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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 52, juillet-août 2007

Servair : la guerre aux militants

En réponse à l’explosion du trafic aérien et au surcroît d’activité (et donc de travail pour chacun des ouvriers) qui en découle, la direction de Servair, avec en arrière plan Air France, voudrait mettre au pas ses travailleurs. D’où l’offensive contre tous les militants syndicaux ou ouvriers combatifs afin de tenter d’étouffer toute volonté revendicatrice.

Une longue suite de conflits

En mai 2005, la direction de Servair, face à la mobilisation des salariés, a été contrainte de remballer son projet « Changer pour gagner ». Celui-ci avait pour objectif de réduire le nombre de jours de RTT, les payes des salariés malades ou encore de remettre en cause l’organisation des congés pendant l’été. Face aux multiples débrayages, en particulier dans l’un des centres, Servair 2, la direction a d’abord fait machine arrière avant de contre-attaquer.

À la rentrée 2005 elle déménageait de force les locaux syndicaux du centre Servair 1, en recourant à des vigiles et des gros bras de sociétés de gardiennage. Si bien que depuis octobre 2005, se rendre dans les locaux syndicaux oblige à sortir de l’entreprise et à traverser le parking au su et vu de la direction.

En décembre 2005, c’était au tour des syndicats d’obtenir la condamnation de Servair pour avoir employé un intérimaire pendant 14 mois avec 21 missions différentes d’affilée. Après 3 ans de procédure l’entreprise a été condamnée à lui verser 14 000 €. Une somme modeste pour un groupe de cette taille. Mais multipliée par le nombre d’anciens intérimaires dans le même cas, cela pouvait devenir embarrassant.

En avril 2006, Manuel Gonçalves, délégué CGT à Servair 2, qui avait aidé l’intérimaire en question devant les tribunaux, s’est vu attaqué à son tour en justice par la direction. Il avait exprimé ses doutes sur la présentation des comptes de l’entreprise lors d’une réunion de comité d’entreprise. Il faut dire que la multiplicité de filiales de celle-ci permet à la direction de présenter les résultats qui l’arrangent en fonction des prix qu’elle leur facture. Le déficit permanent de la maison-mère, contraste ainsi avec son augmentation régulière d’activité. Pour cette intervention, Manuel Gonçalves était accusé de diffamation.

En protestation contre les poursuites les salariés de Servair 2 débrayaient à plusieurs reprises en avril et en mai et une pétition en soutien au délégué, a recueilli plus de 330 signatures sur un site qui compte 1 000 salariés.

À la rentrée 2006, la direction de Servair a de nouveau haussé le ton en décidant de majorer les retenues de salaire des jours de grève, ce à quoi les travailleurs les plus combatifs ont répondu par de nouveaux débrayages. Deux grévistes sont alors licenciés sous le prétexte d’un incident de circulation en piste avec des bagagistes d’Air France. Les nouveaux mouvements de grève qui en ont découlé ont été qualifiés d’« illicites », en tant que grèves de solidarité ! Les procédures disciplinaires et autres lettres de sanction expédiées en recommandé se sont multipliées et, pour couronner le tout, des grévistes se sont vu prélever 8 jours de grève pour en avoir fait 4… et Servair oubliait de régulariser. Parallèlement la direction faisait planer régulièrement la menace de déplacer la charge de travail (et menaçait sur l’emploi) des centres Servair les plus remuants vers ceux plus calmes.

La goutte d’eau a été le recours aux prud’hommes engagé par 25 grévistes contre les retenues sur salaires majorées. Treize d’entre les plaignants en ont profité pour rapporter leur collection d’anciens contrats d’intérim et remettre ce problème sur le tapis. En février 2007, ils ont entamé la même procédure que le premier intérimaire avec toujours le soutien de délégués syndicaux, en particulier Manuel Gonçalves. À peu près à la même période, Servair était déboutée pour la seconde fois de ses procédures de diffamation entamées contre lui.

Police secours

Afin sans doute de tenter d’en finir avec tous ses salariés trop remuants, la direction de Servair, a orchestré une machination contre Manuel Gonçalves lors des passages aux postes d’inspection filtrage (PIF), qui s’est terminée par une convocation à la Gendarmerie du Transport Aérien et une procédure de licenciement. Il lui était reproché de refuser de se soumettre aux contrôles de sécurité et d’être provocateur et insultant à l’encontre des vigiles. La demande de licenciement a été refusée à la fois par le comité d’entreprise et, le 16 mai, par l’Inspection du travail.

