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Accueil > Éditos de bulletins > 1998 > septembre > 21

LES « 35 HEURES » FAÇON AUBRY-JOSPIN

Le patronat engage maintenant un peu partout des discussions avec les syndicats sur les 35 heures. Après les accords de branche, signés dans la métallurgie puis dans le sucre par une partie seulement des syndicats, c’est le tour du bâtiment et des travaux publics, de la chimie, des banques, des grands magasins. Et bientôt de France Télécom, d’Air France et de bien d’autres. Les discussions se déroulent aussi parallèlement par entreprise, successivement ou en même temps, comme le prévoit la loi.

L’intérêt porté par les patrons pour le dispositif mis en place est aujourd’hui évident. Inutile de leur faire un dessin pour leur faire comprendre tout le bénéfice qu’ils peuvent en tirer. La loi leur donne les moyens de faire varier les horaires et les effectifs en fonction du volume des ventes et de l’activité, de modifier les dates de congés, d’instaurer le travail du dimanche ou celui de nuit quand ce n’est pas déjà fait. Elle permet d’allonger la durée d’utilisation des machines et de réduire les stocks, d’augmenter les horaires d’ouverture, et de remettre en cause un certain nombre d’avantages acquis auxquels tiennent les travailleurs.

Si les patrons, au moment du vote de la loi ont poussé les hauts cris et se sont fait passer pour des victimes, c’était seulement pour que le gouvernement les favorise encore davantage et pour l’aider à faire passer la pilule auprès des travailleurs.

Il ressort des accords de branche comme des accords d’entreprises déjà mis en pratique, que la plupart comprennent des dispositifs d’annualisation et de plus grande flexibilité des horaires de travail. Les clauses de « modération salariale », nouveau vocable pour désigner la baisse des salaires, y figurent aussi en bonne place. Car pour le patronat il est évident que l’opération « 35 heures » doit non seulement ne rien leur coûter, mais au contraire, leur rapporter. L’augmentation de la productivité est à la clé, et il y a aussi les aides financières de l’Etat : cinq ans de réduction forfaitaire et dégressive des charges patronales de sécurité sociale.

Quant à la création d’emplois pour laquelle cette loi était paraît-il faite, il ne faut pas y compter. Sur les 259 premiers accords concernant 40 300 salariés, 2900 emplois ont été « sauvés ou créés », nous dit-on. Car les patrons ont trouvé la bonne façon d’utiliser la loi Aubry-Jospin : cela consiste à annoncer des licenciements dans un premier temps, et dans un second à discuter d’un accord permettant d’aménager le temps de travail tout en réduisant le nombre des licenciements... en empochant les aides financières de l’Etat. Cela s’appelle « sauver » des emplois et signer un « accord défensif ».

Dans l’automobile, le patronat veut utiliser l’opportunité de la loi des 35 H pour « renouveler la pyramides des âges », en faisant partir en préretraite des dizaines de milliers de travailleurs qui seront remplacés par... quatre ou cinq fois moins de jeunes, moins payés, plus précaires, et en faisant financer l’opération par l’Etat.

Cette loi des 35 H n’a rien à voir avec la revendication à laquelle aspirent légitimement les travailleurs et elle ne va pas apporter la moindre solution au problème de l’emploi, au contraire. Il nous faut la réduction du temps de travail, mais avec le maintien des salaires, sans annualisation ni flexibilité supplémentaire, et avec des embauches en compensation.

Gouvernement et patrons veulent aujourd’hui nous faire croire qu’il faut que les syndicats aillent négocier, pour nous permettre à nous travailleurs d’en tirer malgré tout quelques avantages. Mais c’est un leurre. Les discussions autour du tapis vert ne font que préparer la sauce à laquelle le patronat veut nous manger.

Il n’y a aucune possibilité d’obtenir une véritable réduction du temps de travail et le recul du chômage qui devrait l’accompagner, sans une offensive des travailleurs contre les patrons et contre le gouvernement à leur service. Mais là-dessus, les centrales syndicales, en cette rentrée sociale, sont plus muettes que jamais.

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