Pauvres riches !
24 octobre 2005 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Pauvres riches ! Tel pourrait être le slogan du gouvernement et des parlementaires qui, ces jours-ci, s’occupent du budget et de la réforme des impôts.
Ils veulent d’abord, paraît-il, sauver les « victimes de la flambée de l’immobilier ». Quelles victimes ? Les salariés qui payent des loyers exorbitants ? Les habitants d’immeubles insalubres qui périssent dans des incendies ?
Pas du tout. Les victimes que l’UMP veut sauver, ce sont les bourgeois qui ont investi dans l’immobilier, et dont le patrimoine a du coup dépassé les 720 000 €, ce qui les assujettit à l’Impôt de solidarité sur la fortune... Avant qu’ils ne se noient dans leur propre fric, Villepin et Sarkozy leur lancent une bouée. L’ISF sera désormais plafonnée.
Et puis il y a des injustices auxquelles il fallait mettre fin. Quelles injustices ? Les bas salaires ? La taxe d’habitation, souvent plus lourde dans les immeubles populaires que dans les beaux quartiers ? La TVA qui fait peser le gros du financement de l’Etat sur les travailleurs ?
Non, l’injustice la plus criante, selon la droite, est celle qui frappe ces cadres supérieurs qui n’ont que quelques millions d’euros en actions (une misère !) et payent l’impôt sur la fortune tandis que le patron qui a des milliards ne paye rien, sous prétexte que la boîte, c’est son « outil de travail ». Car l’ISF, grand sujet de fierté de la gauche, qui l’a créé, est conçue pour toucher les millionnaires... mais épargner certains milliardaires.
La droite a la solution : les actionnaires salariés seront désormais exonérés d’ISF sur 75% de leurs actions. On va retrouver le sommeil à l’hôtel Crillon et l’appétit à La Tour d’Argent !
Pourtant la priorité, on nous le répète, c’est le problème du chômage. Le gouvernement a-t-il l’intention d’empêcher les licenciements ? De relever les allocations des chômeurs ? Pas du tout. D’embaucher dans la fonction publique ? Encore moins, puisque 5 000 emplois vont y être supprimés.
Non, la solution de l’UMP, c’est de baisser l’impôt sur le revenu, celui des plus riches : le nouveau barème en cinq tranches diminue considérablement les impôts des ménages qui déclarent plus de 100 000 euros par an. Ainsi la tranche supérieure, déjà beaucoup abaissée par Laurent Fabius, lorsqu’il était ministre, continue de fondre.
Quel rapport avec l’emploi ? En quoi, ces milliards d’euros de baisses d’impôts que les bénéficiaires vont s’empresser d’aller placer en produits financiers, SICAV, assurances vie et autres, vont-elles créer le moindre emploi ? Mystère.
Il y a quand même un ministère qui va pouvoir créer des emplois : c’est celui de la Défense. Avec une rallonge de plus d’un milliard et demi d’euros, les galonnés vont pouvoir s’offrir toutes sortes de joujoux technologiques et hors de prix : un deuxième porte avion nucléaire, des sous-marins Barracuda, des missiles SCALP et des avions Rafale ! « C’est les porte-avions contre les hôpitaux », résume cyniquement un député de la majorité.
C’est certain, un tel budget ne fera qu’accroître les difficultés de notre vie quotidienne : des hôpitaux débordés faute de crédits, des classes surchargées pour les enfants, le chômage pour les jeunes, des retraites amputées pour les anciens, des fins de mois difficiles pour tous.
Les grèves et les manifestations du 4 octobre dernier ont exprimé le ras-le bol général. Mais pour faire reculer le gouvernement, une journée d’action, ça ne suffit pas. Comme n’ont pas suffi les gifles qu’il a reçu lors des élections régionales, puis européennes, puis au référendum. Il n’en continue pas moins d’en rajouter des louches au service des riches et des capitalistes.
Alors même si une gifle, il risque d’en prendre encore une aux élections de 2007, qu’est-ce que cela changera ? Et avons-nous le temps d’attendre encore ?
Cette politique de régression sociale, ce n’est pas une gifle électorale qui l’arrêtera. Pour la mettre knock out il faudra y aller à grands coups de poings. Il faudra des luttes, et probablement une lutte d’ensemble, une grève générale. C’est à celle-là qu’il faut nous préparer.