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La fièvre du profit dans les usines PSA

20 mars 2020 Article Entreprises

Lundi 16 mars, PSA a annoncé les fermetures étalées de ses usines d’assemblage européennes dont en France : Mulhouse (16 mars), Poissy, Sochaux, Rennes (17 mars), Hordain-Sevelnord (18 mars). Pour les autres usines de pièces, de mécanique, de fonderie, PSA a souhaité les faire tourner plus longtemps car c’est plus facile notamment de faire du stock de pièces que de véhicules. Pour ces sites, elle est en train d’ajuster leurs modes de fonctionnement ou de fermeture : Caen, Sept-Fons, Tremery, Metz, Charleville-Mézières, Vesoul (avec trois cas de coronavirus sur ce dernier site selon la presse du 17 mars !)…

Malgré le confinement, à PSA Saint-Ouen, la direction a continué à faire venir les salariés jusqu’au mercredi 18 mars compris, pour l’équipe du matin, alors que l’usine doit être démantelée prochainement et que pratiquement plus aucune production ne sort. À PSA Caen, la direction a même expliqué aux salariés qu’elle fermerait en partie en fin de cette semaine mais cherchait activement des volontaires pour produire dès le 23 mars les pièces de juin prochain !

Pendant que les ouvriers continuent ou ont continué à prendre de gros risques en travaillant, cadres et dirigeants des entreprises font du télétravail en sécurité chez eux et donnent des ordres à ceux restés sur le terrain. Dans cette période de crise sanitaire mondiale, la direction a un objectif clair : le maintien des profits, en faisant tourner au mieux les usines et en faisant les poches de l’État en obtenant des aides publiques.

Trois jours après l’instauration de neuf zones de confinement dans l’Oise par le gouvernement, le 3 mars dernier, Carlos Tavares annonçait déjà la couleur dans la presse : « PSA maîtrise les conséquences du coronavirus. […] Les carnets de commandes sont très bons, voire excellents […]. Cela ne fait que renforcer la pression dans nos usines. » On aura compris : la « pression » des actionnaires et de leurs exigences de profit.

En Chine même, PSA a largement fait part publiquement de son intention de redémarrer le 11 mars ses usines de la région de Wuhan (épicentre du coronavirus), notamment avec des volontaires venus d’Europe.

Chronique d’une irresponsabilité annoncée

La direction de PSA manque totalement de transparence et fait le choix cynique de privilégier coûte que coûte la production, qu’importent les dangers.

À PSA Poissy, le 3 mars, il a fallu attendre neuf jours pour qu’elle explique que l’une des deux médecins de l’usine revenant d’Italie avait été mise en confinement chez elle par précaution à partir du 24 février. Alors que le gouvernement avait défini neuf communes de l’Oise comme zone à risques dès le 29 février, elle a laissé travailler à l’usine des salariés de ces villes jusqu’aux 3 et 4 mars.

Lundi 9, la direction centrale a avoué un premier cas de coronavirus à l’usine de moteur de PSA Tremery près de Metz (1 500 salariés) : un cariste. Seul deux salariés ont été renvoyés chez eux par précaution alors que beaucoup plus de personnes ont été en contact avec lui.

Mardi 10 mars, la direction a dévoilé qu’un deuxième salarié de PSA était contaminé, travaillant à l’usine de PSA Mulhouse. Depuis huit jours il était en arrêt, il se trouvait encore en réanimation à l’hôpital, sous assistance respiratoire dans un état préoccupant. Dans le Haut-Rhin, l’un des plus importants foyers de contamination, en stade 2 renforcé à ce moment, où les rassemblements de plus de 50 personnes étaient déjà interdits, l’usine de PSA Mulhouse (6 000 salariés) continuait de tourner quasiment comme si de rien n’était, avec des ouvriers les uns à côté des autres sur les chaînes de production… Le coronavirus s’arrêterait-il aux tourniquets de l’usine ? Et les salariés de chaîne, à moins d’un mètre les uns des autres toute la journée, seraient-ils naturellement immunisés parce qu’ils sont tout simplement à PSA ?

Que ce soit à Tremery ou Mulhouse, la direction n’a pas fait pas grand-chose : elle fermait les selfs, demandait aux ouvriers de venir en bleu de travail directement sans passer par les vestiaires, et leur demandait de prendre leur température tout seuls avant d’arriver à l’usine, elle multipliait les annonces pour expliquer comment éternuer et se dire bonjour sans contact… Elle augmentait à peine les nettoyages des sanitaires, ne distribuait quasiment pas de gel hydro-alcoolique… des mesures largement insuffisantes (et surtout qui ne coûtent rien !)

À PSA Mulhouse, mercredi 11 mars, une quinzaine de salariés de la Logistique Montage ont exercé leur droit de retrait car un de leurs collègues présentant des symptômes inquiétants avait été renvoyé chez lui le matin, ils ont réclamé de meilleures protections. À ce moment-là, près d’une cinquantaine de salariés étaient confinés chez eux, la direction avait fait venir des intérimaires pour remplacer les salariés absents pour confinement ou pour garde d’enfant. Il s’agissait de produire avant tout !

Jeudi 12 mars, toujours à PSA Mulhouse, c’était au tour de dix ouvriers de la ligne de planche de bord au Montage d’exercer leur droit de retrait. Et pour cause : pour se protéger il est clair qu’il ne faudra pas compter sur la direction mais sur nos propres réactions collectives.

Lundi 16 mars, la direction confirmait un troisième cas de coronavirus à PSA Tremery. Avec plusieurs jours de décalages par rapport à Ferrari, Fiat en Italie et SEAT en Espagne, la direction annonçait enfin les fermetures de ses sites d’assemblage (voir plus haut), mais pas de toutes les usines. PSA réduit ses activités, car les flux d’approvisionnement sont troublés, les raisons sanitaires sont loin de ses préoccupations.