La direction, qui entre temps avait fait déménager à leur tour les locaux syndicaux de Servair 2 sur le parking, a allumé un nouveau contrefeu. Convoqué dans les locaux de la PAF de Roissy le mercredi 25 avril, Manuel Gonçalves était informé d’une plainte contre X de Servair pour « faux et usage de faux ». Mis en garde à vue et placé en cellule , il était dépouillé de ses effets personnels, déshabillé pour la fouille et menotté pour ses déplacements dans les locaux de la police. Toute cette intimidation pendant 3 heures d’audition pour… lui demander de dénoncer les auteurs de la pétition – qui datait maintenant de plus d’un an – ainsi que ceux qui l’avaient fait circuler.

Le zèle des policiers a évidemment déclenché un nouveau mouvement de protestation à Servair 2 qui recevait la visite et le soutien des salariés de PSA Aulnay, alors en pleine grève, et d’autres militants syndicaux de la plate-forme de Roissy. Le siège social d’Air France a ainsi été envahi le 2 mai par 150 manifestants, pour dénoncer le rôle de cette société qui est le véritable donneur d’ordre de Servair.

Justice à la rescousse ?

La direction de Servair n’a cependant jusque-là, eu qu’à se féliciter d’une police et d’une justice dont les actes et décisions lui donnent pour l’instant satisfaction. Lors de la plainte pour refus de contrôle au PIF, les gendarmes n’ont pas insisté pour visionner les cassettes de surveillance qui auraient pourtant facilement innocenté Manuel mais que la direction n’a jamais fournies, malgré l’injonction d’un jugement.

Cinq jours après que l’inspecteur du travail a fait connaître son refus du licenciement, Manuel Gonçalves a eu droit à une perquisition surprise à 6 heures du matin… Les documents syndicaux et le matériel informatique ont été embarqués et mis sous scellés. Il a de nouveau passé plusieurs heures en garde à vue pour un interrogatoire qui avait finalement peu à voir avec la pétition mais pas mal avec son activité syndicale et ses contacts avec la presse. On lui a même demandé s’il n’était pas la plume du Canard Enchaîné ou de l’Humanité  !

Résultat : un débrayage le jour même de cette garde à vue et le lendemain, jour d’élection des délégués et représentants au CE, un gain moyen de 10 % de la CGT, avec pour la première fois, un certain Manuel Gonçalves élu dans le collège de maîtrise.

Au sein de Servair 2, tous les salariés trouvent cette histoire effarante et les résultats électoraux soulignent la désapprobation de la majorité du personnel face à ce harcèlement. Néanmoins la direction compte pouvoir s’appuyer sur des décisions de justice. Le 7 juin, le juge d’instruction a conclu les gardes à vue et la perquisition par une mise en examen assortie d’un contrôle judiciaire, accompagné d’une interdiction d’entrer en relation... avec les signataires de la pétition !

Mais les tentatives de museler les militants combatifs ne sont pas gagnées d’avance.

23 juin 2007

Marc OUSSIS


Servair : une cascade de filiales…

Servair est une entreprise de catering (fabrication et chargement de plateaux repas) aérien, filiale à 98 % d’Air France. Il s’agit d’un service externalisé par Air France.

On peut croiser ses camions sur bon nombre d’aéroports français (Orly, le Bourget, Roissy et aussi Antilles). Quand on ne les voit pas, c’est peut-être qu’il s’agit d’une des nombreuses filiales qu’elle aurait été obligée, selon ses dires, de créer pour faire face à l’explosion du trafic aérien, en particulier à Roissy : Bruno Pégorier, Jet Chef, CPA, Servantage et Base Handling, toutes filiales, parfois à 100 % de Servair.

Pour assurer le contrôle et la sécurité de la chaîne de chargement, une autre filiale, Aérosur, a été montée. Pendant plusieurs années le PDG de celle-ci n’était autre que le fils du directeur de Servair. Enfin, l’assistance des personnes à mobilité réduite et le nettoyage des avions sont aussi assurés par deux autres filiales, Passerelle et l’ACNA.

Cette cascade de filiales a fait passer de 3 000 à 7 500 le nombre de salariés du groupe en 6 ans. Mais en les maintenant éclatés dans des unités avec parfois moins de 100 salariés (environ 80 ouvriers à Base Handling) Servair échappe en partie aux contraintes liées à la représentation syndicale et multiplie plus facilement les syndicats « partenaires ». Cela permet des salaires inférieurs et des conditions de travail plus dures que dans la maison mère. À Base Handling, des jeunes sont embauchés en contrat de professionnalisation avec des salaires ne dépassant pas les 800 € net par mois, des horaires variables de 5 heures du matin à minuit, et ne disposant jamais d’un week-end entier de repos !

Ces « créations » d’entreprises sont pourtant l’occasion de capter de multiples subventions publiques, de bénéficier de crédits et exonérations en tous genres.

M. O.

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