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Même dans le Grand Est, au boulot coûte que coûte...

24 mars 2020 Article Entreprises

La sacro sainte « union nationale », à laquelle appelle le gouvernement, soutenu par toute la nébuleuse des partis institutionnels et les directions syndicales, c’est bien l’union derrière le MEDEF qui ne compte pas, lui, confiner ses profits ! Mais pas sans réactions de travailleurs. Dans bien des entreprises d’Alsace, des ouvriers, des employés ont fait valoir leur droit de retrait, se sont mis en arrêt maladie, forçant ainsi le patronat à fermer les lieux de travail. Petit tour d’horizon des leçons de « civisme de classe » donnés par les travailleurs aux patrons !

Lundi 16 mars au soir, le téléphone sonne chez les ouvriers de l’usine Mercedes à Molsheim, où 800 travailleurs fabriquent des carrosseries et des remorques. C’est spontanément que commence une chaîne d’appels : « On va tout de même pas risquer d’aller bosser et choper le virus pour faire des bagnoles ! ». Surtout qu’un ouvrier avait contracté le covid-19, et que la boîte s’était bien gardée de le dire ! Et de proche en proche, le message circule : « on n’ira pas bosser demain » ! Le lendemain, ce sont donc les droits de retrait et arrêts maladie de bon nombre d’ouvriers qui imposent à la boîte une fermeture jusqu’au 6 avril !

Dans le Bas-Rhin, dès le mardi 17 au matin, des Unions locales CGT sont débordées d’appels. Le point sur la situation est claire : les directions des entreprises ont bien l’intention de continuer la production à tout prix ! Alors des militants syndicalistes de terrain se démènent pour organiser partout où ils le peuvent les droits d’alerte et droits de retrait !

Sur une plateforme logistique les ouvriers continuent de travailler pour expédier des colis d’ampoules, masque sur le visage. C’est sûr, quelle urgence que d’envoyer des ampoules dans le monde entier quand il manque, dans tous les hôpitaux, des masques pour protéger les personnels hospitaliers ! Il semblerait que la boîte en garde sous le coude des milliers pour tenir sa production le plus longtemps possible. Alors le ton monte, et le vendredi 20 mars, la direction finit par céder sur un strict minimum : une semaine de fermeture de l’usine et... un don de masques. Mazette !

À Bugatti, dans l’atelier de Molsheim, à proximité directe du Château Saint-Jean, humble demeure de la famille du patron (!), la production à la main de voitures de sport aux prix faramineux continue, elle aussi, après les annonces de Macron. C’est seulement le vendredi 20 mars que la direction finit par fermer l’usine pour une désinfection devant permettre une reprise du travail le lendemain… Puis elle capitule : pour la santé de ses salariés ? Même si le communiqué de presse de la direction l’invoque, c’est surtout la rupture de la chaîne d’approvisionnement des pièces de production et des pièces détachées qui rendent le maintien du travail ouvrier impossible. Espérons que les 125 travailleurs de l’atelier ne seront pas contraints par la nouvelle loi d’urgence sanitaire de prendre une semaine de congés confinés chez eux !

À Obernai, c’est l’usine Kronenbourg qui fonctionne aussi allègrement sans que les travailleurs ne soient protégés d’une quelconque manière. Le syndicat CGT, après avoir lancé un droit d’alerte dès le mardi 17, se bat pour faire valoir le droit de retrait que veulent les ouvriers : « On vient avec la peur au ventre, on n’a aucune protection », disent certains. Mais voilà, pas si simple ! La direction fait pression sur les salariés en invoquant que, si l’usine s’arrête, « on va perdre les levures » (une histoire de fermentation !) et que donc, la boîte ne pourrait plus rouvrir. Ce qui de toute façon est faux, puisque l’entreprise détient des souches permettant une réactivation. Mais apparemment les dirigeants préfèrent faire vivre leurs levures, où fermentent leurs profits ! Bien des ouvriers n’entendent pas se laisser faire. Les droits de retrait, les arrêts maladie se multiplient imposant une production qui tourne, depuis la fin de semaine dernière, à effectif réduit et toujours sans masque !

Près de Colmar, à Ricoh, entreprise d’électronique qui fabrique des équipements de bureau, photocopieurs, fax, imprimantes et appareils photos, même scénario. Alors que la direction, ayant bien entendu les déclarations de Macron, souhaitait maintenir l’activité de l’entreprise, les 700 travailleurs ont fait valoir leur droit de retrait, certains dès le mardi 17 mars, forçant l’arrêt quasi total de la production ! À Hager, usine de matériel électronique situé à Bischwiller à quelques kilomètres de Strasbourg, les droits de retrait ont là aussi permis, dès le lendemain du lundi 16 mars - jour du discours de Macron - d’arrêter la chaîne de montage où les travailleurs devaient manipuler les mêmes pièces et matériel sans gants ni masques, et avec des distances de sécurité insuffisantes entre eux. Bras de fer contre une direction qui estimait le droit de retrait injustifié, finalement gagné par les travailleurs à coup de débrayages : une semaine d’arrêt de l’usine. Mais le répit sera peut-être de courte durée. Car les patrons s’organisent pour tenter de redémarrer le plus tôt possible la production, en arguant de la mise en place de mesures sanitaires !

Et puis on pourrait croire que dans les entreprises de transports aérien et routier, on prioriserait l’acheminement des marchandises vitales. Il n’en est rien. Une grosse boîte à Strasbourg, en plus de faire travailler des salariés dans des open spaces au coude à coude, et en contact constant avec les routiers, évidemment sans protection, a une priorité : celle de remplir ses caisses. Si les vols passagers sont supprimés, remplit-on les vols cargos de matériel médical ? Non, de produits de luxe ! Les prix du transport ayant été augmentés par la boîte, priorité à ceux qui paient cash ! Et là, comme dans bien d’autres entreprises sans doute, si les travailleurs continuent de travailler, c’est surtout sous la menace latente d’un licenciement, maintenant ou quand l’épidémie sera passée…

Claude KIRCH

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