
(Photo : Le Rhônexpress rouge à la gare TGV de l’aéroport)
Reprenant le tracé de l’ancienne ligne des chemins de fer de l’est, qui a joué un grand rôle dans le développement industriel de l’est de l’agglomération lyonnaise jusque dans les années 1970, cette ligne de tram express relie en à peine 30 minutes le centre de Lyon (plutôt la gare de la Part-Dieu et… son quartier d’affaire) à l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, situé à une trentaine de kilomètres à l’extérieur de la ville. Deux arrêts seulement sur la distance parcourue, des prestations de très haute qualité (wifi, confort, prises électriques, magazines), une délégation de service public attribuée par la métropole de Lyon et son autorité organisatrice du transport (Sytral). Alors que demande le peuple ? Simplement… l’accès à ce tram !
Déjà, la ligne est partagée avec la ligne de tramway T3 du réseau TCL, qui relie les banlieues est et leurs deux zones industrielles, à Villeurbanne puis à la Part-Dieu en quelques minutes. Le partage implique une moindre fréquence de cette ligne T3, très utile aux quartiers populaires desservis (dont le stade de l’Olympique Lyonnais). Mais en plus, le tarif absolument prohibitif interdit l’accès au plus grand nombre, tandis que l’utilisation de Rhônexpress par une clientèle huppée, le plus souvent venue faire un petit séminaire de quelques heures dans la capitale des Gaules, rend le service des plus rentable. Plus de 16 euros l’aller, c’est select ! Les abonnés TCL ont une ristourne : plus de 12 euros l’aller quand même !
Photo : la cohabitation du Rhônexpress et du tram T3 sur le même tracé
Tellement rentable l’affaire, que lorsque le groupe Vinci s’est vu retirer fin 2020 la délégation de service public, après dix ans d’exploitation, il a eu droit à une indemnisation de 32 millions d’euros, de quoi ne pas se sentir floué du fait de la rupture prématurée du contrat ! On s’inquiète… le bâtiment va ?
Des batailles politiciennes sont à l’origine de ce revirement, notamment autour de la succession de Collomb à la tête de la métropole. Pas vraiment l’altruisme, pour ce beau monde, de voir cesser ce racket organisé. Il a changé de mains. Il semblerait malgré tout que des baisses de tarif soient à l’étude pour les jeunes, même si le confinement les a retardées, tandis que les 5600 travailleurs de la plateforme aéroportuaire ont déjà vu leur abonnement mensuel de 130 euros divisé par deux, un minimum… Pour ce qui est des liaisons avec l’aéroport, dans les banlieues est, rien n’a changé depuis la mise en service de ce tram, les nombreux voyages en avion entre Lyon et l’Afrique du Nord démarrent souvent par un petit trajet en taxi, en uber, ou alors avec l’entraide familiale ou du quartier.
À l’image des objectifs commerciaux du développement du TGV, ces projets affichant de hauts niveaux de prestations ne sont pas pensés dans l’intérêt collectif de la population. La démocratisation du trafic aérien (même si elle est largement remise en cause par la pandémie et, à une autre échelle de temps, par le réchauffement climatique) rend très utile des liaisons rapides, fiables et confortables entre les aéroports et les villes. Mais tant que des entreprises, publiques ou privées, auront des profits à amasser sur ce type de projets, c’est cette forme de mépris de classe qui s’exprimera : les hauts niveaux de prestation, dans le transport aussi, sont réservés à une « élite ». Aux autres, les wagons bondés, les fréquences contrariées et les correspondances hasardeuses. Il serait pourtant temps, pour des raisons sociales et écologiques, de réellement fournir une offre de transport décente au plus grand nombre.
Philippe Cavéglia
Lire aussi :
Mots-clés : Transports publics