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Théodore TOPOLANSKI (dit Romain)

Biographie rédigée en 2007 pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron.

14 mai 2018

Né le 29 mars 1937 d’un père polonais et d’une mère allemande, tous deux Juifs ayant fui les conditions d’oppression de leur pays d’origine. Le père a été déporté à Auschwitz en juillet 1942. La mère et les trois enfants échappèrent au même moment à la rafle : l’un des enfants, le plus jeune, n’avait pas atteint l’âge de 24 mois, on le laissait donc avec sa mère et les autres enfants, selon les règles édictées par l’occupant.

La mère a vécu le temps de l’occupation dans la clandestinité, avec des faux papiers ; les enfants ont été cachés dans la Sarthe jusqu’à la Libération. Le père a disparu, nuit et brouillard, au lendemain de son arrivée à Auschwitz, comme l’ont attesté des documents récupérés postérieurement.

A la fin des années quarante et à partir des années cinquante, Théo a fréquenté les mouvements d’enfants et de jeunes du Bund, organisation social-démocrate juive qui, au lendemain de la seconde guerre, a compté en France dans le paysage politique de ce que l’on désigne par « la communauté juive ». Cette organisation se disait marxiste : elle propageait les idées du socialisme et du collectivisme, de la révolution prolétarienne, de la lutte de classes. Elle avait pris partie sans ambigüité contre le sionisme et se voulait internationaliste, tout en cultivant particulièrement l’héritage de la culture yiddish.

Vers 1952, en même temps qu’il militait aux jeunesses du Bund, Théo a commencé à militer aux Jeunesses socialistes de la Seine et au Parti socialiste (SFIO), notamment à la 11° section de Paris. Il a cependant fréquenté quelques semaines un mouvement sioniste, sans réussir à adhérer à ses idées. Il s’est également frotté quelques mois à l’UJRF (jeunesses du PCF), en seconde au Lycée Turgot. Ces relations avec les organisations communistes coïncidèrent avec une période où la vague d’antisémitisme qui se répandait en URSS et dans les pays de « démocratie populaire », accompagnée des procès que l’on sait, était révélée au grand jour. De ce fait, les liens avec l’UJRF et les organisations staliniennes ne restèrent pour Théo guère longtemps d’actualité...

Fin 1955, avec une bande de jeunes liés comme lui à la fois au Bund, aux Jeunesses socialistes et à la SFIO, Théo a participé activement à la campagne électorale législative. Leur principale préoccupation était, grâce à un changement de gouvernement, d’aider à tout ce qui pourrait mettre fin en France à la série des guerres coloniales et d’éviter, après ceux de la seconde guerre mondiale, de nouveaux massacres et de nouveaux sacrifices.

Quand début 1956, la majorité de « Front républicain », composée de la SFIO et des Radicaux pour l’essentiel, après sa victoire électorale s’orienta non pas vers la fin du conflit algérien mais vers une intensification de la guerre, avec l’envoi du contingent en Algérie grâce au vote des « pouvoirs spéciaux », pour un certain nombre de socialistes comme Romain, des certitudes vacillèrent. Il n’y avait à gauche, guère de parti auprès desquels se tourner, le PCF ayant également voté « les pouvoirs spéciaux » au gouvernement Guy Mollet, lui laissant ainsi le champ libre.

A l’issue de la période de vacances scolaires de 1956, après avoir discuté avec un ami qui comme lui avait fréquenté le même milieu du Bund, mais qui était devenu « trotskyste », Théo se résigna à venir militer avec le groupe issu de « l’Union Communiste », dont le nombre à cette époque ne devait guère dépasser celui des doigts des deux mains. Passer d’un « grand parti » à un aussi petit groupe ne fut pas évident, mais les circonstances politiques n’offraient guère de choix.

A cette période, Théo, désormais connu sous le nom de Romain par ses camarades, accédait au monde du travail, n’ayant guère de moyens de poursuivre des études. Après une formation professionnelle accélérée de dix mois, il s’embaucha dans différentes usines de radio-télé ou télécommunication, d’abord comme ouvrier puis petit technicien. Début 1958, il entra à la Thomson-Houston à Gennevilliers, où il resta jusqu’à fin 1964. Il fut à l’origine de la publication d’un bulletin d’entreprise « Voix Ouvrière », et au travers de cette activité, organisa un petit noyau de travailleurs, participa à l’activité syndicale à la CGT, puis par la suite assura la vente dans l’usine des premières publications imprimées de « Voix Ouvrière ». Après un certain nombre de mouvements de débrayages, sur des revendications salariales mais aussi politiques, concernant notamment la poursuite de la guerre d’Algérie et ses avatars sur les gouvernements de la Métropole, Romain était connu dans l’entreprise pour ses engagements, à la fois de la direction et des dirigeants syndicaux lesquels, eux non plus, ne voyaient pas d’un œil bienveillant son militantisme. Un licenciement pour un motif d’absence non justifiée, interrompit cette période à la Thomson-Houston, c’était entre les fêtes de fin d’année 1964.

