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Massy (91) : Licencier des éducateurs de rue pour « lutter contre la délinquance » !

10 décembre 2020 Article Société

Depuis 15 ans, l’association Alliance Prévention est implantée dans l’Essonne, et elle a une antenne à Massy depuis 6 ans. Le club de prévention spécialisée de Massy va pourtant fermer ses portes le 31 décembre ? C’est ce que les éducateurs ont appris il y a quelques semaines par un courrier sans accusé de réception. En conséquence : huit licenciements de travailleurs sociaux et plus d’une centaine de jeunes abandonnés au beau milieu de leur accompagnement.

Il s’agit, pour le maire, de garder le contrôle sur ce qui se fait auprès des jeunes plutôt que de les confier à des éducateurs « indépendants », financés par le département, qui font partie d’une association extérieure à la municipalité avec laquelle ils sont simplement en partenariat [1]. Avec la régie municipale, le maire pourrait directement donner des consignes à l’équipe, exiger des rapports, garder à l’œil certains jeunes ou certains groupes. Au détriment des éducateurs licenciés, et des jeunes du club de « prev ».

Du suivi des jeunes…

Après avoir calomnié les éducateurs en conseil municipal pour justifier leur départ [2], le maire a proposé aux éducateurs risquant de se retrouver sans emploi d’intégrer cette équipe de régie municipale… Comme quoi ils ne seraient pas si incompétents que cela !

Leur travail, sous la tutelle du département, a une mission de protection de l’enfance [3]. C’est un travail au quotidien, un accompagnement des jeunes en difficulté sociale, financière ou familiale dans le but de les aider à s’insérer socialement, à trouver du boulot ou des formations, un logement, afin de prévenir l’isolement et de garantir leur accès à leurs droits.

À cause des difficultés rencontrées par les jeunes qui sont en rupture avec toutes les institutions, les éducateurs de rue ont à faire un travail d’approche dans la rue, de création de lien social avec les jeunes dans un cadre où collèges et lycées sont dépassés par leurs situations. Les éducateurs travaillent dans la rue, dans les écoles, dans les centres commerciaux, en prison. Leur travail se base sur l’anonymat et la libre adhésion, il faut donc gagner la confiance des jeunes sur le long terme pour les accompagner dans leurs projets, leurs démarches et être en mesure de les rediriger vers les différentes institutions (missions locales, centres médico-psychologiques, logements sociaux, centres sportifs...) pouvant leur proposer des aides concrètes.

Pourtant, on leur demande de plus en plus d’évaluations, de rapports, de chiffres, de projets écrits, pour pouvoir justifier de leurs salaires ou de chaque euro utilisé pour financer des projets, alors même que les résultats de leurs actions ne pourront réellement se voir que dans des années. Le temps de travail passé à créer du lien ou de la confiance n’est pas quantifiable !

… à la lutte « contre la délinquance » ?

Le projet du maire de Massy : les remplacer donc par une équipe en régie municipale, dans un « souci de maintien de la tranquillité publique » voire organisée « contre la délinquance » plutôt que dans un rôle d’accompagnement et d’aide aux jeunes en difficultés, dangers et souffrances.

Des professionnels qui ne sont majoritairement pas soumis au secret professionnel, ne garantiront pas la confidentialité de leurs échanges avec les jeunes. Ils se retrouvent donc sous la responsabilité du maire UDI Nicolas Samsoen qui souhaite « poursuivre le développement de la vidéosurveillance » et se réjouissait dans son programme pour les élections municipales de 2020 de l’arrivée de 9 nouveaux policiers municipaux à Massy. Au moment où il renforce les effectifs policiers dans les quartiers ouvriers, on comprend pourquoi il souhaite remplacer les éducateurs spécialisés par des équipes qui seront surtout là pour fliquer les jeunes déjà habitués à subir des contrôles au faciès et des violences ou humiliations de la part de la police.

Non aux licenciements des éducateurs de rue !

Les jeunes en contact avec les éducateurs ont protesté en faisant circuler une pétition, dans laquelle ils demandaient un entretien avec le maire pour pouvoir s’opposer à cette décision et dire tout le bien qu’ils pensent du travail des équipes dénigrées en conseil municipal et dans la presse. Les éducateurs ne se laissent pas faire non plus, et ils étaient présents à la manifestation du jeudi 3 décembre à Évry, dans le cadre d’une journée de lutte des salariés du médico-social, pour demander des moyens pour les travailleurs sociaux dans ce département qui leur coupe les vivres.

Plusieurs départements ont complètement fait disparaître la prévention spécialisée ces dernières années, en supprimant des postes, des services, laissant tomber certains quartiers, sapant parfois un travail de plus de 15 ans. Les moyens alloués au travail social (assistants sociaux, éducateurs, médiateurs…) sont ridicules et ce secteur n’est pas en reste des mesures d’économie, au détriment de la santé de la population, chez les soignants, dans les hôpitaux ou les EHPAD. De l’argent, pourtant, il y en a pour embaucher dans la police ou pour payer des cadres pour contrôler et « évaluer » les résultats des professionnels de terrain. Cela ne va pas sans résistances et face à la mairie de Paris, en 2014-2015, les professionnels de la « prev » s’étaient mobilisés et avaient réussi à empêcher les suppressions de postes prévues et à obtenir une hausse de moyens.

Charlotte Baumann

(Photo : manifestation de salariés du médico-social le 3 décembre 2020 à Paris)

(Une version courte de cet article a été publiée dans l’Anticapitaliste n°547)


[1La mairie adhère à l’association, envoie plusieurs délégués en conseil d’administration, et leur fournit des locaux.

[2D’après le maire, « le dispositif de prévention est dysfonctionnel depuis un grand nombre d’années » et il n’y aurait que deux éducateurs qui seraient présents sur le terrain pour faire correctement leur travail.

[3Dans le cadre d’une délégation de service public rattachée à l’Aide Sociale à l’Enfance.

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