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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 129, novembre 2019 > Menaces sur l’emploi dans l’industrie automobile

Michelin : des fermetures d’usines à grand coup de « dialogue social »

29 octobre 2019 Convergences Entreprises

Parmi les entreprises liés au secteur automobile qui licencient et menacent les ouvriers partout en Europe, il y a Michelin. Le 10 octobre, après des semaines de chantages et de menaces dans tout le groupe, le couperet est tombé : la direction annonce la fermeture de l’usine de Vendée, à la Roche-sur-Yon, « d’ici à 2020 », un site de 619 salariés (et des milliers d’emplois induits). Pour eux et pour les 74 ouvriers du site Michelin de Cholet, l’atelier fournisseur de La Roche-sur-Yon, le groupe garantit les mobilités forcées, internes et surtout externes, et autres aides à l’accompagnement du chômage.

La direction avait déjà annoncé le 25 septembre la fermeture de son usine de Bamberg (850 salariés), près de Nuremberg en Allemagne, pour 2021. Début octobre elle avait encore mis à l’arrêt le site de Blavozy (Haute-Loire, 630 salariés) pour cinq semaines d’ici la fin de l’année, en chômage technique avec perte de salaire à la clé.

En difficulté ? Michelin est un requin de la concurrence mondiale qui a fait plus de 1,6 milliard de bénéfices nets en 2018 et qui a récupéré en cinq ans 330 millions d’aides de l’État. Depuis 2009, le groupe avait déjà fermé neuf usines en Europe, dont trois en France (sans compter celles de Bamberg et de La-Roche-sur-Yon), supprimant plus 5 500 postes.

Michelin menace tous ses ouvriers en Europe « à l’Est comme à l’Ouest »

Depuis des mois, Michelin avait lancé une offensive de restructuration de ses usines de production. Dès sa prise de fonction en mai dernier, le nouveau PDG, Florent Menegaux, avait déclaré : « Notre empreinte industrielle doit évoluer pour accompagner l’évolution des marchés ». La direction invoque en effet un écart de salaires entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest de un à quatre, une différence de coûts de fabrication d’environ 25 %, qui pousserait les fabricants de pneus à transférer leurs sites de production à l’Est. Le PDG compte néanmoins intimider tout le monde et ajoute : « Il n’y a aucun site pérenne, à l’Est comme à l’Ouest ». Manière de menacer tous les sites d’Europe, mais évidemment aucun en particulier, et de préparer un chantage à la fermeture pour au moins quatre sites, représentant 2 000 salariés sur 23 000 en France : Clermont Cataroux (Puy-de-Dôme), Cholet (Maine-et-Loire), la Roche-sur-Yon (Vendée) et Avallon (Yonne), qui devront donc subir un « choc de compétitivité ».

Le chantage à l’emploi a été révélé par le journal Le Monde le 16 septembre. La direction s’insurgeait alors : « Ces affirmations sont infondées ! L’intersyndicale qui a participé au diagnostic a demandé à la direction de savoir où allaient les sites France Michelin, à horizon cinq ans. […] Après plusieurs réunions de travail, il s’est avéré qu’il existait des faiblesses sur certaines usines, dont La Roche-sur-Yon, où la situation est mauvaise. Mais à l’heure actuelle aucune menace ne pèse sur l’emploi ».

Trois syndicats complaisants se soumettent au chantage

Les termes du chantage présenté aux syndicats du groupe : en échange d’un accord de confidentialité, la direction donnerait aux syndicats des éléments stratégiques sur l’évolution des marchés et sur les performances techniques et économiques de chaque usine.

Trois syndicats (la CFE-CGC, Sud et la CFDT) ont accepté le pacte, seule la CGT a refusé. Elle déclarait : « Nous sommes les représentants du personnel et nous ne devons rien leur cacher. Et nous ne voulons pas avoir l’air de cautionner des décisions qui ont déjà été prises pas la direction. » Ou encore : « on nous demandait de nous taire et d’appliquer les solutions mises en œuvre par la direction. Mais nous savons qu’il y a des milliers d’emplois menacés chez Michelin dans les années à venir ! »

Le délégué syndical de Sud-Michelin, qui a mis la main dans le prétendu « dialogue social » depuis 2015, se veut au contraire plus coopératif : « il y a des points faibles à améliorer sur certains sites. Mais pour l’instant, nous n’avons aucune menace identifiée. La démarche de diagnostic est justement destinée à éviter la casse, grâce à des solutions pérennes dans l’avenir ». Et la direction d’exulter (par la voix du directeur de Michelin-France) : « C’est la première fois que nous avons le courage de partager avec les organisations syndicales et avec la direction des usines une vision stratégique sur la totalité d’un pays. Nous allons maintenant faire descendre ce diagnostic sur le terrain et solliciter l’ensemble du corps social de chacune des usines ».

