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Accueil > Éditos de bulletins > 1998 > juin > 29

Algérie : après le temps des assassins, celui de la révolte...

La colère trop longtemps accumulée vient d’exploser cette fin de semaine en Kabylie. L’intervention des forces de l’ordre contre les jeunes de Tizi Ouzou qui manifestaient après l’assassinat du chanteur Lounès Matoub a mis le feu aux poudres.

En s’en prenant aux édifices publics et autres symboles de l’Etat les jeunes manifestants montraient qu’ils tiennent le pouvoir tout autant responsable que les intégristes de la terreur qui s’est abattue sur l’Algérie. Un sentiment partagé par toute la population : la grève générale a eu un soutien massif. Et la répression qui a fait trois morts (et ce ne sont que les victimes admises officiellement) rappelle que le pouvoir fait la guerre tout autant à la population pauvre qu’aux terroristes islamistes. Plus que ceux-ci, avec qui il est sans doute prêt à s’entendre un jour, ce qu’il craint c’est que l’effervescence populaire s’étende et se transforme en une nouvelle explosion sociale comme celle qui secoua l’Algérie en octobre 1988, il y a dix ans.

Aux intégristes d’ailleurs le pouvoir multiplie les gages : arabisation forcée faisant de l’arabe la seule langue officielle autorisée, nouveau code de la famille qui est en fait un nouveau code contre les droits des femmes, collaboration au gouvernement avec un parti islamiste qui a sept ministres. Cette politique de la dictature militaire, de plus en plus repeinte aux couleurs islamistes, est dirigée contre toute la population algérienne. Elle heurte spécialement les sentiments de celle de Kabylie déjà révoltée parce qu’on lui refuse, au nom de la soi-disant identité islamique de la nation, ses droits démocratiques, comme la reconnaissance de la langue berbère.

L’arabisation fait partie de la démagogie dont se sert la dictature militaire, détestée et discréditée auprès des pauvres, pour tenter de s’attacher quand même le soutien d’une fraction de la population, en misant sur les préjugés nationalistes ou religieux et en dressant la partie qui parle arabe contre la minorité qui parle berbère. C’est un calcul que le pouvoir a déjà fait bien des fois. Mais qui dit langue arabe imposée dit monopole donné aux religieux sur l’éducation nationale. C’est le même calcul qui a déjà aidé à développer les courants intégristes.

La révolte des jeunes en Kabylie révèle la tension explosive qui règne dans le pays. L’exaspération n’est pas due seulement à la violence terroriste, mais à la misère atroce qui frappe durement l’immense majorité alors que la minorité de riches liée au pouvoir militaire s’en met plein les poches ; alors aussi que les impérialistes (et en premier lieu de France) tirent toujours d’Algérie des profits records. C’est l’aggravation de la situation des masses pauvres avec des vagues de licenciements et la baisse catastrophique du niveau de vie et d’une jeunesse qui est sans travail, sans droit et sans espoir qui constituent les bases de cette explosion sociale potentielle.

Les organisations soi-disant démocrates ou de gauche (Mouvement Culturel Berbère, FFS, RCD) qui ont du poids en Kabylie se sont précipitées pour encadrer soigneusement les funérailles, appeler au calme, cantonner la protestation à la minorité berbère. Elles craignent tout autant que le pouvoir cette explosion sociale. (Cela n’étonnera pas ici, où les partis de gauche, PS, PCF, Verts, MDC, viennent encore de donner un exemple d’hypocrisie en pleurant sur l’assassinat de Lounès Matoub... eux qui participent à un gouvernement qui refuse des visas aux Algériens menacés de mort dans leur pays).

Au contraire, les manifestants de Kabylie ont à faire le lien avec les autres jeunes et travailleurs d’Algérie, pour trouver une issue à leur révolte et s’attaquer vraiment au pouvoir comme à l’intégrisme, et à tous les possédants algériens qui soutiennent l’un ou l’autre, mais aussi ceux d’ici, cette bourgeoisie française qui pillait déjà l’Algérie coloniale et continue à le faire actuellement. Cette bourgeoisie qui nous exploite, l’ennemi des jeunes et des travailleurs des deux côtés de la Méditerranée. Vive la révolte des jeunes et des travailleurs d’Algérie, nos frères !

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