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Transports publics

La vente par-dessus bord

12 octobre 2020 Article Entreprises

Les indicateurs de circulation du virus n’ont jamais été aussi élevés depuis la fin du confinement. Les transports jouent probablement un rôle dans ce regain de contamination, notamment dans les plus grandes agglomérations. Mais pour le gouvernement et le patronat du secteur, depuis l’obligation faite aux usagers de porter le masque, il n’y aurait plus l’ombre d’un problème !

De plus en plus de salariés sont contaminés, aux TCL (transports en commun lyonnais), à la RATP, dans l’interurbain. Certains ont été hospitalisés avec des formes graves de la maladie. Mais, comme dans l’éducation nationale où le protocole sanitaire vise surtout à maintenir ouverts à tout prix les écoles, collèges et lycées, le secteur du transport semble ne pas pouvoir s’arrêter, ni même ralentir, quoi qu’il en coûte à la santé des travailleurs. Pourtant, maintenir une vie sociale et les transports en commun qui la permettent serait possible : en augmentant la fréquence des transports pour respecter les distances de sécurité entre usagers, et en adaptant les horaires des entreprises sur demande des salariés concernés, en commençant par réduire massivement le temps de travail sans perte de salaire pour alléger les pointes… Complexe ? Pas tant ! Coûteux ? En huile de coude, oui ! Mais ne serait-ce pas justement la priorité de développer ce type d’emplois utiles face au chômage ? Pas celle du gouvernement en tout cas. Mais Macron est battu dans la mesquinerie par le patronat des transports qui pousse partout à… la reprise de la vente à bord !

Dans les bus, les procédés qui pouvaient ralentir la circulation du virus sont peu à peu abandonnés depuis le début du déconfinement – notons qu’ils avaient souvent été imposés par les salariés eux-mêmes. Reprise de la montée porte avant, abandon des sièges inoccupés… La reprise de la vente de titres de transport n’est que le clou du spectacle. Dans les entreprises où cette vente a repris, des procédures délirantes ont été imposées aux conducteurs. Sur un réseau interurbain autour de Lyon : le client doit mettre sa monnaie dans une coupelle, le conducteur doit ensuite verser la monnaie dans une caisse « sale » et rendre la monnaie depuis une autre caisse « propre ». Et c’est naturellement au conducteur de nettoyer au gel hydroalcoolique chacune des pièces pour leur faire rejoindre la caisse propre en fin de service. Devant la complexité et le temps perdu par ce manège, tous les conducteurs procèdent à des encaissements classiques, au détriment de leur santé.

Aux TCL, les chefs qui prétendent interdire les « checks » entre collègues, ou dégainent des sanctions pour un nez qui dépasse du masque, mettent la pression pour faire du chiffre de vente à bord !

À la RATP, sans doute un des derniers réseaux où la vente n’a pas repris, l’expérimentation prévue à partir du 5 octobre a été suspendue à la suite de la levée de boucliers de certains syndicats, qui ont obtenu la condamnation de la procédure prévue par une quinzaine de médecins du travail.

Les entreprises de transport ont réussi en quelques semaines à installer des parois pour séparer les conducteurs des passagers, réclamées dans le métier depuis des années pour réduire les agressions, dont l’immense majorité est liée à la présence d’argent liquide dans les caisses dont les conducteurs ne doivent jamais se séparer.

Une raison de plus, et plus ancienne, d’en finir avec la vente à bord.

Les possibilités techniques existent déjà : ticket SMS, installation de valideurs sans contact pour carte bancaire, abonnements d’un jour ou carte de plusieurs trajets pour limiter le nombre d’achats. Nombre d’entre elles ont été expérimentées dans l’urgence de la gestion de la pandémie. Dans les dépôts en tout cas, cette situation ubuesque aura permis des discussions jusque-là difficiles sur la nécessaire gratuité des transports en commun. Les coûts engloutis dans la gestion des titres de transport et de la fraude, les difficultés sociales des usagers, la part très modique du billet dans le coût de l’offre, le nécessaire développement des réseaux pour combattre le réchauffement climatique, toutes ces raisons poussent à revendiquer dès aujourd’hui non seulement l’abandon de la vente à bord, mais la gratuité totale des transports en commun.

Philippe Caveglia, Bertrand Karman

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