Pogrom anti-palestinien à Jérusalem-Est : l’extrême droite israélienne s’en donne à cœur joie

Quelques journalistes ou médias n’ont pas hésité à prononcer les mots forts de « pogrom » ou « ratonnade » pour qualifier ce qui s’est passé ces jours derniers à Jérusalem. Depuis les débuts de la fête religieuse musulmane du Ramadan, le 13 avril dernier, les heurts n’ont pas cessé à Jérusalem-Est entre jeunes Palestiniens d’une part, policiers israéliens et extrémistes juifs d’extrême droite de l’autre. Au total plus d’une centaine de Palestiniens ont été blessés et plusieurs dizaines d’autres arrêtés.
Interdiction de s’asseoir sur des marches ?
À l’origine des échauffourées, l’interdiction faite par la police aux Palestiniens de s’asseoir sur les marches d’un grand escalier situé près de la porte de Damas, une des entrées principales de la vieille ville. Or cet endroit est traditionnellement un lieu de rencontres pour les Palestiniens, surtout pendant le Ramadan. La police a prétendu que les rassemblements y avaient toujours été interdits, mais le quotidien israélien de centre-gauche Haaretz (Le Pays) a prouvé – photos et témoignages à l’appui – que les Palestiniens s’étaient rassemblés à cet endroit les années passées sans que cela ne crée de problème.
Les affrontements ont redoublé, d’abord jeudi 22 avril, lorsque la police a protégé une manifestation d’extrême droite qui défilait dans les rues de Jérusalem-Est aux cris de « Mort aux Arabes », puis le lendemain 23 avril, à la sortie de la grande prière du vendredi sur l’esplanade des Mosquées. Des accrochages ont également eu lieu dans d’autres secteurs de Jérusalem-Est, au point de passage de Qalandiya, reliant Israël et la Cisjordanie occupée, et à Bethléem.
En fait la police israélienne, dont le racisme est bien connu, a sciemment provoqué les Palestiniens dans le but de créer des troubles, en laissant ensuite intervenir dans les quartiers arabes de Jérusalem des milices juives d’extrême droite, dont les dirigeants soutiennent le gouvernement Netanyahou.
Des milices d’extrême droite
Comme l’écrit le journaliste Gidéon Lévy dans Haaretz du 24 avril, si les tabassages de Palestiniens sont devenus monnaie courante en Israël, l’élément nouveau le plus inquiétant aujourd’hui est l’apparition de plus en plus fréquente de milices d’extrême droite regroupant des fascistes juifs et des ultra-orthodoxes, prêts à occuper la rue sous les yeux bienveillants de la police. Ces milices ont pour nom : La Flamme – qui a fait de l’opposition aux mariages « mixtes » entre juifs et non-juifs son porte-étendard et sa spécialité ; La Famille – constituée à l’origine par des supporters, séfarades et juifs venant des pays arabes, du club de football d’extrême droite le Beitar de Jérusalem ; Les Voyous des Collines (le terme voyous étant ici ironique) qui regroupe des jeunes extrémistes de Cisjordanie occupée, où ils ont établi par la force des colonies israéliennes sur les terres palestiniennes. À ceux-là sont venus s’adjoindre des centaines d’élèves des écoles religieuses (les yeshivas) en rupture de ban.
Tous sont suprémacistes et ont en commun une haine féroce des Palestiniens, des immigrants noirs venant d’Éthiopie ou d’autres pays d’Afrique, des homosexuels, et plus généralement, de tous les « goyim », c’est-à-dire les non-juifs. Deux de leurs porte-parole, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, leaders du Parti sioniste religieux, se sont rendus sur place pour encourager ces milices. Smotrich en a profité pour demander la démission du Premier ministre, Benyamin Netanyahou, qu’il trouve beaucoup trop mou dans la répression alors que c’est ce dernier qui l’a fait élire à la Knesset, le Parlement israélien, en le propulsant à la tête d’une liste commune de partis racistes et homophobes qui prônent l’éviction des Arabes de Palestine.
Quand à Netanyahou, il a appelé « au calme », faisant mine de renvoyer dos-à-dos les agresseurs (policiers et extrémistes juifs) et les agressés, les Palestiniens.
Pour sa part, son ministre de la Défense et éternel rival, le « centriste » Benny Gantz, a préféré détourner l’attention de ce qui se passait à Jérusalem pour s’en prendre au Hamas qui, depuis la bande de Gaza, avait tiré vers Israël une trentaine de roquettes sans faire aucun blessé. Seule petite lueur d’espoir dans ce sombre tableau : la présence sur les lieux des affrontements de plusieurs dizaines de pacifistes israéliens venus apporter leur soutien aux Palestiniens.
« Un racisme proche du nazisme »
Pour conclure, il est bon de rappeler, comme le fait sur son blog le journaliste Dominique Vidal-Sephiha, ce qu’écrivait dans une tribune publiée dans Le Monde du 18 février 2018 l’historien Zeev Sternhell, membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et spécialiste mondialement reconnu de l’histoire du fascisme et du nazisme : « Il pousse en Israël un racisme proche du nazisme à ses débuts. » Nul n’est prophète en son pays.
Jean Liévin