en Occident, tant mieux !

Quant aux usines des secteurs dits « essentiels », elles continuent de tourner… avec des conditions sanitaires si déplorables que les zones industrielles marocaines sont devenues un des plus gros foyers/clusters de contamination et de propagation du virus ! À Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Larrache… des centaines de cas se sont déclarées dans des usines textiles, agroalimentaires, de matériel médical et dans les grandes surfaces.

Les travailleurs ne se laissent pourtant pas faire. Suite à la découverte d’un cas dans une usine de matériel médical à Casablanca, les ouvrières ont exigé d’être testées. Résultat : 72 cas positifs sur 200 salariés. D’autres contestations ont eu lieu : le 18 avril dernier, les ouvrières d’une usine de poisson ont organisé un rassemblement de protestation, pour exiger entre autres le paiement de leur salaire même pendant l’arrêt de l’usine.

L’Algérie montre que, n’en déplaise à ces régimes, il n’est pas si simple de confiner la colère

L’arrivée du Covid a sonné momentanément la pause du Hirak. De février 2019 à mars 2020, le pays a connu 56 semaines de manifestations de masse. Si les rues sont revenues au calme aujourd’hui, la contestation couve.

Dans la ville de Blida, plus gros foyer de l’épidémie, les hospitaliers ont organisé grève et rassemblements pour réclamer le départ d’un chef de service et un minimum de matériel pour travailler. Cet épisode a été largement médiatisé. Des mouvements de protestation ont aussi vu le jour dans cinq autres villes (entre autres dans un Ehpad et dans un service d’urgence). Les revendications ? Du matériel, le paiement des salaires et de la prime coronavirus, l’amélioration des conditions de travail. Une certaine solidarité s’est organisée localement et spontanément vis-à-vis des plus précaires. Le plus souvent à partir de jeunes des réseaux mêmes qui organisaient les manifestations du Hirak. Une solidarité que maires ou préfets cherchent parfois à récupérer, souvent en vain.

Certains grands patrons, font leur pub en offrant quelques ambulances ou camions de denrées alimentaires… Mais ils poursuivent dans leurs usines la production sans aucune protection pour les travailleurs. Les employés de la branche restauration de Sonatrach (l’entreprise nationale algérienne des pétroles) sont renvoyés en congés sans solde. Ceux de l’usine de jus Ramyfood sont menacés de licenciement s’ils ne bossent pas.

Face à ces attaques, des travailleurs ripostent. À l’image des ouvriers d’Energa, usine d’électricité de 465 ouvriers, qui organisent un rassemblement de protestation pour exiger dix jours de congés-payés exceptionnels du 19 avril au 29 avril. Mi-avril, les éboueurs de l’entreprise publique « Oran propreté » ont entamé une grève pour demander à bénéficier aussi de la prime coronavirus pour les travailleurs du public.

Le gouvernement tente de profiter de « l’accalmie » sociale imposée par la pandémie en inventant une nouvelle loi de sécurité « spécial coronavirus » : interpellations et incarcérations de centaines de militants se poursuivent avec des contrôles renforcés.

Malgré le ralliement à « l’unité nationale » de nombreux politiciens qui se disaient il y a quelques mois d’opposition, le régime a peur. Quelles réactions face aux conséquences de la chute brutale du prix de pétrole, à savoir une austérité renforcée sous pression du FMI ? Comme si c’était à la population algérienne de payer la guerre ouverte des prix qui s’engage entre la Russie, les États-Unis et l’Arabie saoudite ; à la population et pas aux trusts pétroliers et à ceux qui s’en sont mis plein les poches du temps du pétrole cher, contre lesquels d’ailleurs manifestait le Hirak.

Un Hirak dont le retour est espéré – et préparé – dès le déconfinement, et dans tous les pays !

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