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À l’instar des examens, la lutte étudiante passe en présentiel

11 janvier 2021 Article Politique

(Photo : Assemblée générale place de la Sorbonne)

À la Sorbonne et à l’université de Créteil, entre autres, de nombreux étudiants et étudiantes se sont mobilisés pour protester contre la tenue des examens en présentiel. Toute la semaine, des dizaines d’entre eux se sont relayés à l’entrée des universités pour convaincre leurs camarades de ne pas passer des épreuves qui accentuent tous les dysfonctionnements du confinement. Et ce n’est pas fini !

Les cours en distanciel : un puits sans fond…

Comme il l’avait annoncé, le gouvernement a poussé à la réouverture des universités [1]… le temps des examens ! Qu’importe que la majorité des étudiants aient vu leurs conditions d’études s’effondrer sous l’action combinée de l’isolement et de la précarité financière : il fallait maintenir la « valeur des diplômes »… Pourtant, un étudiant sur six, à l’université, est en situation de décrochage. Les cas de dépression se multiplient à mesure que les contacts sociaux s’étiolent. Les devoirs « maison » s’amoncellent. Si certains enseignants prennent la mesure de la situation et parviennent à adapter les cours, ils sont bien plus nombreux à ne pas disposer du matériel informatique suffisant pour permettre une bonne compréhension de leurs exposés, quand ils ne profitent pas du confinement pour demander du travail supplémentaire « puisqu’on est toujours chez nous ».

Le sentiment d’avoir perdu un semestre, de ne rien avoir appris, de douter sérieusement de son avenir, bref de se sentir dépassé, devient le lot d’un nombre croissant d’étudiants et d’étudiantes en manque de perspective.

Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ! Étudier quand on a faim, qu’on doit faire la queue devant les banques alimentaires parce que son job étudiant a sauté avec la crise, sans pouvoir obtenir de l’aide de ses camarades ou de ses profs, ce n’est pas la même chose qu’étudier en temps « normal ». Bien des médias ont à juste titre souligné la grande inégalité de situation – et injustice – entre l’étudiant « ordinaire » confronté aux problèmes qu’on vient d’énumérer et les élèves des classes dites « prépa » [2] des lycées, qui continuent à fonctionner en présentiel

… dont on ne peut sortir que collectivement !

Confrontés à un déni abyssal de la part de l’administration universitaire (du fait de la politique de sa direction, et de l’insuffisance de moyens de manière générale) et de la part du gouvernement qui aura « davantage parlé des pistes de ski que des facs » (expression d’un étudiant sur Twitter), les étudiants ont décidé de se faire entendre ensemble.

Dès le début des premiers examens, des témoignages sur la précarité étudiante, des protestations contre la tenue des examens en présentiel ont émaillé la Toile à travers les #mentalbreakdown et à la Sorbonne avec #SUpartiels, des groupes de promo se sont organisés par Whatsapp et Signal pour organiser le boycott de leurs épreuves. Si les premiers « blocages » ont eu lieu à l’initiative d’un nombre réduit de promos, des liens se sont très vite formés entre filières et différentes années, puisque les problèmes sont les mêmes pour tous. Du fait de l’existence de divers campus, il a fallu se relayer pour qu’il y ait toujours des présents pour convaincre les moins décidés, voire les récalcitrants.

(Photo : Boycottage des examens à P4 Clignancourt)

Face à la répression, nos étudiants ont du talent !

En effet, si le dégoût face aux examens en présentiel est partagé par la grande majorité de celles et ceux qui ont à composer, la pression administrative est forte. Pour désolidariser le mouvement, l’administration menace de coller des zéros à tout le monde, même si l’amphi est vide. Elle envoie des mails pour expliquer tranquillement que « les examens se passent normalement » et que les troubles sont dus à une « minorité d’agitateurs » !

Elle n’hésite pas non plus à restreindre l’accès aux locaux, en faisant intervenir la police pour observer des « convocations » non-officielles et improvisées dont les étudiants n’avaient parfois même pas idée de l’existence, ou qui étaient simplement incomplètes (ne spécifiant par exemple pas le campus où l’étudiant devait composer).

Ces interventions de la police et de la sécurité, visant à démoraliser, ne sont pas nouvelles : elles avaient déjà eu lieu lors des occupations ou blocages des années précédentes ou plus récemment lors du mouvement lycéen, et elles se sont soldées par des violences ainsi que par deux interpellations d’étudiants (qui ont fini par être libérés sans poursuites).

La police interdit aussi l’accès aux épreuves à celles et ceux qui sont « fichés » comme « bloqueurs » par l’administration, même s’ils ont une épreuve à effectuer : leur garantissant un zéro de la manière la plus arbitraire.

[Photo : Blocus d’examens à l’Upec)

Dans ces conditions de répression généralisée, les étudiantes et étudiants ont tout de même réussi à rendre caduc un grand nombre d’épreuves à Paris 4 (une annexe de la Sorbonne), où seule une minorité rentrait composer. Le mouvement a aussi essayé de s’organiser en assemblée générale regroupant les équipes militantes des différents campus pour faire le point sur la situation. S’il n’en est pas ressorti une liste d’actions et de revendications, il est sûr que le mouvement n’est pas au bout de ses possibilités. Il a déjà provoqué le passage de certains examens en distanciel, à pousser certains enseignants à prendre position en sa faveur (et remettre en question la décision ubuesque de mettre zéro aux étudiants absents car testés « positifs » au Covid). Le mouvement a percé dans le champ médiatique, mettant ainsi la lumière l’anormalité poussée à l’extrême de la triste « normalité » universitaire de cette rentrée. Il reste encore à convaincre les hésitants, à entraîner les derniers amphis. Pour cela, les appels à la solidarité ne suffiront pas, il faut montrer qu’il est possible de gagner. Contre la fac bien sûr, mais aussi contre le gouvernement et son autoritarisme, qui veut nous empêcher de nous mobiliser pour défendre nos conditions d’étude et de vie. Nous battre pour le retour des cours en présentiel, pour davantage de moyens dans l’enseignement supérieur !

Un message qu’il faudra aussi faire entendre dans la rue, dès le samedi 16 janvier lors de la manifestation contre la loi sécurité globale.

Simon Coudec et Pierre Levain


[2Classes spéciales de lycées, de préparation aux concours des grandes écoles, fréquentées après le bac par les jeunes des milieux les plus favorisés. On peut y rester deux ans voire trois. Elles sont réputées pour être une « spécialité française » et font de fait office d’université de qualité pour un grand nombre de jeunes de la moyenne et grande bourgeoisie qui, ensuite, s’ils n’ont pas décroché les « concours », rejoignent les universités mais pas dans ces premières années de licence qui sont celles de la plus grande misère.

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