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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 86, mars-avril 2013

La grève de PSA-Aulnay… vue côté « pots de fleurs »

« Casseurs », « terroristes », « barbares », « délinquants », « racailles », la direction de PSA n’a pas lésiné sur les insultes contre les grévistes d’Aulnay, en interne comme en externe, parfois à grand renfort de presse et de télévision. Au point que certains lycéens d’Aulnay-sous-Bois, issus de la cité des 3 000, ont tenu à protester en classe : « Ma tante, elle est en grève à PSA, c’est une délinquante ma tante ? »

Avec la réouverture d’Aulnay, lundi 28 janvier, suite au lock-out déguisé en chômage technique, la direction a ressorti les bonnes vieilles méthodes PSA : 100 vigiles ex-militaires sortis tout droit d’un film de guerre, huissiers à l’affût, mobilisation de 200 cadres et chefs.

Les grévistes appellent ces cadres et responsables issus d’autres sites du groupe « les jaunes », « jaunes-fluo » (à cause de leur gilet de sécurité), ou « les pots de fleurs », venus principalement de Sochaux-Belchamp, Mulhouse et Poissy, payés double. La direction les envoie face à la prétendue « menace terroriste », pour « surveiller », « protéger » les salariés (de leur envie de faire grève ?) et surtout relancer la production (en vain !), en bref : pour briser la grève.

Combien de volontaires pour la croisade ?

À noter que la direction n’a pas beaucoup communiqué sur le nombre des « volontaires » par site. 24 seulement se seraient déclarés à PSA Sochaux (un site de production de près de 10 000 salariés, le plus gros de France) ; elle en déclare 5 (!) au centre technique de PSA-La Garenne (sur les presque 3 200 salariés, dont près de la moitié de cadres, qui travaillent sur le site) ; à Mulhouse, si on a bien vu des responsables d’unité disparaître par-ci par-là, elle n’a donné aucun chiffre ; à Poissy, mystère et boule de gomme.

Volontaires ou pas, ceux qui sont revenus de mission ne s’en sont vraiment pas vanté. C’est sûr, certains, notamment dans les centres techniques, sont partis la fleur au fusil, en croisade pour mater la « racaille délinquante » d’Aulnay-sous-Bois. Mais lesdits missionnaires reviennent d’Aulnay en regardant plutôt leurs pieds, voire parfois avec une colère non dissimulée… envers la direction de PSA. D’autant que sur les centres techniques, beaucoup de monde est un peu « cadre » (dont les ingénieurs qui en ont le statut), tout en n’encadrant le plus souvent rien du tout, et la plupart ne se sentent pas plus proches de la hiérarchie que des salariés en général.

« Moi en tout cas, je n’y retournerai pas ! »

C’est ce qu’affirme un « cadre » du centre technique PSA de Carrières-sous-Poissy (Yvelines). À la question : « Pourquoi as-tu accepté d’aller à Aulnay ? », il raconte : « Ils nous avaient dit qu’on irait là-bas pour faire de la “médiation”… arrivés sur place, il était clair que nous n’avions aucune formation pour ça. (…) Je suis arrivé dans un vestiaire, où des ouvriers voulaient aller travailler, des grévistes sont allés leur parler, que fallait-il faire ? S’interposer ? ». Reconnaissant qu’il n’a aucune sympathie pour la grève (mais pas d’antipathie particulière non plus), il dit mal saisir ce qu’on attendait d’eux contre « des ouvriers en colère », et ajoute avec humour : « surtout avec nos gueules de cadres ! Si l’un d’entre nous avait pu être blessé, vous auriez vu la direction brandir l’événement devant toutes les caméras le soir même ! ». Voilà pourquoi c’est à la direction qu’il en veut, plus qu’à la grève qu’il était parti combattre (ce qu’il reconnaît ne comprendre que maintenant), et dit avoir eu peur. Pris entre le marteau et l’enclume, quelques-uns ont sans doute considéré que je jeu n’en valait pas la chandelle. Toujours est-il que la direction a décidé les jours suivants (à partir du lundi 4 février), de ne pas faire monter la tension et les provocations à Aulnay.

Il faut dire que ce lundi 4 février justement, les syndicats CFDT et CGT de PSA La Garenne (Hauts-de-Seine) ont posé un droit d’alerte au CHSCT sur les risques à envoyer des salariés du site contre les grévistes de PSA-Aulnay. Certes, la formulation du droit d’alerte (car il fallait bien le justifier) redoute la mise en danger des cadres, mais la direction a dû provisoirement renoncer à envoyer des « renforts » contre les grévistes, du moins sur ce site.

Écraser la grève des uns pour mieux les écraser tous

Les salariés techniciens et cadres des centres techniques ne sont pas les derniers à subir les 11 200 suppressions de postes dans le groupe, et les responsables les plus va-t-en-guerre contre les grévistes d’Aulnay sont aussi les plus zélés à leur imposer les restructurations, suppressions de postes et surcharges de travail que la direction multiplie ces derniers temps. Ce même lundi 4 février, après les avoir harangués la semaine précédente, la hiérarchie faisait redescendre, via intranet (au centre technique de La Garenne par exemple), les consignes aux N+2 [1].

Il s’agissait que chacun désormais accepte de rogner sur ce que la direction appelle « des zones de confort ». Des chefs devront « rendre leur voiture de fonction », les collaborateurs accepter de « changer de métier à tout âge », ou d’être rétrogradés « à des postes inférieurs à leur compétences » ; des ouvriers seraient contraints de partir en bus pour la semaine, de Rennes à Poissy par exemple, « pour un salaire à peine supérieur à un chômage technique ». Bref, en pleine négociation sur les accords compétitivité dans le groupe PSA, la direction voulait les faire accepter avant l’heure aux techniciens et ingénieurs/cadres. Après avoir viré tous les prestataires de services sur tous les centres techniques, viré ou déplacé les embauchés, c’est désormais le tour des chefs d’équipe, devenus trop nombreux pour des équipes ainsi réduites, ceux-là même qu’on presse d’aller rétablir l’ordre à Citroën.

Les salariés de tous les sites, de PSA et d’ailleurs, auraient bien des raisons de rejoindre leurs camarades d’Aulnay. Les débrayages se sont d’ailleurs multipliés, notamment à Sochaux et à Poissy, à l’annonce d’une augmentation annuelle qui ne dépassera pas… 0 %.

Le 6 mars 2013, Léo BASERLI


[1Un N+2 : le chef d’un chef direct (le N+1).

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