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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 40, juillet-août 2005 > DOSSIER : Main basse sur l’argent public

Quand s’ouvrent les coffres de l’État

4 juillet 2005 Convergences Société

Le procès des marchés publics d’Île-de-France qui vient de s’achever a fait défiler 47 personnes (hauts fonctionnaires, élus, et même anciens ministres) jugées pour corruption dans l’attribution de contrats de construction de lycées en région parisienne durant les années 1990. La règle du jeu était simple : pour décrocher un marché, les entreprises de BTP intéressées devaient discrètement verser 2 % de son montant dans une cagnotte qui était ensuite partagée entre de nombreux partis : RPR (future UMP) et PS principalement, mais aussi PCF ou Verts. Sans compter quelques cas d’enrichissement personnel.

Cette affaire, comme auparavant celle des HLM de la Ville de Paris, celle de la Lyonnaise des eaux à Grenoble et bien d’autres, a illustré des pratiques courantes dans l’attribution des marchés publics. Les gagnants les plus visibles de ces opérations étaient les partis politiques, qui y trouvent des moyens faciles pour rester accrochés à la mangeoire. Mais les vrais bénéficiaires furent les patrons signataires. Ainsi dans l’affaire des lycées d’Île-de-France les grands groupes que sont la Compagnie générale des eaux (devenue Vivendi), la Lyonnaise des eaux, Bouygues, Spie-Batignolles et Eiffage se sont partagés 114 contrats (80 % du total) entre 1991 et 1994, pour un montant de 2,3 milliards d’euros. Le système de corruption permet au constructeurs de décrocher d’énormes marchés sans risquer les aléas de la concurrence, donc à des tarifs convenus entre eux...

L’État-client ne faisant pas le difficile avec l’argent des contribuables, le gonflement des factures a permis finalement d’en détourner plus qu’assez pour amortir les petits pourboires réclamés par les élus.

Douces rigueurs de la loi

Les dommages politiques que causent malgré tout ces « affaires » lorsque quelque « petit juge » (comme on dit dans le milieu) s’avise d’y mettre son nez ont poussé parfois les représentants de l’État à faire semblant de prendre des mesures de protection contre eux mêmes.

Au milieu des années 1990, le système d’attribution des marchés publics fut réformé pour le rendre théoriquement moins vulnérable à la corruption. Pour faciliter la concurrence et le contrôle des devis, les contrats durent être scindés en trois : conception, construction et maintenance. Rien de rédhibitoire pour les gros constructeurs à qui il suffisait de se cacher derrière leurs propres filiales pour pouvoir s’arroger l’ensemble du gâteau d’un chantier. Mais même ce prétendu garde-fou a rapidement disparu. Sous prétexte d’accélérer les chantiers le gouvernement Raffarin a permis le retour du système des contrats globaux.

La réforme du Code des marchés publics a par ailleurs relevé le plafond au-dessus duquel un appel d’offres (et donc une mise en concurrence, au moins théorique, des entreprises candidates) est obligatoire. Enfin la décentralisation, en compliquant encore les possibilités de contrôle global, n’a fait semble-t-il que faciliter les petits arrangements entre constructeurs et élus (de proximité).

Le beurre et les canons

Les sommes détournées par les magnats du béton sont cependant concurrencées par celles que se partagent les fabricants d’armes. Un des cas le plus spectaculaires de pillage des finances publiques par les marchands de canons des dernières années est celui du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle.

À la suite d’erreurs de conception difficiles à imaginer (hélices en pannes à répétition, piste d’atterrissage trop courte !) mais financièrement très réussies, le joyau de la Marine nationale a fini par dépasser de 3 milliards d’euros le devis initial, pour atteindre 20 milliards - hors armements embarqués comprenant avions, hélicoptères ou missiles... De toute façon, dépassement ou pas, le budget militaire français, avec ses 40 milliards d’euros annuels (15 % du budget de l’État, 3 % du PIB) est tout entier une manne pour les patrons spécialistes de l’industrie de mort.

Dette perpétuelle

On voit donc que la bourgeoisie sait profiter du premier poste de dépense de l’État (l’éducation), comme du second (la défense). Le troisième lui est plus profitable encore, puisqu’il lui est entièrement consacré : il s’agit du service de la dette. En 2004, la somme des capitaux empruntés par l’État à des actionnaires privés (pour la moitié étrangers) a atteint 1 000 milliards d’euros, soit 65 % du PIB français. Un record obtenu au terme d’années d’augmentation (pour comparaison, la dette ne pesait en 2001 « que » 57 % du PIB).

Le remboursement perpétuel de cette somme astronomique représente presque 40 milliards d’euros par an. Gâchis pour gâchis : c’est quasiment l’équivalent du budget militaire... Mais cette somme représente aussi 70 % des 56,5 milliards du budget du ministère de l’Éducation nationale. Ou 66 fois l’enveloppe accordée à la Couverture maladie universelle.

Benoît MARCHAND

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