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Accueil > Éditos de bulletins > 1999 > février > 8

Tous ensemble ? Ouais ! Mais dans les luttes, pas derrière le stylo de Notat !

Le congrès de la CGT s’est donc terminé par l’élection à l’unanimité de Bernard Thibault, le leader cégétiste de la grève des cheminots de 1995, aux cris de « Tous ensemble, tous ensemble ! Ouais, ouais ! »… et en présence de Nicole Notat.

Bon nombre des délégués qui pendant le congrès avaient contesté le recentrage de la CGT vers « un syndicalisme de proposition » (proposition au patronat !) ont dû se sentir floués quelque part. Car ce « tous ensemble » signifiait des choses bien différentes selon ceux qui le scandaient.

Nicole Notat, c’est cette même dirigeante de la CFDT qui, en 1995, avait défendu le plan Juppé contre lequel les cheminots étaient en grève. Contre laquelle, au sein de son propre syndicat, un courant d’opposition combatif s’est constitué intitulé « Tous ensemble ! ». C’est pourtant elle à qui Bernard Thibault est venu longuement serrer la main au congrès CFDT en décembre dernier ; elle qui inspire désormais le nouveau cours de la CGT ! Ce cours dit « moderniste », mais vieux comme les aspirations patronales et gouvernementales, qui a fait signer ces derniers mois aux dirigeants CGT des accords de branche dans le textile et à EDF et certains accords d’entreprise dans la métallurgie ou ailleurs, instituant annualisation, flexibilité et remise en cause des conventions collectives.

Cette politique fait bien des mécontents parmi les militants de la CGT. « Je ne veux pas que la CGT me demande de retourner quotidiennement ma veste avec la CFDT » déclarait une déléguée. En fait, la direction de la CGT a montré dans le passé qu’avec ou sans la CFDT, elle n’était pas à un retournement de veste près, pour peu que de prétendus socialistes ou communistes se retrouvent au gouvernement. Les ouvriers de Talbot et Citroën en grève contre les licenciements en 1984 et à qui les dirigeants de la CGT demandèrent de reprendre le travail pour ne pas contrarier le gouvernement dit de gauche, en ont gardé l’amer souvenir.

Sur le fond, il y a aussi une autre façon hypocrite de trahir les intérêts des travailleurs : émietter les luttes, se refuser à les coordonner, cloisonner les secteurs et catégories et faire en sorte que tous s’épuisent à se battre séparément. Les différentes bureaucraties syndicales de ce pays, en chœur ou séparément, sont expertes en la matière. Et bon nombre de militants du rang, à la CGT, comme à la CFDT ou à FO…, en sont parfaitement conscients.

Au congrès de la CGT, nombre de délégués en ont fait le reproche à leur direction : pourquoi ne pas avoir organisé des initiatives d’envergure, une mobilisation d’ensemble ? Cela fait des années qu’on l’attend ! « les grandes causes, elles ont été défendues dans la rue. Il faut aller dans la rue », soulignait un délégué. « De l’action unitaire, oui, mais sur nos revendications ! » déclarait un autre, « comme à l’hiver 95 », et ainsi de suite.

Bernard Thibault a beau garder ses cheveux longs et un reste de prestige de la grève de 95, il a vite appris les vieilles roueries des hommes d’appareil et leur langage vide de sens. Il a donné le change aux contestataires en annonçant au cours du congrès l’idée « d’un rendez-vous national interprofessionnel unitaire ». Bien entendu, aucune précision sur ce rendez-vous. « L’idée » seulement, sans qu’on sache s’il s’agit de lancer un communiqué avec Notat, d’une journée d’action sans lendemain, d’une manifestation d’ensemble dans la rue, ou d’une véritable préparation des militants à la mobilisation d’ensemble. Thibault a l’aplomb d’un nouveau chef d’appareil qui sait comment ne pas s’engager sur une formule, mais n’a certes pas l’audace d’un dirigeant ouvrier appelant sans détour ses militants à la véritable mobilisation unitaire, dans la lutte et dans la rue.

Et pourtant, un plan de luttes d’ensemble, sur un même programme de mesures d’urgences contre le chômage, contre la flexibilité et les bas salaires, c’est ce qui manque aujourd’hui à la classe ouvrière. Cela, il serait vain de l’attendre des vieux ou jeunes dirigeants des bureaucraties syndicales. Aux militants mécontents, aux travailleurs combatifs, de s’y atteler, de s’y préparer eux-mêmes, en l’imposant aux Thibault et autres Notat.

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