La méthode avait pourtant été expérimentée en 2015 à grands coups de « Pacte d’avenir », un plan de compétitivité et de réorganisation des sites avec le soutien des syndicats béni-oui-oui. Le site de la Roche-sur-Yon a eu le sien en 2016 : hausse de la productivité et travail le week-end, « en échange » du maintien de l’emploi. De quoi faire financer la fermeture par les salariés eux-mêmes… car le site doit fermer quand même.

De Michelin à Continental, ça sent le pneu brûlé !

Dès l’annonce de la fermeture, les ouvriers de La Roche-sur-Yon ont cessé le travail, ont mis le site à l’arrêt, les palettes et les pneus ont brûlé devant l’entrée du site. Ils avaient déjà débrayé le 4 octobre, suite aux révélations du Monde, pour demander au PDG de s’expliquer. Ce jeudi 17 octobre, ils étaient près de 200 salariés à débrayer devant l’entrée de l’usine. Aujourd’hui ils dénoncent les mensonges, les chantages et les prétendus « pactes d’avenir ». Car la direction de Michelin n’a aucune raison de s’arrêter là. Les trois autres sites en France sont toujours menacés. Et les sites industriels ne seraient pas les seuls dans le viseur : d’ici juin 2020, les cadres du siège à Clermont-Ferrand pourraient eux aussi être concernés par une vague de suppressions de postes.

Le même délégué de Sud qui vantait les mérites du « dialogue social » pour sauver les sites reconnaît maintenant : « On nous a menés en bateau. On vient de comprendre ce matin qu’on a changé de paradigme. Florent Menegaux a visiblement décidé de manager par la terreur, à la Carlos Ghosn ! » Et celui de la CFDT de constater : « On nous avait promis une concertation transparente et au lieu de ça, on nous met devant le fait accompli. C’est une trahison ! ». Les promesses n’engageaient en effet que les naïfs (si tant est qu’ils le soient) qui pouvaient y croire…

En tout cas la direction n’a pas changé de stratégie : « Il n’y a aucun projet de fermeture de ces sites », ont de nouveau assuré des porte-paroles de Michelin. Les mêmes qui juraient que La Roche-sur-Yon ne fermerait pas. L’intersyndicale Sud, FO, CFE-CGC et CFDT n’en a pas moins appelé à un référendum à bulletin secret ce 18 octobre pour aller négocier avec la direction. Un referendum boycotté à juste titre par la CGT, mais plébiscité par les votants.

Néanmoins les Michelin ne sont pas les seuls sous-traitants automobiles menacés. Continental vient d’annoncer fin septembre un plan de 20 000 suppressions d’emplois dont 7 000 en Allemagne. Continental compte fermer sept usines dans le monde. D’autres projets de suppressions de postes pourraient viser les travailleurs de Toulouse notamment, des projets d’externalisation aussi. Continental aussi fait chaque année autour de trois milliards de profits et possède une réserve de cinq milliards.

Les alliés des ouvriers de Michelin ne manquent pas, des dizaines de sites sont menacés : Bosch-Rodez, Fonderies du Poitou, le groupe Jinjiang à Decazeville et Villers-la-Montagne (Moselle), mais aussi des suppressions de postes d’intérimaires chez les donneurs d’ordres, dans les usines de PSA (Mulhouse) et Renault (Cléon, Flins…). Tout cela après la fermeture de GM&S et bien sûr de Ford Blanquefort. La liste est longue et devrait s’allonger dans les mois à venir. Les ouvriers de tous ces sites pourraient aussi se coordonner et s’unir afin que plus un seul d’entre eux ne se retrouve seul face aux licenciements et fermetures de sites.

18 octobre 2019, Léo Baserli

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