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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 25, janvier-février 2003

Antisionisme ou antisémitisme ? L’amalgame

Mis en ligne le 19 janvier 2003 Convergences Monde

« Antisémites » : rien de moins. Voilà ce que seraient les universitaires de Paris VI qui ont appelé au non renouvellement de l’accord Union européenne-Israël en matière de recherche, pour manifester leur solidarité avec le peuple palestinien. On peut discuter si ce « boycott » est la meilleure façon de le faire. Mais ce n’est assurément pas le souci de nos censeurs pour qui sont « antisémites » tous ceux qui, à gauche et surtout à l’extrême gauche, osent critiquer la politique menée par Israël à l’égard de ce peuple et soutiennent sa lutte. Ils ne font, il est vrai, que suivre un sentier déjà soigneusement balisé.

Ainsi William Goldnadel, président « d’Avocats sans frontières », affirmait il y a peu : « En clair, depuis 20 ans, je dis qu’on a été en France d’une passivité coupable à l’égard de l’extrême gauche. Qu’à manifester une vigilance exclusive, presque rigide, à l’égard de l’extrême droite, on a autorisé l’extrême gauche à être d’une non moins insoutenable insolence antisémite, mais elle, sous couvert bien sûr d’antisionisme » [1].

Une position similaire est développée par Pierre André Taguieff, directeur de recherches au CNRS, qui écrit : « Ce qui est nouveau, depuis la deuxième Intifada, c’est que de façon significative, des associations franco-palestiniennes, des représentants des partis de gauche (PCF, Verts) et de l’extrême gauche trotskiste (LCR, LO), des anarchistes violents (CNT), des militants anti-mondialisation (ATTAC) et des responsables de certaines organisations dites « antiracistes » (MRAP, Ligue des Droits de l’Homme) côtoient régulièrement dans des manifestations dites « pro-palestiniennes » des islamistes (notamment du Hezbollah) prônant le Djihad contre les « Juifs »... Ces « antiracistes » et « antifascistes » déclarés ne paraissent nullement gênés, au cours de ces manifestations équivoques par les appels à la haine, voire au meurtre, (« Mort aux Juifs, A mort Israël »)… » [2].

Notons que parmi d’autres Schlomo Ben Ami, ancien ambassadeur d’Israël en France, reprend ce genre d’affirmations dans un livre récent [3].

Il peut paraître paradoxal que ces gens-là s’en prennent à une partie de la gauche, et plus particulièrement à l’extrême gauche, qui a toujours été à la pointe de la lutte contre l’antisémitisme en France, justement parce qu’opposée à toutes les oppressions racistes, religieuses ou colonialistes (donc également à celle des Palestiniens aujourd’hui) et qui de plus comptent dans ses rangs un certain nombre de militants d’origine juive. Mais le paradoxe n’est qu’apparent. Il s’agit moins de combattre l’antisémitisme que de justifier le colonialisme d’Israël en disqualifiant par avance comme raciste toute critique radicale à l’encontre de la politique d’oppression des Palestiniens.

Aux origines de l’antisionisme

Il faut donc rappeler tout d’abord que dès le début du XXe siècle –un demi siècle avant la création d’Israël– le mouvement ouvrier socialiste s’opposait déjà sans équivoque à l’idéologie sioniste naissante tout en aidant dans le même temps les masses juives d’Europe centrale et orientale à s’organiser dans des groupes d’autodéfense contre les pogroms.

Ainsi lors de son 4e congrès, tenu en 1901, le Bund, l’Union générale des ouvriers juifs de Russie, de Pologne et de Lituanie, affirmait : « Le congrès considère le sionisme comme une réaction de la classe bourgeoise contre l’antisémitisme... Il peut être un frein au développement de la conscience de classe » [4].

Une vingtaine d’années plus tard, en juillet 1920, l’Internationale communiste condamnait le sionisme dans ses « Thèses sur la question nationale et coloniale », ligne adoptée à partir de 1922 en Palestine sous mandat britannique par le tout nouveau Parti communiste palestinien créé par des militants d’origine juive qui avaient rompu avec le « sionisme prolétarien ».

Cette position fut reprise à la veille de la seconde guerre mondiale par le petit groupe trotskiste palestinien, dans lequel se retrouvaient des juifs allemands ayant fui le nazisme, puis plus tard, après la création d’Israël, par les révolutionnaires du Matzpen.

Antisémites tous ceux-là ? Sans doute comme les militants et résistants juifs majoritairement anti-sionistes - pour l’essentiel appartenant au Bund et au Parti communiste - qui se sont illustrés dans l’insurrection du ghetto de Varsovie au printemps 1943 ?

Aujourd’hui en Israël même des Juifs continuent la lutte contre la colonisation sioniste. C’est du combat de ces militants, que ce soit ceux du Centre d’information alternative de Jérusalem autour de Michel Warschawski, du Bloc de la paix d’Uri Avneri et Oren Medicks, du comité de Jeff Halper contre les démolition de maisons palestiniennes ou encore de ceux du Ta’ayush qui ont multiplié les actions spectaculaires pour dénoncer le blocus des territoires occupés et les brimades quotidiennes que subissent les Palestiniens, que l’extrême gauche est solidaire. Mais la solidarité avec des Juifs israéliens qui critiquent Israël, c’est sans doute encore de l’antisémitisme…

Le 9 janvier 2003

Léo STERN


[1sur le site internet pro-israëlien « proche-orient.info ».

[2L’Histoire, octobre 2002

[3La France et Israël, une affaire passionnelle.

[4Histoire générale du Bund de Henri Minczeles

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