5G : des profits à très haut débit ?
Comptes et mécomptes d’une nouvelle technologie

Le gouvernement s’apprête à ouvrir les enchères pour les nouvelles fréquences dédiées à la 5G. Celle-ci serait mise en place dans les prochaines années. La Chine et les États-Unis ont déjà une longueur d’avance, et les capitalistes français ont bien l’intention de ne pas se laisser distancer dans la course aux profits. Cela sans jamais poser la question ni des besoins collectifs et de l’intérêt pour la société, ni de l’impact environnemental de ce nouveau réseau et des objets connectés qui iront avec.
Qu’est-ce que la 5G ?
La 5G – pour 5e génération – regroupe à la fois un ensemble d’améliorations techniques apportées à la 4G, qui permettent un meilleur débit et des économies d’énergie avec les mêmes infrastructures, et des innovations qui nécessitent d’étendre et de densifier le réseau d’antennes dédié à la téléphonie et à l’Internet mobile. L’objectif est d’offrir un très haut débit, qui permettrait un usage plus intensif de l’Internet mobile, notamment pour la vidéo. Ses défenseurs évoquent aussi d’autres usages comme l’Internet des objets, les villes intelligentes ou la voiture autonome, mais passent sous silence les difficultés techniques liées à ces projets. Par exemple, l’usage de la 5G pour les voitures autonomes suppose un réseau Internet dense partout, or il n’est pas rentable d’équiper les zones rurales en 5G, car il y a peu de monde et beaucoup d’espace à couvrir. Faudrait-il alors ne circuler qu’en ville ? Plus généralement, le très haut débit ne sera une réalité que pour les zones bien couvertes, qui seront peu nombreuses car cela nécessite un réseau extrêmement dense d’antennes, et donc des investissements lourds, qui ne seront effectués que s’ils sont rentables. Dans le même temps, il existe encore des zones blanches, c’est-à-dire non couvertes par le réseau, faute d’investissements : l’objectif n’est comme toujours pas de répondre à des besoins sociaux, mais à une demande solvable.
Des économies d’énergie… sur le papier
Se pose en outre la question de l’impact écologique de ce déploiement. Tout d’abord, et comme dans toute l’histoire du capitalisme et du machinisme, l’objectif d’une nouvelle technique ou technologie n’est pas d’économiser du travail humain pour répondre aux mêmes besoins, mais de dégager des capitaux disponibles pour de nouveaux marchés, quitte à induire pour cela de nouveaux besoins. La 5G n’échappe pas à la règle : elle ne sera rentable que si le trafic Internet mobile augmente considérablement, à tel point que cela compenserait largement les économies d’énergie générées par les innovations techniques. Les capitalistes des télécommunications annoncent d’ailleurs la couleur, puisque, d’après 94 % d’entre eux, leur facture énergétique va augmenter avec le déploiement de la 5G [1], alors que cette technologie est moins énergivore à débit constant. C’est ce que les écologistes appellent l’effet rebond, même s’ils l’imputent à tort à la technologie elle-même alors que c’est une conséquence du fonctionnement de l’économie capitaliste.
À cela s’ajoute le coût de production des nouvelles infrastructures, point aveugle de toutes les évaluations des impacts environnementaux [2] ; à la fois en termes d’énergie et de matériaux : comme les technologies sont plus complexes, il faut plus de métaux, et notamment de métaux rares, qui sont difficiles à recycler et pourraient venir à manquer, sans même parler des catastrophes écologiques, sanitaires et humaines que leur extraction peut engendrer.
Un pari économique risqué
Enfin, le pari du passage à la 5G est très risqué, car les perspectives de rentabilité sont incertaines : cela suppose d’augmenter le prix des forfaits, dans un contexte où le niveau de vie stagne ou diminue. Déjà, en Chine, les villes souhaitant s’équiper attirent les investisseurs en subventionnant lourdement l’électricité pour rendre rentable des investissements qui ne le sont pas. Une socialisation des pertes donc ; gageons qu’il n’en ira pas de même pour les profits à venir.
La 5G regroupe un ensemble de technologies, qui ne sont pas nécessairement à rejeter en bloc. Pour autant, on peut se demander quelle est l’urgence à déployer une technologie pas encore mature, dont les effets sur l’environnement sont inconnus et potentiellement néfastes, et qui pourrait se révéler un gouffre financier dont le gouvernement s’empressera d’éponger la facture. D’ici-là, il arrose déjà allègrement le secteur via le plan de relance, avec 7 milliards d’euros fléchés pour le numérique.
Martin Castillan
[2] Rappelons que si l’on prend en compte la production, les voitures électriques émettent autant voire plus de gaz à effet de serre que les voitures thermiques : « Non, la voiture électrique n’est pas écologique ».
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