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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 125, mars-avril 2019 > Venezuela

Un pays qui s’enfonce dans la crise

29 mars 2019 Convergences Monde

En 2014, un an après l’investiture de Maduro, la baisse rapide du cours du pétrole sur les marchés mondiaux entraîne le Venezuela dans une crise qui ne cesse de s’aggraver. Sur les cinq dernières années, on estime que le PIB a été divisé par deux. En 2018, l’inflation atteint la valeur astronomique de plus de 1 000 000 % c’est à dire que les prix ont été multipliés par plus de 10 000 par an. En janvier 2019, le salaire minimum est monté à 18 000 bolivars « souverains », soit 1,8 milliards de bolivars « forts » (au taux de change officiel, cela faisait, en janvier 2019, moins de 20 €). Les billets de banque ne valent plus rien et les paiements se font en carte bancaire… ou de préférence en dollars.

Tout manque, et surtout la nourriture et les médicaments. Une statistique pointait qu’en moyenne les vénézuéliens ont perdu 8 kilogrammes en 2016.

À cela il faut ajouter les coupures incessantes d’électricité, d’eau, de télécommunications, notamment dans les quartiers pauvres, les transports publics qui ne fonctionnent quasiment plus, les hôpitaux à qui il manque même les compresses.

Cette crise a suscité une forte émigration, avec plus de trois millions de Vénézuéliens qui ont quitté le pays en quelques années (sur une population d’environ 30 millions d’habitants). La plupart sont dans les pays voisins, en Colombie, en Équateur, Pérou ou au Brésil. Ils y vivent dans des conditions difficiles, et on a vu au Brésil l’extrême droite s’en prendre aux migrants vénézuéliens, jusqu’à susciter des attaques contre des camps de migrants à l’été 2018.

Dans une situation de plus en plus délétère, la délinquance prospère, avec des bandes souvent lourdement armés, qui vivent de tous les trafics imaginables. Le Venezuela connaît un des taux plus importants d’homicide au monde. Il y a aussi les interventions policières qui sans ménagement s’abattent dans les quartiers populaires, avec les forces d’actions spéciales (FAES) qui n’hésitent plus à tuer plutôt qu’à arrêter, en toute impunité, dans des opérations qui relèvent aussi d’une volonté de faire taire toute contestation qui pourrait naître dans les quartiers pauvres. Il y aurait autour de 4 000 personnes tuées par les forces de l’ordre par an (à peu près le même chiffre qu’au Brésil, alors que le Brésil compte 7 à 8 fois plus d’habitants).

Avec les CLAP (comité locaux d’approvisionnement) organisés aux niveaux des quartiers, le pouvoir parvient à assurer un accès à un strict minimum à la population pauvre. Avec le « carnet de la patrie » (une carte nominative permettant d’accéder aux programmes sociaux), on peut obtenir à un prix modique un carton de marchandise par mois, avec du riz, de l’huile, de la farine, et quelques autres denrées. Encore faut-il que les boites arrivent, et qu’elles soient complètes… Car beaucoup sont détournées et leur contenu revendu au marché noir au prix fort, parfois jusque dans des pays voisins.

Maduro accuse les forces capitalistes intérieures et extérieures, en particulier l’impérialisme américain qui mènerait une guerre économique contre le régime.

Les sanctions de Trump

Jusque-là, les États-Unis étaient restés le premier partenaire commercial du Venezuela, son premier client en pétrole (40 % des exportations vénézueliennes de pétrole vont encore aux États-Unis en 2018). Mais la situation va s’aggraver encore avec les nouvelles sanctions annoncées début 2019 par Trump, bien plus sévères que les précédentes prises en 2017. Le Venezuela ne va plus pouvoir vendre directement du pétrole aux États-Unis. L’État cherche à vendre plus de pétrole en Inde ou en Chine, mais cela va poser bien des difficultés : la distance d’acheminement, sans compter que le pétrole vénézuélien est un pétrole lourd qui ne peut être traité dans certaines raffineries. Par ailleurs, la filiale américaine de la compagnie nationale vénézuélienne, Citgo, a été coupée de la maison mère, son contrôle étant passé à des proches du nouveau « président » Guaidó, reconnu par l’État américain.

