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Les nationalisations en période de crise : une aubaine pour les patrons, un mirage pour les travailleurs

12 avril 2020 Article Politique

Pour aider les entreprises à faire face à la crise du coronavirus, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est dit prêt à nationaliser certaines entreprises : « Je n’hésiterai pas à utiliser tous les instruments à ma disposition pour les entreprises attaquées sur les marchés […]. Je peux même employer le terme de nationalisations si nécessaire. » Et le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a aussitôt renchéri : « Il ne faut pas avoir de tabous en la matière ». En attendant, pour se donner les moyens de voler immédiatement au secours des « fleurons industriels » menacés – que ce soit sous forme de nationalisation temporaire ou de prise de participation –, le gouvernement a prévu une enveloppe de 20 milliards d’euros.

À première vue, ces déclarations peuvent sembler étonnantes venant d’un gouvernement qui a conduit un certain nombre de privatisations, dont celle de la SNCF, qui est une société anonyme depuis le 1er janvier. Assiste-t-on à un changement de cap ? En réalité il n’y a là rien de très nouveau, c’est une autre manière qu’a le gouvernement d’aider les capitalistes à engranger des profits.

Quand l’État rachète des entreprises au prix fort pour « rassurer les actionnaires »

Nationaliser en période de crise économique, c’est racheter des entreprises qui sont en train de perdre de la valeur pour éponger les pertes des actionnaires. Les nationalisations constituent un transfert d’argent frais des caisses de l’État, donc du contribuable, vers les grandes entreprises. Ainsi, Édouard Philippe s’est dit prêt à nationaliser Air France – KLM, dont l’action a plongé de 55,4 % en un mois.

Martial Bourquin, le vice-président socialiste de la commission des Affaires économiques du Sénat, explique : « Là, il s’agit plutôt de rassurer les actionnaires. En ce qui concerne Air France, ça pourrait être logique. L’Italie l’a fait avec Alitalia. Mais il faut que ces nationalisations soient faites à la demande des entreprises et que l’État s’engage à revendre sa participation, une fois la crise passée. »

Autre exemple, outre-Atlantique, au moment de la crise de 2008, le Trésor américain avait racheté plusieurs grandes entreprises, dont les deux géants du crédit hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, pour 200 milliards de dollars, et l’assureur AIG pour 85 milliards.

Investir dans la production… tout en licenciant massivement

L’État peut aussi nationaliser des entreprises pour réaliser des investissements coûteux que les capitalistes ne veulent pas prendre en charge. C’est ce qui s’est passé en 1982 avec la nationalisation de 5 grands groupes industriels, 39 banques et 2 compagnies financières. Faisant dire à un député au Figaro : « La France est entrée en socialisme. » Des capitaux publics ont alors été utilisés pour racheter des entreprises globalement déficitaires (neuf milliards de francs de pertes annuelles) afin de moderniser l’appareil productif. Le gouvernement socialiste de l’époque a investi 100 milliards de francs dans les sociétés sidérurgiques Usinor et Sacilor entre 1981 et 1989, tout en supprimant 75 000 emplois.

Plus récemment en 2009, le gouvernement Obama a mis 50 milliards de dollars sur la table pour nationaliser General Motors. Ce qui ne l’a pas empêché de licencier des milliers de personnes et de fermer un tiers des sites de production.

Des privatisations une fois la rentabilité restaurée

Après être intervenus pour augmenter la rentabilité des entreprises, les gouvernements n’hésitent pas à les revendre. Autrement dit socialiser les pertes, et privatiser les profits.

Usinor et Sacilor, une fois rentables, ont été privatisées en 1995 ; de même que General Motors en 2013. Entre-temps, l’opération a coûté dix milliards de dollars aux contribuables américains.

Les nationalisations d’entreprises ne sont pas une garantie pour ceux qui y travaillent

Ce n’est pas parce qu’une entreprise est nationalisée qu’elle va échapper à la logique de rentabilité et améliorer les conditions de travail. Dans les entreprises publiques comme dans les entreprises privées, les travailleurs doivent se battre contre les bas salaires, les emplois précaires et les cadences infernales.

Pour les travailleurs de Renault et d’Air France, deux entreprises nationalisées après la Deuxième Guerre mondiale, les privatisations de 1996 et 1999 n’ont pas constitué une rupture. Leurs patrons ont continué à chercher la rentabilité en renforçant l’exploitation. Et, à la SNCF, c’est l’État qui a fait en sorte de préparer l’ouverture à la concurrence en arrêtant d’employer les cheminots au statut et en fermant des guichets et des lignes.

La seule protection pour les travailleurs qui défendent leur emploi et leurs conditions de travail, c’est de se battre contre les licenciements et pour obtenir des conditions de travail dignes.

Zoe Liazo

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