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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 39, mai-juin 2005

Editorial

Référendum : ne pas prendre les vessies pour des lanternes

Aucun doute : ce n’est pas sur la constitution que voteront les Non. Et sans doute même pas les Oui non plus d’ailleurs. Pour les premiers en tout cas, ce sera pour exprimer leur ras-le-bol, de Chirac et de Raffarin, ou surtout de la vie qu’on impose à la majorité de la population laborieuse, des licenciements, du chômage qui vient de grimper encore à 10,2 %, des salaires qui ne permettent pas de joindre les deux bouts, des conditions de travail qui empirent, du scandale que constitue un PDG qui s’en va avec des indemnités de dizaines de millions d’euros au moment même où un autre patron se permet de proposer aux salariés qu’il vire de les réembaucher... en Roumanie avec un salaire d’une centaine d’euros, même pas le dixième du smic français qui est déjà un salaire de misère.

C’est pour tout cela que, dans le monde du travail en tout cas, beaucoup diront Non.

Les tenants du Oui, qui prétendent défendre l’idée de l’unité de l’Europe rendent en fait un bien mauvais service à leur cause, ou plutôt rendraient si c’était vraiment leur cause (car bien plus que l’Europe ce qui les animent c’est pour certains leur avenir personnel ou celui de leur parti et pour tous la crainte de remous qui pourraient troubler leur agenda politique). N’empêche, à voir les principaux responsables de la situation actuelle défendre le Oui, il est tentant de faire l’amalgame et d’en déduire que l’Union européenne doit bien être pour quelque chose dans tous les coups que la classe ouvrière a dû encaisser.

Et ce sentiment est renforcé par l’acharnement des tenants du Non à donner de l’importance à cette constitution, en décortiquer les prétendues menaces, peindre en noir l’avenir au cas où elle serait acceptée. Et oublier au passage que les capitalistes français et européens n’ont pas eu besoin d’elle depuis deux ou trois décennies pour créer des millions de chômeurs, délocaliser, licencier, réduire les salaires, aggraver les conditions de vie et de travail. Oubli qui n’est pas innocent, bien sûr, puisqu’il s’agit, pour la plupart d’entre eux, de politiciens qui ont participé, eux ou leur parti, à des gouvernements responsables de tous ces maux.

À vouloir pourtant faire rimer constitution européenne et offensive anti-ouvrière, ce sont finalement les sentiments anti-européens, voire xénophobes qu’on risque bien de remuer, sinon de susciter. On comprend que cela ne gène ni les souverainistes, de gauche comme de droite, ni Chevènement ni de Villiers, qui cherchent leur fortune politique dans la démagogie nationaliste sinon xénophobe, et encore moins l’extrême droite qui sait qu’au final tout ce qui agite ces sentiments, latents dans une partie des couches populaires, ne peut que profiter à un Le Pen, qui s’est habilement placé en embuscade dans cette affaire du référendum, ou ses pareils.

Mais c’est aussi pourquoi il y aura également dans les couches populaires un certain nombre de femmes et d’hommes qui, bien que partageant le mécontentement, la colère et même l’envie d’en découdre de ceux qui voteront Non, voteront Oui. Parce qu’ils rêvent à juste titre d’une fraternité entre les peuples, parce qu’ils haïssent toutes les frontières et barrières qui divisent ceux-ci, parce qu’ils espèrent quand même que leur vote aidera à les faire disparaître et contribuera à enraciner la paix en Europe.

Et voilà bien toutes les confusions et toutes les ambiguïtés du référendum, confusions comme ambiguïtés cultivées par ceux qui l’ont décidé comme ceux qui nous le présentent comme la bataille politique qui va décider de notre avenir pour des années, voire des décennies. Des Oui à l’Europe seront déposés dans l’urne par des gens qui voudraient aussi dire Non à Chirac, des Non à Chirac ne voudront certainement pas dire Non à l’Europe, mais des Non à Chirac seront aussi d’abord des Non à l’Europe comme des Oui à l’Europe seront d’abord des Oui à Chirac. Et voilà, le tour est joué. Il permettra à chacun d’en tirer la conclusion qui l’arrange, voire de crier victoire, et surtout à Chirac de dire, comme il l’a déjà annoncé, que quelque soit le résultat il restera à son poste comme si de rien n’était advenu.

Bien sûr, il est compréhensible que des exploités veuillent saisir toute occasion pour dénoncer le sort qui leur est fait comme de dire merde à ceux qui le leur font ou le leur ont fait. Y compris dans les urnes pourquoi pas, si celles-ci sont vraiment l’occasion. Mais justement le 29 mai prochain l’occasion est bien trop confuse pour une dénonciation claire. Si en votant Non nous désavouerions bien Chirac, Raffarin, Hollande ou Jospin, ne dédouanerions-nous pas de l’autre côté Fabius, Mélenchon, Chevènement, Buffet, tous ex-ministres qui rêvent de le redevenir... pour mener la sinistre politique anti-ouvrière qui fut déjà la leur, sinon même de Villiers ou Pasqua ? Et de plus un désaveu sans conséquence puisque Chirac, avec Raffarin ou un autre, continuera la même politique anti-populaire qui fut déjà celle de Jospin.

Bel aveu que le référendum compte en fait pour du beurre et que ceux qui mènent grand tapage pour que nous lui accordions grande importance nous mènent en bateau.

Et c’est le cas de ces leaders politiques de la gauche comme ces chefs syndicalistes qui depuis des semaines ont détourné l’attention des salariés dont ils prétendent défendre les intérêts vers la bataille du référendum. Qu’ils appellent à voter Oui comme à voter Non ; les Jospin comme les Fabius, dans le droit fil du triste rôle qu’ils ont déjà joué à la tête du gouvernement ; la CGT comme la CFDT en renonçant à envisager une suite aux manifestations du mois de mars, qui avaient pourtant montré qu’un nombre croissant de salariés, du public mais aussi du privé, sans parler de la jeunesse des lycées, commençaient à répondre à l’appel à une mobilisation dans la rue ou dans la grève.

Plus qu’un référendum sans conséquence c’est la reprise de cette mobilisation qu’il nous faut préparer, même si son échéance semble maintenant repoussée et plus lointaine, même si les efforts pour y parvenir seront d’une autre ampleur que le geste, qui ne coûte rien... mais ne rapportera rien non plus, de glisser un bout de papier dans l’urne.

Et s’il est une campagne à laquelle l’extrême gauche devrait appliquer son énergie ce serait plutôt celle pour en convaincre les travailleurs et les militants du mouvement ouvrier, qu’ils s’apprêtent le 29 mai à voter Oui ou à voter Non ou s’abstiennent.

1er mai 2005

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