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Accueil > Éditos de bulletins > 1998 > juillet > 13

Mais y sont où ? Mais y sont où... les enfoirés ?

Qui a donc gagné la coupe du monde ? Zinedine Zidane ? Youri Djorkaeff ? Lilian Thuram ? Vous n’y êtes pas. Si vous avez suivi un peu les derniers matchs de l’équipe de France, c’est le tandem Chirac-Jospin, celui qui joue à l’avant-centre... dans les tribunes d’honneur.

Que dimanche, la victoire de l’équipe de France ait précipité dans la rue des millions de supporters, y compris des tout neufs, qui ne se sont découvert une passion pour le foot que depuis quelques jours, voire quelques heures, rien que de normal. Après tout la victoire de n’importe quel club de n’importe quel village dans n’importe quel championnat est l’occasion de faire la fête. Et cette équipe, c’est vrai, est bien sympathique dans sa diversité, des boules à zéro de Barthez et Leboeuf aux cheveux longs de Petit et Dugarry en passant par les crinières crépues de Karembeu et Desailly.

Ce qui est moins sympathique en revanche, c’est le déluge de tricolore dont on nous abreuve. Car le déferlement de drapeaux de dimanche soir avait été annoncé et préparé, par les médias comme par les politiciens, même si ceux qui les brandissaient n’avaient sans doute pas conscience de la manoeuvre. Mais nos gouvernants savent fort bien comme tous les gouvernants du monde que le sport est un bon moyen d’exacerber le chauvinisme... et de faire l’unité du bon peuple autour d’eux.

La preuve : la ridicule compétition entre Chirac et Jospin, à qui sera le premier à se précipiter pour faire des bisous aux joueurs victorieux, voire à échanger son costard-cravate pour un maillot bleu et se rendre, sous l’oeil des télés évidemment, dans les vestiaires.

Ca a paraît-il payé : jamais les deux lascars n’ont été aussi haut dans les sondages. Ils ont quand même un souci à se faire. Ici ou là, la foule en liesse a commencé à lancer un nouveau slogan « Aimé Jacquet, président ». Heureusement que le sélectionneur de l’équipe de France a annoncé son intention de quitter son poste. S’ils sont virés de leur place actuelle, premier ministre ou président de la République pourront toujours postuler à la succession.

Certes tous les politiciens ont souligné que l’équipe était à l’image nouvelle du pays : black-beur-blanc. (Tous sauf un : Le Pen préfère faire oublier ses déclarations imbéciles d’il y a peu, quand il regrettait qu’il y ait trop « d’étrangers », entendez d’immigrés ou de fils d’immigrés, dans l’équipe nationale).

Mais la composition de l’équipe de France n’est invoquée que pour vanter les prétendues capacités d’intégration de la France. La soi-disant ouverture sur le monde ne fait que recouvrir la prétention franchouillarde.

Capacités d’intégration ? En ce moment même une trentaine de personnes, après de nombreuses autres, font la grève de la faim pour obtenir des papiers et le droit d’exister légalement dans ce pays où elles vivent, travaillent ou ont une famille. Elles sont les porte-parole de dizaines de milliers d’autres à qui on refuse toujours ce droit. Chirac a appuyé les lois Pasqua-Debré durcissant la répression contre les immigrés. Jospin, malgré ses promesses avant son élection, n’a pas révoqué ces mêmes lois. Ils se footent de nous.

Oui, il y a une équipe de foot, sympa, diverse mais solidaire, et qui mérite d’être supportée (même si ces joueurs, aussi humble que soit leur origine, gagnent des millions et évoluent dans un autre monde que celui de leurs supporters payés au SMIC ou à peine plus). Mais pourquoi pour cela faudrait-il s’unir derrière Chirac ou Jospin au nom de la France ?

En France, il y a d’un côté les opprimés, comme les sans-papiers, et les exploités, l’immense majorité des salariés, et de l’autre les exploiteurs et leurs valets, politiciens ou commentateurs de télé, tous chargés de cultiver le patriotisme et le nationalisme qui embrouillent et enfument les esprits.

Mais les jeunes, blancs, noirs, bruns, jaunes, ou les moins jeunes, qui emportés par leur enthousiasme pour les exploits de « Zizou » arboraient le drapeau tricolore, ne mettront pas longtemps à voir les injustices et les inégalités que celui-ci peut couvrir. Les mauvais coups que préparent Jospin et Chirac eux-mêmes suffiront à ouvrir les yeux.

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