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Documentaire

Irak : destruction d’une nation

13 février 2021 Article Culture

Documentaire en quatre épisodes diffusé le 31 janvier 2021 sur France 5, disponible sur la plateforme de replay France.tv [1] jusqu’au 2 avril ainsi que sur Mediapart [2]


Quatre heures de documentaire pour revenir sur quarante ans d’histoire de l’Irak, pays martyr d’un système impérialiste dépendant des réserves de pétrole de la région. Une histoire qui, moins encore que n’importe quelle autre, ne peut s’écrire dans ses frontières nationales. Car le destin de l’Irak a été marqué par des forces qui le dépassent, en particulier les grandes puissances qui siègent au Conseil de sécurité de l’ONU – les États-Unis et l’Angleterre, mais aussi, et au premier plan, la France.

À travers des entretiens variés et pour certains assez exceptionnels – notamment les témoignages de Mokdad Al-Sabaawi, cheikh de la tribu Sabaawi à Mossoul, de Mohammed Zaki, un commerçant quinquagénaire de la même ville, ou bien les auto-justifications cyniques et révoltantes de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères de 1988 à 1993 sous Mitterrand et artisan de l’intervention française en Irak en 1991, de Paul Bremer, administrateur (ou proconsul ?) de la coalition en Irak de 2003 à 2004, ou de François Hollande, commanditaire de nouvelles frappes aériennes sur l’Irak en 2014.

Soutien cynique et intéressé à un dictateur en formation, reniements, trahisons, mensonges, guerres, embargo : les grandes puissances ont fait subir à l’Irak toute la palette de leurs malfaisantes combines. La France a misé très tôt sur le jeune Saddam Hussein, l’encourageant à tenir le peuple irakien d’une main de fer pour favoriser un commerce lucratif : armes françaises contre pétrole irakien.

Le dictateur sanguinaire aux méthodes expéditives a été utilisé pour donner une leçon à la jeune république islamique d’Iran dès la fin de l’année 1980. La France de Mitterrand l’a armé sans retenue, et même acheminé ses propres avions de chasse sur le terrain des opérations dans une chevauchée rocambolesque. Les États-Unis, qui ont plus de poids et de responsabilités dans la région, ont aussi armé l’Irak, mais en s’efforçant de maintenir un équilibre de la terreur avec l’Iran afin de faire durer cette sale guerre qui se termine seulement huit ans et un million de morts plus tard.

Après trois ans de paix précaire, à la suite de l’annexion en 1991 d’un petit émirat croupion sur les frontières d’un champ de pétrole, le Koweït, une coalition internationale menée par les États-Unis de Bush-père et accompagnée par la France de Mitterrand écrase l’Irak sous les bombes. Suivent douze ans d’un embargo qui a affamé les couches les plus pauvres de la population, avant l’intervention de Bush-fils en 2003. Cette fois la France n’en est pas – l’occasion pour Bruno Le Maire de parader dans le documentaire, dénonçant les mensonges américains aux côtés de Dominique de Villepin et Jacques Chirac. Le même Bruno Le Maire a pourtant approuvé, et même applaudi, l’intervention de Sarkozy qui a détruit la Libye en 2011 ou celle de Hollande, toujours en cours, qui a saigné le Mali en 2014.

L’invasion de 2003 a été l’occasion pour les États-Unis de tenter une démonstration adressée à toutes les puissances de la région. L’armée américaine a détruit l’État irakien : elle a dissous l’armée et la police et licencié l’intégralité des fonctionnaires (au prétexte de leur appartenance au parti unique de Saddam Hussein). Mais les USA n’ont pas su reconstruire un État capable d’imposer leur ordre social à la population irakienne. Il en a résulté un chaos où les forces régionales, religieuses et étrangères ont tenté de tirer leur épingle du jeu. Les exactions des armées d’occupation de la coalition (notamment dans la prison d’Abou Ghraib) ont soudé les Irakiens derrière des milices insurrectionnelles qui, elles-mêmes dirigées par des forces réactionnaires souvent religieuses, se sont finalement fait la guerre.

Si Bush avait menti en accusant l’Irak de Saddam Hussein d’abriter les islamistes d’Al-Qaïda, la conséquence de l’invasion américaine a été l’implantation de cette organisation terroriste sur le territoire irakien. Dès 2004, elle gagne du terrain dans les populations sunnites soumises aux privations et à l’occupation. Moins de dix ans plus tard, Daech émerge comme l’enfant monstrueux d’officiers sanguinaires de l’armée de Saddam Hussein et des djihadistes d’Al-Qaïda [3].

L’exposé au cordeau de cette spirale infernale pour le peuple irakien a le mérite de livrer un tableau cru des agissements des grandes puissances du monde « civilisé », pour reprendre le vocabulaire guerrier de Bush. L’insistance un peu lourde des réalisateurs sur le caractère « anti-démocratique » et « unilatéral » de l’intervention de 2003, sur le fait qu’elle serait basée sur des « mensonges » à propos des armes de destruction massive, passe heureusement au second plan. Il faudrait donner carte blanche à des interventions contre tout État qui possède de telles armes ? Le documentaire démontre de manière « chirurgicale » que la barbarie des impérialistes n’a que faire de trouver un prétexte, bon ou mauvais, mais ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs.

Raphaël Preston


[3Pour une analyse plus fouillée, voir le dossier « Moyen-Orient : « Guerre contre le terrorisme » ou guerre sans fin contre les peuples ? » de Convergences révolutionnaires no 96 de novembre-décembre 2014

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