Après notamment un passage de 6 mois chez Bendix à Drancy (93), et un autre licenciement, cette fois-ci uniquement après être apparu syndicalement comme militant en distribuant des tracts CGT, Romain s’embaucha début 1966 à la Polymécanique à Pantin (93), une usine de 1 500 travailleurs du groupe Motobécane (qui en comprenait 5 000 en tout), produisant les moteurs des Mobylettes. Les circonstances firent qu’il y resta près de 11 ans, jusqu’à ce que son organisation (« Lutte Ouvrière », laquelle depuis l’interdiction de juin 68 avait remplacé « Voix Ouvrière ») lui demanda de quitter l’entreprise.

Durant cette période qui va de 1966 à fin 1976, Romain fit ce que font les autres militants ouvriers de son organisation, à savoir : constituer un noyau autour d’un bulletin d’entreprise, militer syndicalement, diffuser la presse de Lutte ouvrière, recruter de nouveaux militants. Mais au-delà, il participa à un certain nombre d’évènements marquants de cette période. Mai 68 en particulier, aidant à y démarrer la grève dès les premières manifestations étudiantes, tentant de mettre sur pied une représentation des grévistes indépendante des appareils syndicaux, participant à l’occupation des locaux malgré les limites du contrôle que les militants du PCF voulaient imposer sur cette dernière. Ce qui n’alla pas toujours sans frictions.

En juillet 1968, à un moment où les patrons pensaient pouvoir prendre leur revanche sur les grévistes et en particulier sur ceux qu’ils considéraient comme les meneurs, Romain, qui avait jusque-là milité à la CGT mais sans aucune des protections légales possibles pour les militants (l’attribution en dépendant des appareils et la domination du PCF sur celui de la CGT ne facilitant pas les choses à l’égard des « gauchistes ») s’appuya sur une équipe de travailleurs qui récusaient la politique des confédérations à la fin du mouvement et la signature des « accords de Grenelle », pour constituer une section « Force ouvrière » dans l’entreprise. Celle-ci recueillit au départ environ 20 % des voix des ouvriers et quelques temps après la grève de 1971, son score monta à 40 %. A l’époque il ne se passait guère de semaines sans que dans l’entreprise, le PCF ou la CGT ne dénoncent « les gauchistes », les accusant d’être des suppôts du patronat ou de la police ; mais ces attaques à la Polymécanique finirent par provoquer les réactions contraires au but de leurs auteurs, et finirent par faire sourire.

Au printemps 1971, après l’annonce d’une prime d’intéressement minable, une grève de plus de 35 jours avec occupation démarrait à la Polymécanique. Celle-ci entraîna pendant trois semaines la grève à l’usine Motobécane de Saint-Quentin dans l’Aisne. La grève avait été à l’initiative de Romain et son équipe. Avant de s’y rallier, la CGT avait tenté de la limiter, sans y parvenir. Un comité de grève de 35 membres fut constitué et pesa de façon déterminante sur son cours. Elle fut victorieuse, apportant des augmentations de salaires supérieures à celle de Mai 68 et consacrant un système d’échelle mobile des salaires qui permit pendant plusieurs années ensuite de faire mieux que maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs de la Polymécanique. Une partie des heures de grève fut également payée.

Par ailleurs, au printemps 1971 eut lieu une élection législative partielle dans le 12° arrondissement de Paris. Lutte ouvrière se lança pour la première fois dans une activité électorale. Pas seule, mais avec le PSU, organisation avec laquelle une collaboration dans le cadre d’une mise sur pied de « comités d’usagers des transports en commun de la Région Parisienne » avait déjà été effective. Le titulaire pour la liste « Paris aux travailleurs », commune au PSU et à Lutte Ouvrière, allait au PSU ; le suppléant à Lutte Ouvrière dont le candidat était Romain. La présentation aux élections diverses et variées devint par la suite une activité habituelle pour Lutte Ouvrière.

En fin 1976, Romain, comme indiqué plus haut, à la demande de son organisation sortit de la Polymécanique et se consacra à militer de l’extérieur des entreprises à temps plein.

4 novembre 2007


Il fut de ceux qui furent à l’origine de la constitution de la Fraction de Lutte Ouvrière en 1996, devenue en 2009 la Fraction l’Etincelle du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Il a milité au sein de celle-ci activement jusqu’à sa mort, en cette année 2018.

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