La « bolibourgeoisie »

Il est sûr que la bourgeoisie vénézuélienne préfère spéculer que de faire fonctionner une activité productive, et qu’elle « n’a pas le sens de la patrie » comme le disent les chavistes. Il existe de nombreux trafics où des riches empochent en désorganisant l’économie : entre autres des combines pour avoir des dollars pas chers de l’État sous prétexte d’importations, certaines surfacturées voire carrément fictives. Il y a des réseaux de revente des biens subventionnés sur le marché noir, voire à l’étranger (par exemple, tout un trafic d’essence à la frontière avec la Colombie). Le régime de Maduro comprend lui-même bon nombre d’affairistes corrompus, parmi les premiers à s’enrichir. À commencer par l’armée et ses responsables qui ont été mis aux manettes de nombreux ministères ainsi que d’entreprises publiques (comme l’entreprise pétrolière PDVSA). Le terme de « bolibourgeoisie » pour parler de proches du régime bolivarien qui s’enrichissent date quasiment des premières années de pouvoir de Chávez. Il est toujours d’actualité. Pendant la panne de courant récente, cette « bolibourgeoisie » pouvait se réfugier dans les restaurants des hôtels les plus réputés de Caracas qui affichaient complet, où il y avait l’électricité produit par les générateurs, de l’air conditionné, des steaks et des bons vins, à condition de payer en dollars.

Quel « socialisme » ?

De temps en temps, les autorités prennent un exemple et sanctionnent une entreprise, écartent un responsable politique particulièrement corrompu. Mais pas de quoi changer le système. Et quand Maduro, ou autrefois Chávez, prétend s’attaquer aux bourgeois en expropriant une entreprise, parfois avec grand bruit, il s’avère que l’expropriation a été faite moyennant une indemnité substantielle, ou bien que la mesure d’expropriation n’était que provisoire.

Entre le discours « anti-impérialistes » voire « socialiste » de Maduro dans les grands meetings et les allocutions télévisées et la réalité des faits, l’écart est énorme. Dans les forums économiques avec les patrons, le gouvernement se félicite de fournir du crédit facile à des entreprises pour relancer l’économie, y compris à des entreprises comme Nestlé (qui a plus de 4 000 salariés dans le pays).

Lorsque Trump et l’opposition vénézuélienne prétendent que la crise provient du modèle socialiste ou communiste imposé par Chávez, Maduro et les Cubains, c’est évidemment de la grossière propagande. L’économie est bien sûr dominée par la compagnie pétrolière publique PDVSA. Mais les entreprises privées, y compris étrangères, continuent à être présentes au Venezuela. Il y a plus d’une centaine de MacDonald’s dans le pays. Les multinationales comme Total ou Chevron sont également toujours présentes dans le secteur pétrolier.

Sous Chávez, quand les prix du pétrole étaient au plus haut, le Venezuela importait largement des produits de consommation courante payés en dollars qui abondaient avec la manne pétrolière. Le choc de la baisse des prix du pétrole de 2014 a été d’autant plus violent.

Ce sont toutes les limites de la politique de Chávez et Maduro qui explosent aujourd’hui. Leur politique se contentait de redistribuer un peu de la manne pétrolière sans transformer ni l’économie ni la société. Le pays restait centré sur une seule production, le pétrole. Et si les plus pauvres sont sortis (un temps) de la misère, le pays est resté profondément inégalitaire, avec une large partie de la population pauvre des villes qui survit de petits boulots (vendeurs de rue, couturières à domicile, etc.).

Toute cette situation a de quoi rendre Maduro très impopulaire au sein de la population. D’autant qu’il ose prétendre qu’il n’y aurait pas de crise humanitaire, pas de famine… et que le gouvernement ferait tout au mieux. Tout serait de la faute « des ennemis de la patrie ». Un discours qui ne convainc plus personne.

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