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Accueil > Éditos de bulletins > 2021 > novembre > 15

Les barbelés de la honte et le mur de l’argent

Ils sont près de 3 000, hommes, femmes et enfants coincés entre la frontière de la Pologne et de la Biélorussie, victimes de la misère et des calculs sordides des dirigeants de l’Union européenne et de la Russie. Enfermés dehors. À l’extrême droite et à droite, tout le monde y va de son couplet de haine. À gauche, loin de dénoncer le mythe réactionnaire de cette invasion supposée, on brode sur la meilleure façon de tenir les migrants à distance. Mais tous multiplient les promesses de « solutions sécuritaires ». Les frontières protégeraient l’Europe, assurant la paix et la prospérité intérieures, contre les menaces extérieures. Vraiment ?

Frontières de sang et d’argent

Les populations migrantes sont depuis un siècle dans le monde estimées à 3 %, et avec l’augmentation de la population mondiale leur nombre croît. La misère, les guerres et désormais le réchauffement climatique en sont les causes premières, dont les origines ne sont jamais loin des profits des multinationales. Mais ce chiffre, contre toute attente étonnamment stable, concerne essentiellement des mouvements dans les pays du Sud ; seul un tiers va du Sud vers les pays riches.

L’Union européenne et ses 447 millions d’habitants avec quelques centaines de milliers de migrants n’est pas envahie. L’idée répandue est que les frontières empêcheraient une déferlante, et qu’en multipliant les barbelés il y aurait moins de problèmes ! Il n’en est rien. Depuis 1990, le nombre de kilomètres de frontières n’a cessé de croître ; 27 000 kilomètres supplémentaires, portant le nombre total à 253 000. Près de 40 000 kilomètres de frontières sont fermés ou en voie de l’être : on compte aujourd’hui une cinquantaine de murs dans le monde alors qu’il en existait 19 à la fin de la guerre froide, il y a trois décennies.

Le marché mondial de la haine

Les marchandises, les matières premières pillées et les flux financiers circulent librement alors que l’humanité est cisaillée par un labyrinthe de barbelés. Mais ces frontières ne sont pas inutiles pour tout le monde. Le secteur privé en tire de vrais profits. Le marché mondial de la haine représentait 17 milliards d’euros en 2016, et on annonce 53 milliards à l’horizon 2022. Drones, robots-chiens, surveillance faciale, murs et gestion privée de camps, voilà le beau monde qui se fait devant nous. La Méditerranée est devenue un tombeau marin et Calais une prison à ciel ouvert. Avec des outils de répression et de surveillance contre un prétendu danger « extérieur » qui serviront contre les menaces d’explosions sociales « intérieures », n’en doutons pas.

Les vraies frontières… sociales

Alors il y a le deuxième mensonge : les frontières seraient une « protection sociale ». Mais ce ne sont pas les migrants qui licencient ou embauchent à des bas salaires, ce ne sont pas eux qui fixent les règles de ce jeu cruel, l’exploitation. Dans ou en dehors de l’entreprise, cette frontière sociale bien réelle dispose de douaniers en cravate. Ce sont la bourgeoisie et le patronat, via leurs laquais du gouvernement. En faisant jouer la concurrence entre travailleurs d’ici et là-bas, ils espèrent toujours tirer leurs profits vers le haut.

Dans la période précédente, cette fine équipe délocalisait les industries et les emplois. Et là, pas de problèmes avec les frontières. On appauvrissait des régions entières pour payer des salaires de misère ailleurs. Aujourd’hui on fait l’inverse, on relocalise. Au profit des travailleurs du prétendu bon côté de la frontière ? Certainement pas ! La Bourse fait des profits insolents comme jamais. Il y a en France six millions de chômeurs et près de dix millions de pauvres.

Mais rassurez-vous tout le monde n’est pas perdant. Les 624 projets de relocalisation que recense L’Usine nouvelle, revue patronale, seront soutenus par nos impôts à hauteur de 729 millions d’euros dans un premier temps, puis 2,7 milliards en prévision. On fabriquera des chômeurs là-bas, quelques miettes seront distribuées ici, et comme toujours via ces aides publiques on socialise les pertes et… on privatise les profits.

Les gagnants et les perdants de ce Monopoly sinistre, voilà la vraie frontière. Une frontière de classe.

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