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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 80, mars-avril 2012

Suicides à la Poste

Le 11 mars dernier, un cadre de la Poste, en arrêt-maladie depuis décembre, est venu se donner la mort sur le site où il travaillait, la plate-forme Courrier de Trégunc dans le Finistère. Il avait été chargé d’une réorganisation qu’il avait mal vécue et connaissait des difficultés professionnelles. « Les cadres qui n’ont pas la capacité d’exécuter les consignes sans se poser des questions sont cassés », ont dénoncé les syndicats dans une conférence de presse. Ce suicide est le troisième en six mois à la Poste.

Une direction sourde et aveugle

Dix jours auparavant, un autre cadre s’était suicidé, en se jetant par la fenêtre de la Poste centrale de Rennes. Embauché comme facteur, ce cadre avait été choisi avec une dizaine d’autres pour être propulsé cadre supérieur, après une formation de deux ans. À l’issue de ce parcours « initiatique », il a été envoyé au centre du Courrier de Lannion pour y mettre en œuvre la politique de la Poste. Là, son zèle s’est heurté à la réalité du terrain et à la résistance du personnel. Avant que cela ne tourne au vinaigre, le directeur du Courrier l’a remplacé par un autre cadre. Lâché par sa hiérarchie et mis sur la touche, il a demandé à revenir à Rennes. Ce qui ne s’est pas fait sans mal, puisqu’il a fallu une intervention syndicale pour obtenir cette mutation. La veille même de son suicide, il avait été convoqué par deux directeurs à un « entretien » qui s’était mal passé, comme il l’a expliqué dans la lettre qu’il a laissée. Difficile donc de prétendre que la Poste ignorait tout et n’aurait aucune responsabilité dans ce suicide.

Des enquêtes accablantes

En septembre 2011, c’est une employée du Centre financier de Paris qui s’était elle aussi suicidée en se défenestrant sur son lieu de travail. Là encore, la direction s’était contentée d’exprimer sa « profonde tristesse » et de mettre en place une cellule psychologique, en déclarant attendre le résultat des enquêtes en cours. Le personnel, pas dupe, avait fait grève et 500 personnes s’étaient rendues en manifestation jusqu’au siège de la Banque postale pour crier leur colère.

À l’issue de son enquête, l’inspectrice du Travail avait conclu à « une faute caractérisée » de la Poste et décidé de transmettre au Parquet un rapport pour homicide involontaire à l’encontre de J.F Bailly, P-DG de la Poste, et de la directrice du Centre financier.

Un deuxième rapport, effectué par un cabinet d’expertise à la demande du CHSCT, est tout aussi éloquent. Il reproche à la Poste de nier l’impact des conditions de travail et des réorganisations sur la santé du personnel, en accréditant « l’idée que faire face à une telle organisation de travail est avant tout une histoire d’adaptation personnelle, en laissant entendre que certaines personnes, de par leur structure de personnalité, seront toujours inadaptées (...) »

Des « réorganisations » pour supprimer du personnel

Dans toute la Poste, les perpétuelles réorganisations n’ont qu’un seul but : supprimer du personnel. Il faut être plus rentables, plus « compétitifs » pour pouvoir attirer les futurs actionnaires. Le Centre financier de Paris n’a pas échappé pas à cette règle. L’effectif est passé de 2 031 emplois au 1er janvier 2006 à 1 360 aujourd’hui, à raison d’une centaine de départs non remplacés tous les ans. Ceux qui restent doivent travailler davantage, sont soumis à davantage de contrôles, de pressions de toutes sortes, de la part de l’encadrement.

Un « pilotage des flux » a été mis en place qui consiste à répartir le « trafic » en parant au plus pressé. Lorsque, dans un service, on n’arrive plus à faire le travail, par manque de personnel, une partie de ce travail est distribué dans d’autres services... Les tâches ont été segmentées et minutées. Des pochettes, contenant le travail à effectuer, sont distribuées en début de journée aux agents qui doivent les rendre à leur chef avant de partir, avec le travail non fait. Le rendement de chacun est surveillé. Mieux vaut faire vite que bien... Tout cela, après une enquête sur le stress qui avait conclu que plus d’un tiers du personnel du centre était en situation d’hyper stress, présentant un risque pour la santé selon les médecins.

Effets d’annonces

En 2010, le syndicat des médecins du travail de la Poste avait déjà tiré la sonnette d’alarme, disant que « les suicides et les tentatives de suicides surviennent dans toutes les régions, dans tous les métiers et aux différents niveaux de l’entreprise ». Des cas dramatiques, disait- il, « exclusivement liées à des situations de vie professionnelle ». Cela n’a nullement empêché la Poste de continuer les suppressions d’emplois (11 700 en 2010, plus de 10 000 en 2011) et les restructurations au pas de charge.

Bailly annonce « l’ouverture d’un cycle d’écoute et de dialogue sur le bien-être et la santé au travail » : une opération de communication pour essayer de faire bonne figure, qui n’aura pas plus d’effets que l’« observatoire de la santé » annoncé il y a quatre ans.

14 mars 2012

Thierry FLAMAND

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