Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 29, septembre-octobre 2003

Grande-Bretagne : Blair fait aussi la guerre aux refugiés

26 septembre 2003 Convergences Monde

Depuis des mois, le premier ministre travailliste anglais, Tony Blair, et son gouvernement mènent une campagne démagogique et anti-immigrés, bien relayée par les médias. Les réfugiés seraient responsables d’un trou dans les comptes publics et causeraient de troubles croissants dans le pays. Ainsi, par exemple, The Telegraph du 1er mars 2003 affirmait : « Un tiers des demandeurs d’asile entrant dans l’Union Européenne est venu l’année dernière en Grande Bretagne et il a coûté au contribuable anglais presque deux milliards, chiffres officiels présentés par le gouvernement hier. (..) Le nombre d’entrées a chuté dans l’Union européenne mais s’est élevé de 20% en Grande Bretagne (..) Les demandeurs d’asile dépassent le nombre de militaires. Le total a presque doublé en cinq ans et est en pleine montée. »

Les mensonges du gouvernement

En réalité, le nombre de demandes d’asile en Grande Bretagne a diminué : 10585 entre avril et juin 2003 contre 20090 pour la même période 2002. Soit une baisse de 47%. Le nombre de réfugiés irakiens, la nationalité la plus représentée, a chuté de 70% dans l’intervalle (chiffres cités par l’AFP en août 2003).

Les chiffres des dépenses pour les réfugiés sont tout aussi trafiqués. Le secrétaire d’Etat, David Blunkett, prétendait que 3,5 milliards de livres anglaises avaient été dépensées pour les deux dernières années afin de soutenir financièrement les réfugiés. Il était finalement amené à reconnaître que seul un tiers de cette somme concernait l’aide, le reste étant les dépenses des services d’Etat pour l’immigration, par exemple pour la police des frontières ! Et même cette somme de un milliard de livres est très loin de parvenir pour une part notable aux réfugiés et engraisse avant tout de hauts fonctionnaires des services administratifs pour les réfugiés, comme le Home Office - Immigration and Nationality directorate (services du ministère de l’intérieur pour l’immigration), le NASS (Service national d’aide aux réfugiés) et le Refugee Council (Conseil pour les réfugiés).

Le gouvernement de Grande-Bretagne essaie de remettre en question les droits des réfugiés, estimés beaucoup plus favorables que dans le reste de l’Europe (ce qui, même si c’est vrai, devrait amener à condamner le reste de l’Europe, pas les droits en question !). La loi prévoit que l’Etat se doit d’éviter que le réfugié soit sans domicile, sans ressource et sans moyens de satisfaire à ses besoins de santé, particulièrement dans le cas des femmes ayant des enfants en bas âge. Du coup, le NASS fournissait des bons de nourriture et de vêtements et un logement provisoire en foyer.

C’est à ces petits avantages que Blair est en train de s’attaquer. Il a commencé par imposer aux réfugiés un éloignement de Londres et des grands centres, où certains ont pourtant de la famille, vers de lointaines provinces. Puis des contrôles renforcés ont visé à supprimer le logement à des familles réfugiées. Enfin ceux aux frontières se sont multipliés pour combattre l’immigration clandestine. Du coup, un très grand nombre de réfugiés peuplent les prisons.

Au mépris de toute justice

Le 8 janvier 2003, le gouvernement a fait passer au parlement une loi intitulée « section 55 » qui modifie la loi sur l’immigration de 2002 et stipule notamment que seront retirés aux demandeurs d’asile toute aide financière, en nourriture et en logement sn’ont pas fait leur demande « dans des délais raisonnables et réalistes ». Le 18 mars 2003, la cour d’appel de Londres a estimé que la section 55 « refusait la nourriture et l’abri à 700 réfugiés chaque semaine » et donc était en infraction avec le devoir de l’Etat de secourir les indigents quelle que soit leur origine.

Malgré cette opposition déclarée de certains juges, le gouvernement a décidé de passer outre et la section 55 est entrée en vigueur le 31 juillet dernier. Le 7 août, d’un seul coup, des centaines de réfugiés jusque là hébergés et nourris dans des foyers des services de l’immigration se sont retrouvés jetés à la rue avec femmes et enfants. Le prétexte (une demande d’asile posée hors délais) était tout à fait fallacieux puisque plusieurs d’entre eux ont fait leur demande un ou deux jours après leur arrivée. Ils se sont retrouvés dehors, sans couvertures, sans moyen de se laver et sans nourriture. Dans un premier temps, le Refugee Council a même refusé de leur donner de l’eau ou de secourir les femmes malades ou ayant des enfants en bas âge.

Début août, 25 d’entre eux ont entamé huit jours d’occupation jour et nuit devant l’entrée du Refugee Council qui leur avait annoncé leur expulsion des foyers. Six d’entre eux ont dû être hospitalisés. Par la suite des églises et mosquées ainsi que des associations ont offert des solutions de fortune et des abris précaires. Les familles des réfugiés qui le pouvaient les ont également secourus. Cependant, le problème s’aggrave sans cesse et les réfugiés ont décidé de s’organiser pour protester. Ils ont constitué un comité de défense, organisé des réunions, alerté les associations et la presse, lancé une pétition et manifesté dans la rue le 27 août, jour où la justice examinait à nouveau l’appel contre la loi « section 55 ». Les juges ont dénoncé la nouvelle loi l’accusant d’être « une violation des droits de l’individu pratiqués de longue date en Angleterre, de la convention européenne des droits de l’homme et de la simple humanité civilisée ». La décision a été mise en délibéré. La mobilisation continue.

Mais l’offensive du gouvernement aussi, qui a d’autres mesures en préparation. Il a déjà fait passer une décision retirant l’aide juridique gratuite aux réfugiés. Et Blair a annoncé qu’il entendait retirer aux juges le droit de décider de ce qui est en contradiction avec la législation eu ropéenne. Il veut également faire en sorte que les entrées des réfugiés soient examinées « en mer », c’est-à-dire hors du sol britannique, ou, au cas où le réfugié aurait tout de même atteint ce sol, qu’il soit mis en prison en attendant de statuer sur son sort.

Le gouvernement travailliste vise évidemment par ces mesures anti-immigrés à dresser les plus pauvres contre les étrangers et détourner ainsi la colère des milieux populaires d’une politique qui s’attaque aux droits sociaux de tous les travailleurs, anglais comme étrangers.

C’est dire que la lutte des réfugiés et de tous ceux qui doivent les soutenir ne fait que commencer.

Le 18 septembre 2003

Robert PARIS

Mots-clés : |

Imprimer Imprimer cet article