Petit tour d’horizon des candidats qui se bousculent pour sauver la Droite (et la France par la même occasion)
À maintenant huit mois de la présidentielle, la droite « classique » est dans le brouillard. Lors de la dernière élection en 2017, François Fillon et le parti LR ont subi une défaite historique en étant éliminés dès le premier tour (ce qui n’était jamais arrivé auparavant à la droite « de gouvernement »). Déserté par ses électeurs, LR a alors vu une bonne partie de ses cadres rejoindre Macron et a perdu les trois-quarts de ses adhérents, ceux qui restent se caractérisant par une moyenne d’âge stratosphérique. Quatre ans plus tard, la droite n’a pas remonté la pente : en pleine confusion, divisée comme jamais, sans chef naturel (et à droite, c’est important d’avoir un chef !), le parti à la dérive n’est plus qu’une juxtaposition de micro-courants et de carrières politiques où chacun soupçonne l’autre d’être le prochain ministre de Macron. Le congrès (dématérialisé) de LR le 25 septembre n’est même pas certain de pouvoir proposer une primaire… que refuse déjà Xavier Bertrand, le candidat de droite favori des sondages, mais qui a quitté le parti et qui se présentera à la présidentielle « quoi qu’il en coûte ». Il pourrait donc y avoir deux candidats de la droite libérale. Xavier Bertrand a comme stratégie de passer en force en s’appuyant sur les sondages et de contraindre les LR à le soutenir pour ne pas saborder totalement les maigres chances de la droite de ne pas encore être éliminée dès le premier tour. Et même comme ça… Reste à savoir qui craquera le premier entre Bertrand et LR. Et à quoi sert encore LR en dehors des élections locales. La blague du moment à LR : « le pire ennemi de la droite, c’est la droite. »
Du côté du RN, on n’a pas ce genre de problème : Marine Le Pen est candidate depuis un an et incontestée dans un parti qu’elle tient d’une main de fer. Lors de l’université d’été du RN le 12 septembre à Fréjus, elle quittera formellement la présidence du RN pour se donner une stature présidentielle mais rien ne changera dans les coulisses. Si les régionales n’ont pas été un grand succès (essentiellement du fait de l’abstention massive), les investitures ont permis d’écarter les derniers opposants internes et incontrôlables, comme l’électron libre Jean Messiha ou la catho tradi Agnès Marion. Comme le dit l’ancien élu RN Thibaut Monnier : « Le RN n’est plus un parti mais un fan-club. » Le ménage fait dans son parti et quasi sûre d’être qualifiée au premier tour d’après les sondages, Marine Le Pen se consacre désormais à une stratégie de second tour : lisser son programme économique pour rassurer le retraité de droite et surtout ne pas faire de vagues pour endormir l’électeur de gauche de plus en plus réticent à « faire barrage à l’extrême droite » en allant voter Macron au second tour. Crédibilité d’un côté et recentrage de l’autre ! Ainsi, le RN se tient à distance des manifs contre le pass sanitaire et les interventions dans les médias des porte-paroles Jordan Bardella et Laurent Jacobelli ressemblent à des robots répétant des éléments de langage aseptisés.
Reste Nicolas Dupont-Aignan. Après les fiascos électoraux des européennes (3,5 %) et des régionales (quatre listes seulement dont aucune n’a dépassé les 3 %), après le départ en 2020 de près de la moitié de ses cadres dans la nature ou vers le RN (y compris sa propre suppléante à l’Assemblée), Dupont-Aignan est plus isolé que jamais et s’enfonce dans une dérive outrancière et complotiste contre le pass sanitaire. Totalement décrédibilisé auprès de son électorat traditionnel de bons bourgeois gaullistes, il n’est même pas certain qu’il obtienne les 500 signatures. La situation est sensiblement la même pour Florian Philippot. Certes, ses délires antivax l’ont rendu populaire sur les réseaux sociaux, mais il n’est pas du tout certain que ses spectateurs YouTube ou les manifestants anti-pass (qui sont bien souvent aussi « anti-politique ») voteront pour lui l’année prochaine. Les sondages ne lui donnent toujours pas plus de 2 %, mais évidemment, Florian Philippot, en bon complotiste, est persuadé que les sondages sont truqués. Cette élection présidentielle devrait siffler la fin de carrière pour l’ancien numéro deux du RN. On ne le regrettera pas.
