Depuis plus d’une semaine, les émeutes se poursuivent en Afrique du Sud, notamment dans les grandes villes comme Johannesburg, Le Cap et Durban. Au 13 juillet le bilan s’établissait à 72 morts (dus à des mouvements de foule et de panique et aux tirs de la police), des centaines de blessés et d’arrestations. Le gouvernement a fait appel à l’armée pour épauler la police et a déployé 2 500 soldats dans les rues.
Le facteur déclenchant des troubles a été l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma, impliqué dans une multitude d’affaires financières louches. Mais à ses partisans, qui demandaient sa libération, sont venus s’adjoindre des milliers d’émeutiers qui ont pillé les magasins, les centres commerciaux et les entrepôts, s’en sont pris aux banques et aux distributeurs à billets et ont affronté les forces de l’ordre.
Les troubles sont nourris par un ras-le-bol général et une situation sociale alarmante. Le chômage, qui vient d’atteindre le niveau record de 32,6 %, que beaucoup considèrent comme sous-estimé, touche 50 % des Noirs et 7 % des Blancs. 20 % des foyers noirs vivent dans une extrême pauvreté, quatre à cinq millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté entre 2011 et 2020 et les salaires touchés par les Noirs sont toujours près de quatre fois inférieurs à ceux que reçoivent les Blancs qui, en outre, contrôlent encore entre 70 et 80 % des terres cultivables. À cela s’ajoute les restrictions réimposées fin juin pour limiter une troisième vague meurtrière de contaminations au Covid-19, l’exaspération face au manque de vaccins étant renforcée par les soupçons de corruption liée à l’achat des vaccins qui ont entraîné la démission du ministre de la Santé, Zweli Mkhize.
Près de trente ans après la fin du régime raciste d’apartheid, qui a vu notamment l’émergence d’une bourgeoisie et d’une classe politique noires à côté de l’ancienne classe dominante blanche encore aux commandes de nombre de leviers économiques, le pays demeure l’un des plus inégalitaires au monde.
Et c’est donc une véritable poudrière qu’un rien peut enflammer.
Jean Liévin
Mots-clés : Afrique du Sud