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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 87, mai 2013 > DOSSIER : Le symptôme Cahuzac

Ils iront tous au paradis

« Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille que pour un riche d’entrer au royaume des cieux. » Peut-être. Mais pour les plus fortunés, le paradis fiscal est bel et bien terrestre. Et loin d’être limité à quelques confettis de terre biens connus.

La grande évasion

Dans le sillage de l’affaire Cahuzac, c’est l’éternel scandale de l’évasion fiscale qui refait surface : entre 40 et 60 milliards échapperaient chaque année illégalement à l’impôt. Les Depardieu, Yannick Noah et autre Michel Sardou ne sont que la partie bling-bling et émergée de l’iceberg. Les deux plus grandes fortunes françaises, Mulliez et Arnault [1], et des milliers d’autres dans leur sillage, planquent une partie de leur magot sous des cieux plus hospitaliers.

Un problème vieux comme l’impôt sur le revenu lui-même et auquel aucun gouvernement n’a trouvé – ni vraiment cherché – de solution en bientôt un siècle.

C’est d’abord un choix politique. Qui engendre immanquablement un manque de zèle de l’administration fiscale envers la délinquance en col blanc. Quand un fraudeur est pris la main dans le sac, il est convié à une simple « conciliation ». On est loin de la « tolérance zéro » ! Le richissime marchand d’art Guy Wildenstein avait transféré il y a quelques années sa fortune à l’étranger sans rien déclarer. Ce dont ne s’est pas offusquée la cour d’appel de Paris qui a jugé « l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts conforme à la tradition familiale de transmission des biens à des héritiers directs ». Quant à Bernard Arnault, il a réussi le tour de force de léguer tout à fait légalement son patrimoine en étant taxé à 6,5 % au lieu des 45 % habituels, simplement en menaçant Bercy d’effectuer la transaction en Belgique [2].

Une semaine avant le déclenchement de l’affaire Cahuzac, des députés UMP déposaient une proposition de loi visant à « amnistier les exilés fiscaux ». Mauvais timing pour une mesure tout à fait inutile puisqu’elle était déjà appliquée !

Si certaines fortunes nationales ont choisi de trouver refuge loin des yeux des travailleurs qu’elles exploitent, cela n’empêche pas la France d’être un paradis fiscal pour de riches exilés étrangers. Les capitalistes qataris y sont quasiment exonérés de tout impôt et Google, dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros, s’acquitte de la modique somme de cinq millions.

Loin des yeux, loin du cœur

Au-delà de la démagogie permanente des gouvernements sur « l’évasion fiscale », c’est tout le système d’imposition qui se veut dégressif, à l’avantage des riches. N’importe quel patron de PME pratique « l’optimisation fiscale » et peut ouvrir légalement un compte offshore en trois clics sur internet. Même les grandes entreprises publiques, comme EDF ! Et on voudrait nous faire croire que l’État n’encourage pas ces pratiques ? Au contraire, la combine est internationale : le patron de Novartis a récemment quitté la Suisse avec fracas au prétexte de la « pression fiscale ».

On est toujours le paradis fiscal de quelqu’un. L’exil fiscal croisé est une des stratégies qui permettent aux plus riches de payer moins d’impôts, voire pas du tout. De petits services rendus entre bourgeoisies nationales, qui ont fait du monde entier le terrain de jeu de leurs capitaux qui, en se diversifiant ainsi, échappent aux aléas politiques de leur pays d’origine. Un système qui appelle parfois quelques ajustements, soit par démagogie, soit pour adapter la légalité aux nouvelles pratiques des grandes fortunes [3].

Choquant, que le contrôleur en chef des impôts ait pratiqué la fraude fiscale ? Mais c’est très exactement son métier ! Alors qui remplit les caisses de l’État ? Les salariés, les chômeurs et les retraités, notamment grâce à la TVA. Pour reprendre le vieil hymne du mouvement ouvrier : « l’État opprime et la loi triche, l’impôt saigne le malheureux [4] ».

R.P.


[1Respectivement propriétaires d’Auchan et d’un empire du luxe autour de LVMH

[2Dossiers hors série du Canard enchaîné n° 127 : Exil Fiscal, les clés du paradis, avril 2013.

[3C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le prétendu bras de fer entre Obama et la Suisse à propos du secret bancaire.

[4Paroles de L’Internationale.

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