UNE POLITIQUE MEURTRIERE
5 octobre 1998 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Combien de morts a fait la panne d’électricité à l’hôpital Edouard Herriot de Lyon ? Des dix annoncées, combien étaient inévitables et combien il y a-t-il eu de victimes de l’interruption prolongée d’alimentation des équipements de survie et de la panique qu’elle a provoqué ? Sans doute ne le saura-t-on jamais avec exactitude, en dépit de toutes les autopsies.
Mais ce dont on est sûr, c’est que ce jour-là le nombre des morts dans cet hôpital a été deux fois plus élevé que la moyenne quotidienne. Et ce qui est sûr également, c’est que le courant a été interrompu pendant environ une heure et demie, parce qu’il n’y avait personne sur place pour le rétablir. La « consultation à distance par télégestion » par un technicien, ne saurait remplacer les électriciens sur place dont les postes ont été supprimés.
La défaillance de pièces dans le dispositif électrique est une chose, l’organisation dans l’hôpital en est une autre. Or il se trouve que l’hôpital a abandonné l’entretien et la maintenance des installations à une société privée, filiale du trust Vivendi, ex-Générale des Eaux. Une de ces gigantesques entreprises qui avec la Lyonnaise des Eaux, Bouygues, et quelques autres, ont ces dernières années amassé de fabuleuses fortunes grâce à la privatisation du secteur public, et grâce aux commandes généreuses de l’Etat et des collectivités locales, à des prix sans contrôle.
Ces trusts dominent aujourd’hui le secteur de l’eau, du bâtiment et des travaux publics, une bonne partie du secteur privé de la santé, une partie toujours plus grande des télécommunications et de l’audiovisuel... Et comme différents scandales l’ont révélé, ils ont eu pour habitude d’arroser une kyrielle de politiciens, qui à titre de revanche les aident à faire main basse sur le secteur public et sur les finances de l’Etat ou des collectivités locales.
Tous les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années ont mené la même politique : suppressions d’emplois dans les services publics et cadeaux de pans entiers – les plus profitables – au capital privé. Et le gouvernement actuel continue sur la même voie. Ne serait-ce que dans les hôpitaux où il y a eu trois fois plus de lits supprimés en un an de gouvernement Jospin que pendant trois ans de gouvernement Juppé. Et le projet de « réforme des hôpitaux », prévoit encore de faire disparaître des dizaines de milliers d’emplois.
Les malades et les travailleurs hospitaliers ne sont pas les seuls à faire les frais de cette politique. Il en est de même dans les transports publics et en particulier à la SNCF. C’est ainsi que les conducteurs de la ligne C du RER, poussés à bout, ont fait grève pendant quinze jours pour réclamer l’augmentation de leurs effectifs. Ceux de Saint Lazare ont débrayé deux jours, parce qu’ils ont tenu à protester contre les conditions d’insécurité dans lesquelles on les fait travailler, deux d’entre eux ayant encore été attaqués. Et ainsi de suite ailleurs. Car les cheminots sont d’autant plus victimes d’agressions dans les gares désertées et dans les trains, qu’ils sont de plus en plus souvent seuls, après les réductions massives d’effectifs de ces dernières années. Des dizaines de milliers de suppressions d’emplois sont pourtant encore programmées à la SNCF.
Dans l’enseignement c’est le même problème. Après les professeurs ce sont les lycéens eux-mêmes qui manifestent un peu partout : contre les insuffisances dans l’effectif des enseignants, des surveillants, du personnel technique, et contre le manque de crédits.
Pendant ce temps le gouvernement Jospin, comme ses prédécesseurs, continue à servir les patrons et le capital privé : il continue à leur faire des cadeaux de toutes sortes en même temps qu’il démantèle les services publics.
Il y en a assez de cette politique contre les travailleurs et les usagers. L’argent et les entreprises de l’Etat doivent servir en priorité à créer directement des emplois utiles dans les services publics. Ce ne serait que le premier pas pour lutter contre ce chômage, déjà intolérable, qu’on connaît aujourd’hui, et à plus forte raison contre celui qu’on nous annonce, si la crise de ce système, au service du seul profit, continue à s’étendre.