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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 29, septembre-octobre 2003 > DOSSIER : Altermondialisation : réforme ou révolution ?

Keynes et les keynésiens : Le gourou aurait renié ses adeptes

« Keynésiens », c’est le qualificatif volontiers revendiqué par ceux qui disent vouloir réformer ou du moins réglementer le capitalisme, au point d’être devenu pour certains synonyme de « réformistes » [1]. Le keynésianisme passe communément de nos jours pour le versant « de gauche » de la pensée économique, l’aile droite étant le courant « néo-libéral » appuyé sur les théoriciens dits « néo-classiques ». Mais que défendait vraiment Keynes, cet économiste bourgeois qui s’est toujours démarqué violemment de toute penée même très vaguement socialisante ?

Une variante de la pensée économique bourgeoise

A l’époque de la crise mondiale de 1929, le catéchisme libéral des économistes bourgeois, datant de l’époque (finissante) du capitalisme de libre concurrence, ne répond plus guère aux attentes pragmatiques de la bourgeoisie et de ses gouvernements. La bourgeoisie ne survit plus qu’adossée à l’Etat. L’heure est à l’intervention massive de l’Etat au secours du grand capital, version fasciste en Italie et en Allemagne, version New Deal aux Etats-Unis, cette opération de sauvetage du capitalisme américain que Trotsky caractérisait comme une « forme particulière de désarroi, possible seulement dans un pays où la bourgeoisie a pu accumuler des richesses sans nombre ». Le rôle de Keynes fut de fournir la caution intellectuelle de politiques d’intervention étatique qui étaient inscrites dans l’évolution à long terme des pays impérialistes. Et au lendemain de la guerre, quand la bourgeoisie ne put se passer de l’étatisation d’une bonne partie de l’économie pour la reconstruction, on remit Keynes à l’honneur.

Keynes et le chômage

Mais qui était Keynes (1883-1946), et que préconisait-il précisément ? Ce haut fonctionnaire et éminent conseiller de gouvernements fort réactionnaires était fort peu « réformiste ». Dans on ouvrage principal (théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie), publié en 1935, il expliquait surtout, contrairement aux « néoclassiques », que le capitalisme n’assure pas automatiquement le retour au plein emploi, qu’il peut donc exister un « équilibre de sous-emploi ». Ce n’était pas franchement une trouvaille. Marx, 70 ans auparavant, avait démontré la fonction de « l’armée industrielle de réserve » (les chômeurs) dans l’accumulation en régime capitaliste… Mais Keynes, sous prétexte de résorber le chômage, justifie dès lors l’injection de fonds publics dans les circuits du capitalisme.

L’Etat, oui, mais au secours du capital, pas des salariés

En rupture avec les dogmes libéraux, il théorise incontestablement l’intervention de l’Etat. Mais pas au sens du prétendu « Etat providence », censé relancer l’économie par l’augmentation des salaires et la consommation, contrairement aux mythes qui circulent actuellement : en plein cœur de la crise de 1929, il ne cache pas son hostilité envers les revendications salariales des ouvriers. S’il insistait sur la « demande effective », elle reposait pour lui avant tout sur l’investissement (c’est à dire avant tout la consommation d’équipements par l’Etat et les industriels), auquel il prêtait des vertus quasiment surnaturelles. Et quand l’investissement privé se faisait désirer, il préconisait la prise en charge d’une partie des investissements par l’Etat, en d’autres termes la « socialisation de l’investissement », non sans un luxe de précautions afin de se démarquer de toute parenté idéologique avec le socialisme : il ne s’agissait que d’associer l’investissement public aux intérêts privés de toutes les manières possibles.

Julien FORGEAT


[1Michel Husson, par exemple, qui théorise dans un chapitre de son livre Le grand bluff capitaliste l’implication parfaitement consensuelle de la LCR dans Attac, définit les rapports souhaitables entre les « radicaux » (terme qu’il préfère à « marxistes » ou révolutionnaires) et les « keynésiens » (les sociaux-démocrates, qui hélas, déplore-t-il, ont renoncé au keysianisme pour rallier le néolibéralisme). Le « radicalisme » engloberait le « keysianisme », ce qui l’amène à sous-titrer (p 178) Radicaux donc keynésiens, et à conclure (p 182) : du coup, beaucoup de combats peuvent être menés ensemble, entre ceux qui se fixent comme objectif de réguler (sérieusement) le capitalisme et d’autres qui veulent le dépasser, ou plus exactement le renverser.

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