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Accueil > Éditos de bulletins > 2008 > novembre > 17

Congo : ceux à qui profite la sale guerre du Kivu

Des cohortes de femmes et d’enfants trimballant le peu qu’il leur reste sur la tête en pleine forêt équatoriale, une population prise sous les feux croisés de l’armée gouvernementale dépenaillée et des rebelles du CNDP de Laurent Nkunda, voilà les images qui ont fait irruption sur les écrans télé depuis une quinzaine de jours.

Dans ce pays grand comme l’Europe occidentale, dont la population est l’une des plus pauvres du monde, les combats se font à l’arme lourde, avec hélicoptères, et durent depuis plus de dix ans. Cette région, livrée à la misère mais dont le sous-sol regorge de minerais précieux (or, diamant, étain, coltan, etc.), est le théâtre d’une guerre qui aurait fait huit millions de morts sur une population de 66 millions d’habitants depuis le milieu des années 1990. A l’époque, les troupes génocidaires hutus du Rwanda chassées par les troupes de Kagamé, actuel président rwandais, avaient trouvé refuge au Congo, sous la protection de l’armée française. C’est l’une des raisons qu’avancent les forces rebelles du CNDP pour justifier ses attaques : protéger les Congolais tutsis des anciens génocidaires.

Les dirigeants actuels du Rwanda (le petit pays frontalier du nord Kivu), fréquemment montrés du doigt pour leur implication dans cette guerre, sont loin d’être les seuls. Si les émissaires occidentaux se sont succédé avant de laisser la place à l’émissaire de l’Onu chargé d’obtenir un cessez-le-feu ce week-end, c’est qu’il s’agit avant tout de relayer les intérêts de leurs pays respectifs dans cette région dont le sous-sol est particulièrement riche. Les pays voisins ne sont pas en reste : un rapport de l’Onu estime que l’Ouganda importe dix fois plus d’or du Congo que celui-ci n’en exporte officiellement.

Les bandes armées qui sillonnent le Kivu participent en fait au pillage des ressources du sous-sol par le truchement de sociétés minières locales qui sont bien souvent les cache-sexe de compagnies occidentales bien plus puissantes. Parmi les entreprises qui exploitent les ressources du nord-Kivu on retrouve des sociétés mixtes belgo-congolaises comme la SOMIGL, allemandes comme Masingiro, américaines comme Cabot et Kemet entre autres, ainsi qu’une demi-douzaine de filiales du groupe français Bolloré qui se chargent d’acheminer tout le produit de ce pillage, en concurrence avec Sabena, la compagnie aérienne belge.

Le coltan est l’un des minerais phare extraits par ces compagnies. L’Afrique possèderait 80% des ressources mondiales et le Congo 80% des réserves africaines de coltan, dont le prix a augmenté de 2000 % en 50 ans. Ce minerai, très bon conducteur, est présent dans un grand nombre de téléphones portables et de matériels électroniques.

Autant dire que toutes les richesses du Congo sont pillées impunément depuis des décennies par les grandes puissances occidentales, richesses dont les bandes armées locales se disputent aujourd’hui quelques miettes, au prix de ce qui ressemble bien à un génocide.

Et qui sont les pourvoyeurs de ces groupes armés ? Un rapport de l’Onu datant de 2003 désigne différentes entreprises participant au commerce des minerais du Kivu. Quant à l’extrême misère qui alimente cette guerre, elle serait pourtant facile à éradiquer. Selon l’Onu, il suffirait de débloquer 82 milliards de dollars annuels sur cinq ans pour éradiquer la faim dans le monde, l’extrême pauvreté et réduire la mortalité infantile. A comparer avec les 1700 milliards débloqués en quelques heures par l’Union Européenne pour favoriser le crédit interbancaire et renflouer les banques.

Mais dans un monde régi par la loi du profit, que pèsent les vies de millions de va-nu-pieds face aux intérêts des actionnaires des grandes compagnies ? Au Congo, cela fait plus d’une décennie que s’est mise en place une véritable « économie de guerre » dévastatrice, reliée par milles liens au fonctionnement mondial du système capitaliste. A quand l’union de tous les opprimés et exploités de la planète pour en finir avec ce système criminel ?

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