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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 93, avril-mai 2014

Grève à La Poste dans les Hauts-de-Seine : un bras de fer qui dure

La Poste, société anonyme sous tutelle de l’État et du sieur Montebourg, illustre à sa façon comment le patronat conçoit le « pacte de responsabilité » et les 30 milliards d’euros de cadeaux du gouvernement. Après avoir reçu 297 millions d’euros en 2013 au titre du « Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », La Poste continue à supprimer des milliers d’emplois tous les ans et résume la philosophie du projet : prends l’oseille et barre-toi.

Dans les Hauts-de-Seine, en plus de toucher ces subventions, la direction a décidé de ne plus embaucher que par le biais des « formations qualifiantes » ou de « l’insertion ». Elle a ainsi utilisé 300 jeunes et moins jeunes pour pallier les effectifs défaillants, et n’en a embauché que 140. Le gros avantage pour elle est que ces emplois ne sont pas assujettis aux cotisations sociales et que le salaire net est en partie (entre 45 % et 80 % pour l’insertion) directement payé par l’État. Évidemment, La Poste ne rend de comptes à personne sur le bilan des mannes qui lui sont versées, elle continue à restructurer (traduire réduire les effectifs) et trouve par cette méthode une main-d’œuvre flexible et disponible.

Tout semblait donc aller comme sur des roulettes, sauf que…

Rueil : des facteurs solidaires

Le bureau des facteurs de Rueil est un des rares (le seul si on excepte les Caraïbes) à ne pas être passé aux nouvelles organisations du travail, dites « facteur d’avenir », et à ne pas avoir subi de réorganisation depuis 1999. Des mois de lutte en quelques années ont créé une ambiance un peu particulière sur ce bureau et des liens de solidarité entre travailleurs.

Le 5 janvier, après l’éviction d’une collègue qui terminait sa troisième année de CDD, une délégation de masse contraignait la direction à promettre qu’une collègue en contrat d’insertion verrait son contrat pérennisé le 28 janvier, date de la fin de sa « mission ». Le 28, elle se retrouvait au chômage malgré les promesses du début du mois. Une grève illimitée (suivie à 87 %) s’engageait le 29 janvier pour exiger son embauche. Rapidement, trois autres camarades en contrats précaires rejoignaient la grève et se battaient avec les titulaires.

À partir de là, les grévistes allèrent de surprise en surprise…

Les voleurs de petit chemin

Le contexte du mouvement favorisant les discussions, on découvrait qu’un jeune qui était passé par les cases « insertion/CCD/contrat Pro » avant d’aller pointer au chômage ne connaissait pas sa tutrice, celle qui était censée l’avoir formé pendant 6 mois. Celle-ci, gréviste, se rendait compte qu’elle était tutrice et, au comble de l’étonnement, qu’elle avait signé (sans le savoir) les évaluations du jeune. Précisons un détail : La Poste touche entre 230 et 320 euros par mois si un jeune est suivi par un tuteur.

C’est donc un peu agacés que les grévistes s’adressèrent à la hiérarchie de Rueil et c’est un chef d’équipe qui en vint à avouer benoîtement avoir imité une signature… Pour la direction départementale, c’était une « maladresse ». Pour les grévistes, c’était une raison de plus d’être en colère.

Une semaine plus tard, toujours sans réponse de la direction – mise à part un « Ce ne sont pas les grévistes qui embauchent » –, les facteurs de Rueil s’adressaient aux autres bureaux de facteurs, d’abord pour expliquer leur grève et ensuite pour tenter d’agréger les forces.

Une extension, de nouvelles revendications

Les bureaux du 92 sont généralement de petites structures, de moins de 100 postiers, et chaque grève locale, même majoritaire, souffre de faiblesse numérique et d’isolement. D’où la quasi-tradition sur le département de s’adresser aux autres bureaux : ce qu’ont fait les facteurs de Rueil avec un certains succès puisqu’ils ont été rejoints le 5 février par ceux de La Garenne-Colombes/Bois-Colombes, Courbevoie et Gennevilliers. Ces bureaux, en butte à des restructurations et suppressions d’emplois, sont entrés à leur tour en mouvement. Et c’est à près de 90 grévistes que le mouvement est entré dans sa troisième semaine.

La direction reste sourde

Malgré de nombreux soutiens chez les collègues, des débrayages majoritaires de plusieurs jours sur plusieurs centres postaux du département, une grève majoritaire sur la plate-forme colis de Gennevilliers, une jonction de neuf jours avec les collègues de Sartrouville, malgré tout ça donc, aucun signe de la direction de la Poste. Pour autant la grève ne faiblissait pas : assemblées générales quotidiennes de grévistes, visites aux divers sièges du groupe. Les postiers en lutte « attrapèrent » même Montebourg au Salon de l’agriculture. Le 18 mars, journée d’action nationale, ils étaient 145 en AG. À la fin mars, le comité de grève élu depuis peu décidait de multiplier les interventions en direction des facteurs parisiens. Les prises de parole dans de nombreux bureaux de Paris (5e, 6e, 7e, 11e, 14e, 15e, 17e et 20e arrondissements) furent à chaque fois l’occasion de rencontrer des collègues connaissant les mêmes problèmes et de faire appel à leur solidarité. Toujours au rendez-vous ! C’est dans ces moments que les grévistes ont constaté que trottait dans les têtes l’idée d’un « tous ensemble » dont nous en aurions tant besoin.

La direction sortait alors de son mutisme, ouvrait des négociations mais… pour ajouter un motif de colère !

Négociations : la carotte et le bâton

En même temps que la direction ouvrait des négociations, au 65e jour de grève, elle mettait en route sept procédures disciplinaires (entretiens préalables au licenciement) contre des grévistes et des représentants syndicaux de SUD Poste 92. Ce qui renforça le mouvement : certains bureaux débrayèrent majoritairement. Ce à quoi, de la part de la direction, se sont ajoutées les calomnies, entre autres les traditionnelles accusations de violences ou de dégradations.

Les perspectives d’une grève qui dure

À l’heure où ces lignes sont écrites, le mouvement dépasse les 74 jours et les grévistes ne sont pas près de l’arrêter sans avoir arraché un protocole acceptable. Pas question d’en rester là, mais plutôt de maintenir la grève et de poursuive les initiatives. Le 12 avril, après s’être adressés à des secteurs en lutte pour défendre la nécessaire convergence des réactions aux attaques, les postiers grévistes du 92 ont manifesté en bonne position dans le cortège, aux côtés d’autres travailleurs en lutte, intermittents du spectacle, travailleurs de Sanofi, enseignants. Par ailleurs, ils tentent d’aller vers une assemblée générale des postiers de l’Île-de-France et une riposte qui déborde les cadres locaux.

13 avril 2014, Erwan PIAM

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