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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 142, décembre 2021

Non au Service national universel, tentative de formatage de la jeunesse

5 novembre 2021 Convergences Politique

Le Service national universel (SNU), promesse de campagne du candidat Macron en 2017, se met en place par étapes depuis l’été dernier, après une phase d’expérimentation en 2019. Destiné aux jeunes de 15 à 17 ans, il a pour but officiel de construire « une société de l’engagement bâtie autour de la cohésion nationale », avec comme objectifs : « – faire vivre les valeurs républicaines ;

– renforcer la cohésion nationale ;

– développer une culture de l’engagement ;

– accompagner l’insertion sociale et professionnelle. »

La réalité de la société française aujourd’hui – merci patrons, merci Macron ! –, c’est toujours plus d’inégalités, un monde toujours plus dur pour les plus pauvres, toujours plus répressif… Mais les gouvernements aiment bien manier une « novlangue » où l’on désigne les choses par leur contraire ! Car en fait, avec ce SNU, c’est bien du bon vieux « Engagez-vous, rengagez-vous ! » qu’il s’agit. Engagement sous le drapeau français et le bourrage de crâne nationaliste, même si fort heureusement ce n’est plus l’encasernement pendant un an (jusqu’à la présidence Chirac), ou la vraie guerre dans les djebels en Algérie pendant deux ans et demie (sous le socialiste Guy Mollet). Mais le sale vent chauvin qui souffle des cimes du pouvoir et des partis institutionnels de la bourgeoisie nous ramène cette version édulcorée du service militaire… cette fois confiée au ministère de l’Éducation nationale, qui s’est fait une spécialité de la marche au pas ! Il est vrai que Blanquer tient plus de l’adjudant que de l’enseignant qu’on aime.

Une volonté d’encadrement patriotique de la jeunesse

Le SNU commence par un séjour dit de « cohésion » de deux semaines, suivi d’une « Mission d’intérêt général » – on a évité de justesse le trop pénal « travail d’intérêt général » ! – de 84 heures réparties au cours de l’année qui suit le séjour.Une deuxième phase prévoit, au volontariat, une période d’engagement d’une durée d’au moins trois mois… par exemple un service civique.

Selon le dossier de presse gouvernemental du séjour de cohésion, une journée type débute après un lever matinal (6 h 30 ?) et une cérémonie de lever des couleurs en chantant La Marseillaise. Ça commence fort !

La suite de la journée est composée d’activités collectives, de repas pris en commun, d’un temps libre puis « d’un temps de démocratie [sic !] en soirée pour échanger sur le séjour mais aussi permettre à chacun de s’exprimer et débattre sur des thèmes d’actualité ». Enfin, car on est bien dans l’esprit scout, coucher à 22 h 30.

Des thématiques des activités ont été définies. Elles méritent qu’on en dresse ici la liste exhaustive :

  • autonomie : mobilité, connaissance des services publics, accès aux droits et promotion de la santé ;
  • citoyenneté et institutions nationales et européennes : laïcité, égalité femmes-hommes ;
  • culture et patrimoine ;
  • découverte de l’engagement ;
  • défense, sécurité et résilience nationales ;
  • développement durable et transition écologique et solidaire : sensibilisation aux écogestes.

Parmi les six modules obligatoires pour tout séjour, il y a une journée « défense et mémoire » organisée par le ministère des Armées et un module de « sécurité intérieure » organisé par le ministère de l’Intérieur. Il s’agit d’honorer le courage et l’action de la grande armée française… probablement pas de s’interroger sur son rôle réel ou sur celui de la police – dans pas mal de périodes de l’histoire où les forces de répression ont été mobilisées contre des luttes ouvrières ou – en plus grand format encore – contre les mouvements d’émancipation coloniaux.

L’été dernier, 18 000 jeunes ont participé à ce séjour dit « de cohésion », à raison d’au moins un centre par département (Hexagone et Outre-Mer), soit 122 centres SNU sur 144 sites. Pour 2022, 5 000 jeunes sont attendus, avant la généralisation et l’obligation fixées pour l’horizon 2024 ou 2026. Le coût pour l’État est de 2 200 euros par personne. Ce qui a fait dire à une mission sénatoriale que c’était trop cher, 17 milliards par an, qui auraient avantageusement pu être investis dans l’Éducation nationale. Histoire que les « valeurs » transmises à la jeunesse ne se fassent pas au pas cadencé !

Avec le SNU, les jeunes devraient donc devenir, chapeau bas devant le drapeau et la Marseillaise, de bons citoyens qui aident les autres mais ne remettent surtout pas en cause cette société. Qui font les bons gestes écolos, mais ne s’interrogent pas sur leur caractère dérisoire en regard des causes profondes de la destruction de la planète. Quelque chose un peu drôle malgré tout : il semblerait que l’apprentissage des armes n’ait pas été prévu au programme : oubli ou crainte que la maladresse fasse des victimes dans les rangs de l’encadrement ? Ou que le savoir-faire soit utilisé ensuite par des jeunes de milieu populaire contre des exploiteurs et leurs forces de répression ? La confiance des dirigeants politiques dans la jeunesse a ses limites.

Les jeunes qui s’étaient « engagés » contre la réforme du lycée ont déjà apprécié les « valeurs républicaines » que le ministre Blanquer a mises en œuvre en déchaînant sa hiérarchie contre eux. Et apprécié la conception que ces gens-là ont de la « cohésion » en ordonnant aux flics de jouer de la matraque contre eux : on se rappelle encore cette image glaçante de dizaines de lycéens de Mantes-la-Jolie à genoux, les mains sur la tête.

Alors souhaitons que l’esprit de révolte d’une partie de la jeunesse s’exprimera dans le refus du SNU à l’image de ce que propose le collectif « Non au SNU » qui est en train de se constituer.

Liliane Laffargue


Le grand bazar

Les volontaires à l’encadrement des séjours de cohésion de l’été dernier ont pu apprécier la rigueur martiale des organisateurs. Ils ont dû attendre plusieurs mois avant d’être payés. Du fait de « difficultés techniques », pas du tout d’un bazar, qu’allez-vous imaginer ! La transmission des « valeurs républicaines » mérite bien qu’on patiente un peu pour recevoir son dû. Les étudiants qui ont cru que ce serait comme n’importe quel job d’été ont dû déchanter !

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