La « sécurité sanitaire » c’est bien, la « sécurité économique » c’est mieux

Pour la direction de PSA, la mascarade sanitaire a assez duré, elle se prépare déjà à la possibilité de redémarrer les usines d’assemblage de Poissy et de Mulhouse le 27 mars ou le lundi 30 mars. Elle envoie des SMS pour rechercher des retoucheurs ou des maintenanciers avant ces dates. Pour se couvrir (et faire du cinéma surtout), elle demandera aux salariés de venir avec un feuille de relevé quotidien de leur température depuis plusieurs jours.

Dans un communiqué du 18 mars, la CGT PSA faisait le point :

« Pour les sites tertiaires, tous les salariés qui ne peuvent télétravailler sont obligés de venir travailler. La direction expliquant qu’ils ne sont pas “soumis aux contraintes des sous-traitants”.

L’usine de Caen qui fabrique les trains avant tourne jusqu’à dimanche 22 mars, car il faut fournir l’usine espagnole de Vigo que la direction a réussi à faire produire plus longtemps.

Le site de Vesoul, énorme dépôt de pièces détachées (3 000 salariés) maintient 20 % de son activité, car il faut livrer les garages qui sont restés ouverts. Cela concerne normalement près de 800 salariés. Près de 40 ouvriers s’étaient mis en droit de retrait. Ils ont été menacés de licenciement et ont repris le travail. Mais devant le danger de venir travailler les uns sur les autres, la moitié s’est mise en arrêt maladie. La direction a fourni aux salariés présents des masques anti-poussière complètement inefficace. » 

Mais l’État vole déjà au secours de PSA

Dans ce contexte, la direction a organisé des CSE mercredi 18 mars pour expliquer qu’elle souhaitait redémarrer la production avec l’autorisation du gouvernement autour du 30 mars [1]. Elle veut récupérer les jours perdus de production avec des heures supplémentaires. Elle prévoit de faire payer les salariés par l’État à 84 % du net. Les salariés seraient doublement perdants avec -16 % sur leurs fiches de paie et l’utilisation de fonds publics (nos impôts) comme allocation chômage, PSA ne débourserait… rien.

Il est hors de question d’accepter cela, exigeons le maintien à 100 % des salaires pour tous : CDI, salariés sous-traitants et intérimaires, et le maintien des contrats précaires ! Avec 3,5 milliards de profits pour l’année 2019, une trésorerie de 15 milliards (récemment augmentée) et les aides publiques massives, la direction PSA en a largement les moyens.

Hersh Ray, 19 mars 2020 (14h)


Les équipementiers à l’offensive

Du côté des équipementiers, puisqu’ils approvisionnent un marché mondial (et non continental comme pour PSA et Renault) avec donc des pays encore peu touchés, il y a une volonté encore plus forte de produire absolument.

Lundi 16 mars, Michelin a annoncé la fermeture de la plupart de ses sites en France et Espagne après ceux de l’Italie : environ 10 500 salariés en France pour 15 sites, 7 000 en Espagne pour 4 sites et 3 500 en Italie pour 3 sites. Cependant des centaines de salariés réquisitionnés ont continué de produire sur certains sites des pneus pour l’armée française et ont travaillé pour la logistique. Et Michelin est aussi sur les starting-blocks pour reprendre ses activités au plus vite d’ici une semaine.

Bosch, Continental et d’autres essaient de faire le forcing pour ne pas réduire leurs activités. Le fabricant de transmissions ZF a déclaré : « Notre objectif est de fournir à nos clients aussi longtemps que possible et selon les besoins. » Et les salariés dans tout cela ?

À Valeo France, les contaminations augmentent : huit cas positifs sur le site d’Amiens (950 salariés), deux sur un site de Haute-Loire par exemple. À Amiens, la direction a affirmé vouloir assurer « la continuité opérationnelle » et veut faire travailler avec des masques (alors qu’il en manque cruellement dans les hôpitaux !), le 17 mars, les salariés ont voté un droit de retrait et se sont rassemblés à plusieurs dizaines. En Haute-Loire, le 18 mars, 150 ouvriers ont débrayé pour exiger la fermeture du site. Beaucoup se demandent pourquoi prendre des risques pour produire des pièces pour des véhicules : où sont l’urgence et l’utilité ?

Pour les salariés, il est important de se dire qu’effectivement la guerre est déclarée contre le coronavirus, mais aussi contre les décisions irresponsables du patronat et du gouvernement complice qui lui laisse les mains libres.


Dans toutes les « guerres », il y a des profiteurs !

Certains constructeurs automobiles, non contents de maintenir au travail leurs salariés exposés à toutes les contaminations, n’hésitent pas à sauter sur l’aubaine de nouveaux marchés occasionnés par la pandémie. Au Royaume-Uni, selon le journal Automotive News, des constructeurs comme Ford, Jaguar, Honda ou Vauxhall (désormais du groupe PSA) sont déjà sur le coup pour soutenir la production de ventilateurs destinés aux équipements médicaux, là encore sur les fonds publics. Les mastodontes de l’industrie automobile européenne hurlent à la catastrophe mais ne perdent pas une occasion de faire des profits aux frais de l’État.


[1Il n’y a pas qu’à PSA : chez Renault-Sovab à Batilly près de Metz, c’est dès le 23 mars que la direction voudrait faire redémarrer le site, prétexte (cité par Le Républicain Lorrain) : « l’État n’a jamais interdit l’activité industrielle. Sovab n’est pas hors la loi, et nous sommes en lien avec la préfecture. ».

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