Zemmour superstar
La droite « hors les murs », celle qui ne se reconnaît dans aucun parti, croyait avoir trouvé sa Jeanne d’Arc avec Marion Maréchal, l’égérie de la Manif pour tous. Hélas, l’idole des réacs ne veut pas affronter sa tante Marine dans l’arène électorale. C’est alors que le journaliste du Figaro et de Cnews Éric Zemmour pourrait essayer de transformer sa popularité médiatique et ses succès de librairie en résultats électoraux. Autant Marine Le Pen est dans une stratégie « rassembler, rassurer », autant Zemmour tient un discours « cash » et apocalyptique. Son prochain livre publié le 15 septembre devrait lui servir de programme électoral. Il est même possible qu’il annonce sa candidature lors d’une réunion publique prévue à Nice le 18 septembre, sauf s’il veut encore faire durer ce triste suspense…
Son discours très radical, qui rappelle Jean-Marie Le Pen ou Patrick Buisson, lui assure une couverture médiatique et un succès dans un petit milieu à droite de la droite. Pour autant, ses propos hallucinés sur « la guerre civile qui vient » ou contre l’Union européenne pourraient effaroucher le centriste moyen, sans parler des milieux patronaux qui trouvaient déjà Marine Le Pen inquiétante… Enfin, l’électeur populaire des zones désindustrialisées qui vote RN ne sera peut-être pas emballé par ses propositions de reculer l’âge de la retraite à 65 ans et de supprimer les 35 heures. Comme le dit le politologue Jérôme Sainte-Marie : « Éric Zemmour a les handicaps de Marine Le Pen sans les atouts. » Répondre à chaque question par « c’est la faute à l’islam » ne suffira peut-être pas à faire l’union des droites derrière lui.
Autre problème pour Zemmour, son équipe de campagne ne brille pas par son niveau : un mélange entre des renégats du RN (Valérie Laupies dont la liste aux Régionales a fait 1,6 %, le maire d’Orange Jacques Bompard et sa Ligue du Sud) et des jeunes romantiques du 16e arrondissement en rupture de LR (le très catho Stanislas Rigault, les anciens de l’UNI Antoine Diers et Samuel Lafont) mais aucun « gros poisson » de la droite ou du RN ne soutient Zemmour pour l’instant. Ce n’est pas avec une poignée de marginaux qu’on gagne une élection présidentielle mais avec des élus et des experts… De manière plus anecdotique, Robert Ménard, le maire de Béziers, qui le soutenait jusqu’ici, vient de le lâcher publiquement. Enfin, parmi l’extrême droite, certains (Soral, Rivarol) refuseront toujours de soutenir le « juif Zemmour ».
Si Zemmour et sa minuscule équipe se rêvent en Donald Trump français, il faudrait déjà pour cela que LR se range derrière Zemmour comme Trump avait remporté les primaires du Parti républicain en 2016 : On en est assez loin en l’état, même si une partie de l’électorat LR regarde avec sympathie le journaliste du Figaro. On est certainement plus proche du Bruno Mégret du début des années 2000 ou au mieux de Philippe de Villiers sans la Vendée… Les sondages donnent Éric Zemmour autour de 8 %, ce qui lui assure au moins un remboursement de ses frais de campagne (condition certainement indispensable pour se présenter même si Charles Gave, le mécène de la droite radicale, pourrait le financer) mais il est encore très loin de menacer Marine Le Pen et ses 10 millions d’électeurs. Toutefois, les cadres du RN commencent à s’inquiéter et à dénoncer dans les médias une « candidature de division qui fait le jeu de Macron » et appellent à « voter utile » pour leur candidate. À part quelques proches de Marion Maréchal, il est peu probable que des responsables du RN rejoignent la candidature Zemmour : certes la plus grande peur au RN est de voir Marion Maréchal elle-même rallier l’équipe de Zemmour, mais pas sûr qu’elle ait envie de mettre sa notoriété au service d’un autre. Chez LR, même les plus radicaux (Nadine Morano, Guillaume Peltier, Julien Aubert) semblent encore hésiter. Tous aiment bien regarder Zemmour à la télé, mais de là à risquer sa carrière politique pour lui… Idem pour les maires qui ne semblent pas se précipiter pour le parrainer. Sans ralliements d’importance rapidement, il sera difficile d’être pris au sérieux pour « le Mike Tyson du débat ».
Les jours qui viennent devraient permettre d’éclaircir le panorama à droite : primaire ou pas ? Zemmour ou pas ?
Christian Laine