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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 45, mai-juin 2006 > DOSSIER : Premier recul du gouvernement : le CPE enterré… restent le CNE et (...)

Lyon : tardif mais massif

À Lyon le milieu étudiant met plusieurs semaines à entrer en lutte, malgré une forte implication militante de l’Unef comme de militants d’extrême gauche qui mènent globalement une politique commune durant l’ensemble du mouvement. La mise sur pied des collectifs unitaires, à partir du 1er février, permet la tenue à cette date de la première AG à l’université Lyon 2 Bron. Elle ne compte alors que 80 personnes et reste centrée sur la question de l’extension des revendications au-delà du seul CPE.

Une mobilisation étudiante longue à naître, les lycéens prennent les devants

Le 7 février, sur 20 000 manifestants, il n’y a que 1 000 étudiants, contre 4 000 lycéens et 15 000 salariés. Le nombre élevé de lycéens est lié à la réactivation des réseaux hérités du mouvement contre la loi Fillon de l’année dernière. À la suite de la manifestation, une AG commune à la Bourse du travail rassemble 200 lycéens et étudiants, mais dont les salariés sont absents. Ce sont les lycéens qui poussent pour que soit organisée une nouvelle journée dès le jeudi 9. Cependant, le pli est pris : désormais, des manifestations rythmeront la semaine, le mardi et le jeudi, et à l’issue de celles-ci des AG de ville sont ouvertes à l’ensemble des manifestants, les premières assez chaotiques, il faut bien le dire.

Dans les universités, les comités de mobilisation locaux demeurent faibles pendant tout le mois de février. Jusqu’au 7 mars, les AG ne dépassaient pas 200 personnes et seuls deux sites universitaires sur quatre sont mobilisés. Il s’agit plus d’assemblées d’information que de mobilisation : les détails de la loi sont passés en revue, mais le noyau militant reste isolé de la masse des étudiants, malgré des tentatives systématiques de débrayage des amphithéâtres.

Le 7 mars, la conjonction d’une nouvelle entrée en scène des salariés et des efforts répétés des militants permet au mouvement étudiant de s’élargir : le premier vrai cortège étudiant marche en tête des 20 000 manifestants et le premier comité de mobilisation de ville est élu.

La structuration d’un mouvement d’ensemble

Le 13 mars Lyon 3, traditionnellement de droite, rejoint la lutte. Le véritable tournant a lieu le 14 mars à Lyon 2 : les 400 personnes présentes décident d’aller en cortège débrayer l’ensemble des amphithéâtres, pour organiser dans la foulée une AG de 600. Pour la première fois, le blocage du campus est voté à l’unanimité moins une voix. Se constituent des commissions chargées d’organiser l’occupation, du financement à la nourriture (bio...) en passant par les actions, les manifestations et les contacts avec les médias. Le blocage, qui sera reconduit pendant quatre semaines à chaque AG locale, malgré l’organisation croissante des anti-blocage, ouvre une nouvelle période de mobilisation sur la fac qui permet enfin de franchir le seuil des 1 000 personnes en AG, puis 1 500 après une semaine.

L’accélération des journées d’action sous l’impulsion des confédérations syndicales relance le mouvement, et parmi les 35 000 personnes présentes le 28, des cortèges étudiants bien organisés se font remarquer en tête des cortèges syndicaux. Même dans les facs traditionnellement moins actives, le mouvement s’étend : Lyon 3 connaît une AG de 1 500 personnes, et Lyon 1, où le mouvement des Staps est important mais sans se lier à la lutte anti-CPE, passe le cap des 150 personnes le 29 mars. Dans les IEP (Instituts d’études politiques) et à L’ENS (l’École normale supérieure), les blocages se mettent en place à la fin du mois, tandis qu’une quinzaine de lycées, à la suite de la manifestation du 25, paralysent eux aussi leurs établissements.

Concernant le blocage, il est remarquable que les étudiants en lutte ne soient pas confrontés à une opposition politique organisée : l’Uni (le syndicat de droite) et les Jeunesses identitaires (groupe d’extrême droite) pourtant présents à Lyon, ne se manifestent guère malgré quelques échauffourées ponctuelles. L’occupation attire un nombre croissant d’étudiants, de personnels et d’enseignants dans la lutte.

Une pression exercée sur le Parti socialiste, les Verts et la Région permet d’obtenir de la part des élus du Conseil régional une subvention de 20 000 euros. Une délégation lyonnaise de 300 personnes a ainsi pu rejoindre gratuitement la manifestation parisienne, loin quand même de l’objectif initial... d’une dizaine de milliers. Cependant cette tentative a renforcé la structuration du mouvement à l’échelle de la ville en fixant un objectif commun. À travers elle s’est amorcée une centralisation entre les lycées qui allait aboutir tardivement (le 5 avril) à la tenue d’une coordination lycéenne locale. Elle a également transformé les structures (AG d’après manif, comité de mobilisation) en un véritable cadre d’organisation des activités militantes à l’échelle de Lyon.

Une victoire et un peu d’amertume

Au sujet de l’extension en dehors des campus, deux lignes se distinguent : une première, axée sur les « actions directes » et animée par des militants anarchistes ou ceux du syndicat étudiant FSE , propose d’occuper les locaux de l’UMP, les voies ferrées, les péages et les périphériques ; une seconde, soutenue notamment par l’extrême gauche trotskyste, LCR et LO (majorité et Fraction), propose des diffusions de tracts en direction des salariés. Auchan, Renault Trucks, Brandt, Bosch puis Rhodia voient se succéder les étudiants à leurs portes, parfois par groupes d’une cinquantaine, munis de tracts qui portent au recto les revendications locales et au verso celles des étudiants ou l’appel des coordinations nationales. Le comité ville, rassemblant maintenant 200 personnes, reflète ces deux tendances mais réussit néanmoins à cimenter les différents modes d’action qui en l’état de la mobilisation ne s’excluent pas. Il y a même une évolution des actions directes dans le sens d’une extension au monde du travail, avec une préoccupation de plus en plus nette de travailler avec les syndicats et non contre eux ou à côté. Le travail avec les unions locales comme celle de Vénissieux a été fructueux, et des liens se maintiennent encore aujourd’hui.

La mobilisation plus tardive qu’ailleurs, arrivait à son apogée le 4 avril. 45 000 personnes manifestaient à Lyon, et les troupes ne semblaient pas devoir rapidement faiblir. C’est après cette date que se tiennent les plus grosses AG sur les campus.

Le retrait du CPE est alors ressenti de manière contradictoire et vécu comme une victoire en demi-teinte, un achèvement un peu amer du mouvement. Le lundi 10 avril les AG décroissent nettement, tandis que se maintient un noyau de militants déterminés, qui dépasse nettement les seuls militants organisés, et cherche de nouveaux cadres de mobilisation, comme des collectifs de lutte contre la précarité et la loi Ceseda, et comment s’inscrire dans la durée et continuer le combat contre l’ensemble de la loi d’« égalité des chances ».

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